Porte fermée beige au-dessus de laquelle une photo d’une veille dame qui sourit avec son prénom et son nom est collée. Ouverture de la porte, improbable couloir tellement il est court, le regard est attiré tout de suite sur la droite, vers une porte coulissante en bois marron foncé qui ouvre sur une salle de bain. Vaste douche équipée d’un siège rabattable accroché au mur couleur crème, WC avec lunette, bouton pour tirer la chasse. Juste après un lavabo surmonté d’un miroir, entouré d’une tablette où sont posés un gobelet, deux brosses à dents et un tube dentifrice dedans, trois savons se chevauchant dans une coupelle, une brosse, quelques barrettes, deux boucles d’oreille dépareillées. En continuant sur la gauche, quatre planches d’étagère où pêle-mêle on trouve en bas du coton démaquillant, des protections urinaires, une boîte de gants transparents en latex, plus haut une petite boîte à 3 tiroirs pour ranger des bijoux, peignes, ciseaux, coupe-ongle, limes à ongle usées, élastiques, pinces à cheveux, crèmes pour les mains, le corps, le visage…en hauteur une photo de deux enfants d’environ 4 et 6 ans, un vase arrondi duquel penchent des fleurs artificielles couleur parme. Par terre, un panier à linge sale en plastique blanc ajouré. En sortant de la salle de bain, les yeux se posent sur une double penderie fermée relativement basse, au-dessus de laquelle trois boîtes de sachets de thé, du ricoré au lait, un bénitier bleu clair en céramique, quelques cylindres en papier de sucre en poudre, une photo d’un homme qui montre un oiseau avec son doigt et une rangée de livres de différentes tailles, albums, livres de poche…
Après la penderie, on remarque l’angle de la chambre et une table de nuit scellée au mur sur laquelle se chevauchent de vieux kleenex en boule, un gobelet sale, un téléphone aux grandes touches, des lunettes de soleil, une boucle d’oreille…La table de nuit appartient à un ensemble, c’est un lit médicalisé. Sur le lit, une femme allongée, habillée, tournée vers le côté gauche, recouverte à moitié par une couverture légère, les yeux ouverts. Ses yeux regardent dehors car à la gauche du lit, en face de la double penderie, on remarque une grande porte vitrée coulissante qui donne sur l’extérieur, un jardin, avec une pelouse un peu jaunie et derrière la clôture, de grands arbres, des pins qui penchent vers le sol. Une paire de chausson et de tennis sans lacet au pied du lit. Après la porte vitrée, une table à roulette avec un compartiment en dessous rempli de magazines, boîte de crayon feutre, vieux jeu de scrabble, au-dessus, encore des magazines et un grand vase rempli d’eau stagnante recevant de longues pivoines artificielles blanches crème. A l’angle de la pièce, un fauteuil en velours vieil or sur lequel des écharpes et étoles décorent le dossier puis face au lit, un bureau avec un tiroir, jonché de magazines, d’une horloge numérique grand format aux chiffres rouges, d’un tableau blanc effaçable où sont indiqués des horaires, d’une radio-CD sans sa télécommande, des miettes, un verre en plastique, une boîte de kleenex, un reste de rouleau de sopalin, des lunettes loupe. A gauche du bureau une ancienne table de nuit, relativement haute, sur laquelle est déposée une sculpture de bouddha en terre cuite pigmentée cuivre. Au sommet de la sculpture, des chapeaux de paille et une casquette.
La femme âgée allongée serait dans une rêverie. Elle attendrait qu’un cheval ou un bateau vienne la chercher. Elle se souviendrait qu’elle n’est plus une enfant mais elle n’en serait pas tout à fait sûre parce que ce matin il lui semble bien qu’elle est allée à l’école. Elle espérerait des nouvelles de ses parents. Pourquoi ne l’appellent ils pas ? Où habitent ils déjà ? Est-ce qu’ils savent où elle est ? Vont-ils venir la voir dans sa pension ? Elle espérerait être libre, être libre ce serait pareil mais ce serait elle qui déciderait. Libre de dormir, libre d’aller dans le jardin, libre de manger un gâteau, libre de regarder un magazine, libre de faire le tour de sa chambre. Elle bougerait les pieds doucement, elle aurait l’impression de courir sur la plage, la grande plage de sable où elle avait appris à marcher. Et puis elle se serait approchée du rivage, aurait trempé ses jambes, l’eau saline lui aurait semblé délicieuse, elle aurait immergé tout son corps et aurait fait quelques brasses, mais pas la tête sous l’eau à cause de ses cheveux, sa couleur. Elle se serait levée du lit, aurait marché en boitillant sans sa canne jusqu’à la salle de bain, jusqu’au miroir au-dessus du lavabo. Elle se serait regardée, ses cheveux sont blancs.
..Merci pour ce regard croisé sur .. les cheveux blancs et l’oubli qui conduit peut-être aux rêves.