La porte métallique du numéro 2171 s’est entrebaillée. Les gonds ont grogné. Le courrier de la banque coincé dans l’encadrement est tombé à terre. Rectangle blanc cru sur les pavés jaune passé. Puis s’ouvre l’obscurité du couloir, faïencé du sol au plafond de carreaux ébréchés et pas droits, en une sorte de nique à la géométrie. Pas de plan orthogonal, et idem pour les premiers degrés de l’escalier ramassé sur lui-même, prêt à déplier ses marches trapues lissées de poussière jaune, tatouées de traces confuses de tout petits pas pointus, ou de processions de pattes de blattes brunes, qui auraient grimpé en légions nocturnes jusqu’à l’étage, éclairé seulement par une petite ouverture sur la rue et un puits de jour menant par une échelle au toit terrasse, plateau de béton hérissé de tiges métalliques torsadées auxquelles s’accrochent encore des fils de plastique bleu usé qui ont servi à étendre le linge, dont il ne reste plus qu’un haut de pyjama rayé, en vigie face à l’oued en contrebas, qui tous les matins pendant quelques minutes s’illumine du bleu des mers du Sud, avant que le vent de Nord-Est ne déchire le paysage. Carte postale aux bords cramés par un soleil qui crève le ciel à heure fixe, immanquablement, comme un gros spot de cinéma, un flash surpuissant. Écho aimait beaucoup les photos. Pourtant, il ne devait pas être facile de se procurer des pellicules et de les faire développer, dans les années 70, dans cette petite ville née le long de l’oued pour l’exploitation des mines de phosphate. Écho, c’était son nom anglais. C’est ainsi que l’appellent encore aujourd’hui les touristes chinois qui viennent se recueillir, se photographier, se filmer, parler d’elle, parler d’eux, entremêler leur histoire et son histoire à elle, en une réécriture inlassable de ce que furent trois années de cette vie – derrière la porte métallique du numéro 2171.
Tant d’histoires bien gardées derrière cette porte…
Hâte d’en lire encore,
Merci