Ce qu’il ne sait pas c’est vers quel OÙ il va.
D’ailleurs y va-t-il en courant ou en reculant, lui-même ne le sait pas.
Un pas en avant, trois en arrière un jour.
Puis le lendemain, dix en avant et un seul en arrière.
Et cela varie chaque jour.
Ce qu’il ne sait pas c’est qu’il progresse dans sa quête du OÙ.
Mais dans combien de temps, ce qu’il ne sait pas, toujours pas.
Ce qu’il ne sait pas, c’est de quoi demain est – normalement sera mais il doit rester dans le présent. Fichtre ! les concordances de temps et la conjugaison. Il les jette par-dessus son épaule.
Il est, il reste dans le présent.
Des OÙ il y en a tant qu’il n’arrive pas à choisir.
Il essaie de se raisonner pour s’obliger à choisir son OÙ.
Mais en a-t-il envie ?
Ce qu’il ne sait pas encore, c’est lequel il va choisir.
Son OÙ est où ?
Il refait l’inventaire de ses OÙ mais ce qu’il ne sait pas, c’est par lequel commencer.
Évident, mon cher Watson, croit-il entendre dire. Par le 1.
Non, il commence par le 99ème OÙ.
Ce qu’il ne sait pas c’est pourquoi il l’a choisi.
Il ne se souvient pas de ce OÙ, de son importance.
Il fait attention, avance pas à pas vers ce OÙ, celui que le sort lui a désigné.
Il ne le reconnait pas.
Il est ou devient kaléidoscope.
Un morceau de la place Ducale, un autre de la route d’Angers.
Combien de facettes déjà doit-il rassembler ?
Il ne sait pas… il ne sait pas… il ne sait pas…
Il rajoute un morceau de la forêt de Brocéliande, celui de l’arbre d’or, il l’aime trop.
Encore un pense-t-il ?
Il ose même s’il ne sait pas, s’il ne se rappelle pas.
Un dernier, le feu du phare de la Vieille.
Son kaléidoscope des OÙ est fini.
Il ne se lasse pas de regarder , d’y coller son œil.
Qu’ils sont beaux ses OÙ qui s’imbriquent, dansent, virevoltent devant ses yeux.
Ce qu’il ne sait pas… toujours pas… lequel est son OÙ …
J’aime beaucoup ce questionnement permanent du lieu, du où. Je suis sûre que ça parle à chacune, chacun. Moi à coup sûr!
Rétroliens : #L5 – Claude Simon, expansion, décalcomanies – Tiers Livre, explorations écriture