Les murs se dressaient de chaque côté de la chaussée, immenses. On avait franchi le pont et aperçu les lumières de la ville qui scintillaient au loin, miroitant par endroits à la surface du fleuve. Le taxi a longé la rue tranquille éclairée de quelques réverbères et s’est arrêté devant une grande grille. Descendu pour décharger valises et sacs, le chauffeur a redémarré sans mot dire, nous laissant longer le bâtiment jusqu’à la porte cochère. Il a fallu cogner plusieurs fois avant qu’on vienne nous ouvrir : un majordome nous salua et nous guida à travers une cour dallée de grosses pierres disparates que l’on supposait jointes par des mottes d’herbe. Un chien aboya. Dans le vestibule, une femme de chambre nous accueillit silencieusement, nous désignant l’escalier qui menait à l’étage. Une lampe en forme de lampadaire éclairait chichement les marches. Là-haut, nos pas amortis par un épais tapis qui courait sur le parquet jusqu’à une fenêtre noyée d’ombre, on avança vers une porte entrouverte, guidés par une rai de lumière qui perçait l’obscurité. Tout était calme, hormis les battements de nos cœurs anxieux, on entendait crépiter un feu et quelque chose qui ressemblait aux pages tournées par une main impatiente. Soudain le tintement d’une horloge nous rappela pourquoi nous étions là. Je poussai la porte et entrai. Notre grand-père, assis à son bureau, tirait nerveusement sur sa pipe en consultant un gros annuaire posé sous le halo d’un large abat-jour vert et or.
De ce que j’ai moi aussi compris de la proposition, je sens clairement l’afflux de matière. Je me suis longuement demandé ce que ça pouvait être sans entrer dans la description. C’est juste ça. Merci.
Ouf, j’ai longtemps réfléchi, avant que me vienne cette entrée dans la vieille demeure…
merci Jean-Luc
les sens sont convoqués, double mouvement, par eux et par la géographie des lieux. on se raconte presque une double histoire ainsi ou encore on imagine au moins deux personnages qui marchent à la rencontre d’un troisième.
Oui Patrick,
J’avais déjà cette scène en tête et – avant le crash de mon PC – un peu sur le papier pour « Paulette ».
Merci à François de nous donner à revisiter nos projets, celui-là est reparti – la suite bientôt grâce aux propositions qui ne manqueront pas d’être synchros avec nos cheminements personnels, comme toujours
C’est un vrai lieu. On suit la narratrice jusqu’au personnage. Le choix du lieu, c’est difficile je trouve. Il semble que tu tiennes le tien. Merci.
Merci à toi d’être passée là, Anne… j’y suis encore, le grand-père parle à présent…
On y va avec toi et… très belle, ta phrase pour ouvrir avec ces « murs immenses »
tout le contenu nous mène vers lui, l’homme dans son fauteuil tirant sur sa pipe… mais pourquoi sont ils tous convoqués ? on est véritablement en suspens…
L »effet aussi du temps passé, et même du passé simple… on est dans le récit en tout cas…
Merci chère Françoise,
Les phrases soufflées dans un carnet d’antan, les personnages obscurs qui se dévoilent peu à peu, les lieux qui disent et camouflent à la fois…
Moi même je suis subjuguée… et heureuse, donc, de transmettre ce récit !
« On entendait crépiter un feu et quelque chose qui ressemblait aux pages tournées par une main impatiente… » : superbe !
Comme l’a remarqué Anne, oui, c’est bien, ici, chez toi, le ton du récit que l’on retrouve. Ton que je n’ai absolument pas. Que je n’aurai jamais : je ne suis pas un raconteur d’histoires…
Ah mais heureusement que nous avons des tons différents, Nicolas !!
Et te lire est un délice, vraiment, ta poésie et tes évocations me charment… elles racontent une histoire, plusieurs, même !!
“Trouver sa voix”, François pourra te dire que ça m’a pris quelques mois et un paquet de Go de fichiers 🙄
Je plonge dans cet univers et tant de questions déjà ! Moi, par contre, j’adore les histoires et celle-ci promet !