Elle court le cœur dans la gorge, le rouge aux joues. Elle s’accroche les pieds dans une touffe d’herbe allongée de lianes invisibles, elle a failli tomber, elle s’assoit, elle rit. Elle en profite pour resserrer ses lacets. Il n’y a pas si longtemps qu’elle sait les faire, des heures d’entrainement pour enfin être fière. Elle regarde autour d’elle. Tout est pareil, le ciel est doré comme avant.
Sa voix est fraîche comme une caresse légère, le front cerné de boucles brunes, le nez fin, une fossette au menton, les yeux clairs d’une mer apaisée. Chaque vendredi à quatre heures juste, les deux battants de la grille s’ouvrent poussés par les grands. Lui il a 11 ans. Il porte fièrement son sac en bandoulière, il l’aperçoit et tête haute sans se soucier des autres enfants il se précipite les mains tendues, elle l’attend.
Curieuse, elle se penche sur le portrait. C’est un petit tableau carré, une peinture à l’huile. Elle fait le ménage. La maison est encore au repos. Demain ils arrivent. Entre deux toiles d’araignées à arracher au plafond, elle s’assoit, elle profite du calme pour observer, ouvrir un vieux livre avant de le dépoussiérer. Elle lit les poésies, reprend son balai, sa tête de loup.
Quatre à quatre il monte les escaliers, il a encore oublié ses papiers, il vocifère, il est en retard. Le résultat c’est aujourd’hui. D’un coup sec il appuie sur l’interrupteur. La lumière éclaire son portefeuille.
Elle noue son tablier autour de son ventre proéminent c’est le jour de la tuerie du cochon. C’est elle qui lave les boyaux, les remplit de sang, c’est elle la gouteuse de sang, elle vérifie l’assaisonnement, rajoute le sel, les épices qu’elle mélange au sang dans un grand chaudron à l’aide d’une énorme cuillère;. Des perles de sueur dégoulinent de son front. Sous le grand chaudron, le feu crépite.