#### nouvelles| Marie-Thérèse Peyrin| Volontiers

Table des chapitres 1.Sensations d’écriture | Sensations de lecture 2.Usage des murs | Bibliothèques 3.Perdre … | Usage des pans de mur | Maisons 4. Le livre dit moins que ce qu’il dit 5.Trouvailles : Les livres, ce que les grands bibliophiles en disent | Bernard Noël citation 6. Le livre dans le livre… que dit-il ?

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# 00 Sensations d’écriture | Sensations de lecture

Martha nous parle

 J’ai recompté hier matin. Des espaces d’amoncellement de livres Il y en a vingt-et-un chez nous et seulement trois espaces d’écriture interchangeables selon le calme rendu possible par la solitude volontaire.

L’écriture sur le clavier de l’ordinateur tolère la présence de quelqu’un de familier, à condition que ce ne soit pas derrière mon dos.

Lire sur l’écran du P.C n’est jamais une sensation agréable, la lumière, les reflets et les contrastes agressent mes rétines, dès lors, je suis obligée d’augmenter la taille des caractères pour rendre le travail moins fastidieux et fatigant. Au bout d’une heure, une pause plus ou moins longue est nécessaire. J’en profite pour partir éplucher des légumes ou préparer un repas dans la pièce dédiée, à côté.

L’écriture sur la table de la salle à manger est l’écriture qui réclame des livres autour et des documents, elle s’étale comme une tache d’huile. C’est celle que je préfère mais il faut débarrasser et nettoyer la table ( huit couverts )de ses copeaux de papier à chaque fois, lorsqu’un autre usage impérieux se profile. J’ai la sensation d’être sur un radeau au milieu de l’océan dans une embarcation en bois rudimentaire ( l’arche de Noé biblique ?) qui sent la cire ou le goudron et le sel marin. Par-dessus, la nappe en tissu tapissier violet sombre et grenat, recouverte d’une toile en plastic transparente est comme une voile à plat. Les livres sont comme des poissons volants et fuyants qu’il faut surveiller du coin de l’œil pour qu’ils ne retombent pas comme les saumons dans une chute d’eau.

L’écriture sur un coin de table à la cuisine, le dos tourné proche de la grande baie vitrée est une écriture nomade sur des papiers volants, griffonnés, parfois des emballages de pain Wasa découpés en rectangle. Les notes éparses relient les moments de lecture aux moments d’écriture. La sensation de précarité et de désinvolture est de mise.

La sensation de décousu et de perte possible des éléments d’écriture est une donnée de départ et elle n’est plus du tout angoissante. Le temps trépidant s’est arrêté. Rien n’est urgent. Rien n’est attendu de l’extérieur. Sensation de liberté et de confort dans l’écriture et la lecture. Contrairement à Lydie Salvayre  ou d’autres, je n’écris jamais au lit. Cependant, je lis au lit tous les soirs, calée sur le côté droit et sous la lampe, avant de m’endormir, cela remplace les somnifères. Lorsque le livre tombe, je le ramasse, je lui mets son marque page et j’éteins.

Martha ne sait pas en déclarant tout cela qu’elle va remonter le temps et reconstituer tout un itinéraire de lectrice. Elle le fait volontiers. Elle dira que c’est le moment.

Ranger ses livres | Usage des pans de mur | Bibliothèques

# 01 Usage des murs | Bibliothèques

Approche

Martin Bartlesky et sa sœur Martha se reparlent de leurs souvenirs. Ils se sont retrouvés un jour d‘automne dans la maison de leurs enfances, nostalgiques et plantés comme deux idiots sentinelles imprévues devant la bibliothèque laissée désœuvrée depuis la mort des parents. Que faire de tous ces livres ? Faut-il les garder ? Faut-il les jeter ? Faut-il les donner ? Tu en veux ? Moi je n’ai pas la place… Mais ça on ne peut pas le jeter… Tu es bien d’accord ? C’est toute sa vie et ses goûts sur ces étagères : les classiques dans des éditions bon marché, les cartes routières, les numéros de Géo, les encyclopédies, les livres d’histoire, les livres d’œnologie, les livres drôles des humoristes vus à la télé. . Aucun livre de valeur, il a consacré tout son salaire à élever leurs six enfants. Et pourtant il n’a pas renoncé à se cultiver, à entrer dans le monde entier avec sa tête pensive et parfois taciturne. Il tenait beaucoup à cette profusion de livres que la retraite lui avait permis d’amplifier et de fréquenter. Il lisait tout le temps, même avec la cataracte. A la fin il faisait même semblant pour qu’on ne le dérange pas. Mais il a fini par préférer la contemplation des oiseaux et des arbres. Même le journal et ses papotages en faits divers récurrents ne l’intéressait plus. Les livres ne remplacent pas la vie.

Dans une ancienne chambre d’enfant, Bob avait rangé à peu près tous les livres autrefois dispersés dans la maison. Il les avait installés à côté du petit bureau où il peignait parfois comme sa mère… en autodidacte. Il avait abandonné la peinture à cause de l’allergie à la térébenthine… selon lui, la gouache n’était pas de la vraie peinture …

Sur deux pans de mur contigus, il avait ordonné les romans, les livres documentaires et les revues . Il avait mis en évidence de vieux volumes achetés dans des brocantes, car il aimait toucher les couvertures en cuir râpé. Il avait même établi une liste par ordre alphabétique avec son écriture en script assez guindée et nerveuse, véritable calligraphie un peu obsessionnelle mais très lisible. Il a fait cet inventaire sur une feuille de classeur à petits carreaux qu’il a glissé un jour entre deux grands livres dans un coin pour ne plus y toucher. Cette liste précieuse est donc restée inachevée… Des livres moins surveillés ont dû disparaître au fil des années et des visites. Mais curieusement, cet aménagement n’ a plus été contesté jusqu’à sa disparition. Il avait installé à côté d’une succession d’étagères style menuiserie norvégienne plusieurs bibliothèques accolées, sans portes, un mètre environ de largeur chacune, quarante centimètres de profondeur, beaucoup plus solides et ouvragées que celles plus ordinaires, , imitation pin. un peu trop dépareillées. Les nouvelles en vrai bois plein et placages , couleur chêne clair. Il les avait toutes arrimées entre elles et au mur avec des pattes de fixation métalliques qu’il avait voulu invisibles. En cas de tremblement de terre peut-être , qu’il y aurait eu moins de fatras.

Martin et Martha s’étonnent de la rareté de leurs livres de jeunesse sur les étagères. Mais leur revient l’idée que leur mère avait la manie du grenier. Elle avait l’art consommé d’emballer et de faire disparaître tout ce qui ne servait pas au présent et à la saison concernée. Elle faisait le vide dans les chambres à chaque rentrée scolaire, jetait les choses cassées ou abimées, les bouquins trop cornés ou maculés de chocolat. Martha se souvient des tranches de la bibliothèque rose pour les filles plus petites, et celles de la bibliothèque verte pour les garçons plus grands. Martin en avait sur l’étagère de son lit cosy quand il était préado; on l’avait séparé des deux autres frangins, il ne les supportait pas toujours. Il a besoin de calme disait la mère, il a sale caractère disait le père Il aurait préféré rester fils unique. En tout cas, et légitimement, il tenait à l’intégrité de ses livres , à son stock précieux, et à sa tranquillité. Quoi qu’il en soit, la grande majorité parmi les livres dans les collections roses et vertes ont disparu depuis longtemps. Leurs histoires se sont évaporées de leur mémoire, sauf quelques-uns; Elle a connu ceux de la Comtesse de Ségur jusqu’à la nausée, lui a fréquenté Jules Verne et autres pourvoyeurs d’aventures et d’épopées, plaies et bosses, morts tragiques à volonté… Les filles restent à la maison, les garçons partent dans la pampa, c’est couru d’avance. Les rares fois où ils sortent dehors ensemble quelque part, en club des 5 c’est pour faire des bêtises ou se mettre en danger. Les héros de moins d’un mètre cinquante sont toujours les plus attirants en l’absence des parents. L’intrépidité en meute dans un village donne des récits qui eux ,ne s’oublient pas. Pas la peine de vous faire un dessin. Au moins dans les livres; c’est plus ou moins dans la fiction. Peut-être au fond que ça ne compte pas comme dans les journaux de grands qui pullulent de drames et de malversations. Les livres le disent tous : le monde est plein de polissons et de criminels, les poètes écoutés y sont rares. Martin ne lit plus, il a préféré le sport et la musique, le foot et la clarinette, maintenant il joue de la guitare picking. Martha est une bibliothèque ambulante. Elle a toujours des livres dans son sac à dos, qu’elle achète le plus petit et solide possible pour ne pas y fourguer tous les silos de ce que les librairies lui fourguent contre argent comptant. Elle lit à outrance , lui préfère le grand air ou la cave à guitares et l’accompagnement des potes en chanson. Ils ont pourtant fait de la musique ensemble à l’adolescence. Les mélodies à textes iconoclastes et amoureux les attiraient. De Brassens à Barbara, en passant par Brel et Léo Ferré, Hugues Aufray et Greame Allwright, Très peu d’anglais direct, mais les Beatles, Neil Young et Pink Floyd. Les bourgeois c’est comme les cochons…Ami remplis mon verre… Mais où sont les neiges d’antan et Margot la bergère qui donnait la gougoutte à son chat, Gare au Gorille etc. L’auvergnat en boucle ou la complainte des filles de joie… L’aigle noir et Göttingen… En parallèle, toutes les chansons d’outre atlantique traduites par les musiciens en vogue. La horde hippie et ses gilets en poil de chèvre, cigarette roulée au bec, parfum étrange des fumées psychédéliques. L’Amérique et ses rêves d’évasion à portée de mange-disque et de 45 tours rayés. L’argent de poche rarissime est investi sans délai dans la musique au détriment des livres. Les BD luxueuses qui font un carton comme Tintin, sont hors de portée des porte-monnaie, on les emprunte difficilement à la bibliothèque de collège anormalement bien rangée et contrôlée. C’est là que naît naturellement l’envie de voler les livres ou de ne pas les rendre. Qui se fige devant les rayons des bibliothèques officielles se procure une sensation de vertige et de frustration absolue. Il faut choisir et rendre à la date inscrite sur le tampon. Le cauchemar des mères de famille flanquées d’ enfants négligents et désordonnés. À n’en pas douter, les livres sont des trésors convoités à cette belle époque.

Lorsqu’on n’est plus obligé.e.s de le faire, tout geste nouveau d’écriture ou de lecture est une promesse qu’on se fait à soi-même. Elle ne contient qu’un passage à l’acte que l’on admet volontiers et une part abyssale d’inconnu à accueillir.

Trouver ses livres | Usage des pans de mur | Librairies

# 02 Evidemment on ne se procure pas les livres n’importe où

Le livre est sacré dans cette famille -parce qu’il coûte bonbon… et que les enfants ne sont jamais assez soigneux. Ils seraient capables de les déchirer pour se les approprier. La présence des livres déclenche des esclandres et des mises en garde tonitruantes. Les premiers livres sont prêtés à l’école primaire, ils sont rendus à la fin de l’année scolaire. On les couvre avec du papier kraft ou à défaut des restes de papier cadeau. Les premiers livres achetés le sont à trente kilomètres du village à chaque rentrée, on les revend à la suivante sauf si un membre de la fratrie en a besoin dans l’année qui vient. On colle une nouvelle étiquette sur la couverture avec les nom, prénom et classe de l’écolier concerné. Le livre est cher, on nous le serine à longueur de temps, il faut en prendre soin, ou mieux encore le lire en silence, mais au collège, la liste toujours trop longue à acheter Il existe pourtant une certaine fierté et même une curiosité à découvrir ce que les pages d’un livre neuf apportent à la maisonnée, le père en premier, il tient à les feuilleter avant nous et nous inonde de ses recommandations. C’est le savoir endimanché pour tous les jours de la semaine hormis le jeudi devenu le mercredi de coupure ou le week-end, quand la fréquentation est moindre. On économise la lumière le soir, mais il n’est pas question de lire sans lampe digne de ce nom. C’est la mode des petites loupiottes à pince que l’on peut déplacer dans les chambres de la maison.

C’est pourtant une enfance où l’on joue constamment dehors pour débarrasser le plancher et on revient lorsque le clocher sonne l’heure des repas. À la puberté, Martha voit ses escapades plus réglementées. Il n’existe aucun  livre à la maison pour expliquer ce changement.

Pour Martha, beaucoup plus tard, entrer dans une librairie à Aubenas la petite ville un peu pompeuse, c’est pénétrer dans l’endroit parfait, le temple attitré du savoir et de la fantaisie. Tout y accroche l’œil et donne immédiatement le tournis. C’est au lycée que l’éveil à lecture plus libre est apparu, mais elle est encore en pension pendant la semaine, les deux premières années du collège ont permis l’accès à une bibliothèque de bonnes sœurs qui les prêtaient volontiers, Martha les prenait deux par deux et en changeait souvent, elle les dévorait pendant l’étude du soir, en les cachant derrière les livres scolaires, les préférant à ses devoirs… les histoires de famille la passionnaient, même les plus sombres et les plus éloignées de son milieu social.

Perdre ses livres | Usage des pans de mur | Maisons

#03 Perdre … | Usage des pans de mur | Maisons

Dans chaque maison 

se perdent les livres que l’on ne range pas par catégories et par ordre alphabétique. C’est pour cela que l’ordre des bibliothèques avec des méthodes obsessionnelles est tant vanté et inégalable. Dans une bibliothèque municipale il n’existe pas de livre de chevet, ni de livre laissé au hasard dans un coin, sauf lorsque on le considère comme prêt à être exclu des étagères et laissé sur une table pour qui veut le réclamer et l’emporter. C’est un livre remis à vau l’eau.

Perdre un livre 

est moins grave que perdre un être cher. Perdre le livre d’un être cher est moins grave que perdre le souvenir de sa voix ou de son visage. Perdre la voix d’un être cher est moins grave maintenant qu’on l’enregistre sous toutes sortes de supports audio-visuels. On peut la faire revenir quand on veut, mais on n’a plus accès à ce qu’elle aurait pu dire de nouveau. Perdre la nouveauté du Dire d’un être cher signe irrémédiablement la séparation physique, mais non mentale. Perdre l’usage des mots correspond exactement au moment où l’on perd un être cher.

Perdre patience

 est quelque chose qui arrive à tout un.e chacun.e au contact des autres. Perdre patience est considéré comme une faiblesse de caractère et souvent comme une impolitesse. On admire ceux et celles qui font preuve d’une patience dite infinie. Ils agacent aussi car la patience peut s’ériger comme bouclier des émotions négatives. Perdre patience peut devenir une preuve de sincérité.

Perdre pied 

est une expression que l’on utilise pour dire qu’on ne sent plus le fond de l’eau et que nager devient vital. Perdre pied permet parfois de jouer les Ophélies dans la rivière sans savoir si ça finira bien. Perdre pied se vit à pied d’oeuvre. Advienne que pourra.

Perdre la face 

n’est pas agréable à vivre. Heureusement , ça n’arrive pas tous les quatre matins. C’est l’expérience banale de la vantardise contrariée par la réalité d’un échec. Perdre la face est une expérience Janusienne. Le dire ne garantit pas de savoir faire volte-face ou esquive à temps.

Perdre la tête

 n’arrive que rarement, mais c’est radical. Seuls les canards parviennent à marcher encore un peu cou-coupé. C’est un souvenir de garnements que la mémoire n’a pas effacé. Les filles regardent complètement terrifiées. les garçons se moquent, hautains, vantards leur petite hache dans la main.

À tout perdre

 on aimerait que ce soit tout d’un coup et sans préavis. Par surprise donc, et pas le temps de cogiter. C’est l’expérience de l’anesthésie générale qui s’en rapproche le mieux. La perte de conscience involontaire est plus traumatisante au réveil que celle qui a été peu ou prou acceptée pour motif médical. Maintenant on endort moins dans les blocs opératoires et la perte de contrôle est moins massive. Mais perdre la sensation d’un membre ou d’une partie du corps endormi est une sensation étrange que la douleur du réveil rend sournoise.

Pertes de sang

 Les filles et les femmes jeunes doivent s’y soumettre. Certaines l’évitent en devenant anorexiques. Les vieilles femmes en font un signe de malignité matricielle. La perte de sang menstruelle est une expérience dont on parle peu dans la littérature. Certains peintres homme ou femme peignent avec leur sang. On se demande toujours ce que ça peut vouloir signifier. Les pertes de sang dans les guerres sont des ignominies. Pourquoi avez-vous labouré le mal ? Dit-on dans la Bible.

Qui perd gagne.

Je n’ai jamais compris cette expression. Un bien pour un mal ?

Perdre des objets de valeur

n’a que la valeur qu’on lui accorde. Sentimentale la plupart du temps. Mais la blessure morale peut déclencher des ouragans de colère. La dépossession brutale est l’un des motifs de mélancolie ou de répression les plus impitoyables. Perdre son sang-froid dans ces moments-là peu conduire au crime.

À perte de vue 

 ces gravats dans la Bande de Gaza, d’Ukraine ou d’ailleurs. Comme si le gris poussière des décombres incendiées voulait rivaliser avec le gris des cendres froides d’un feu furieux. La tache rouge ou orange des lambeaux d’habits. Perte de repères, perte de proches, perte d’espoir et perte de confiance en l’humanité. Un.e de perdu.e dix de retrouvé.e.s ? Le décompte est faux, il est mensonger, il se terre dans la honte de pacifistes et la culpabilité des factions qui n’ont pas su empêcher le drame, la perte à perpétuité ? La guerre des drones; la guerre urbaine dématérialisée par les images édulcorées. A perte de vue, on cherche la couleur qui bouge et survit. Sur l’écran on n’y voit rien. Que des miettes de sinistré.e.s. Perte de sens…

Perdre la vie.

  La belle affaire.    Mais ça fait peur, non ? On ne veut pas perdre espoir que ça dure encore un peu… Pouvoir perdre son temps, en lisant, en écrivant… sans y penser ?

#04 Le livre dit moins que ce qu’il dit

Collection blanche

D’abord dire qu’en France, celles et ceux qui écrivent espèrent, surtout en cas de persévérance, publier un jour dans la collection blanche, faire partie des élu.e.s , des connu.e.s dans les cercles élégants et érudits, dans le voisinage des universitaires en vogue, passer à LGL, La Grande Librairie, dans le giron éphémère d’un compagnonnage intimidé, parmi quelques contemporain.e.s propulsé.e.e.s par leur Maison d’édition concurrente et soutenu.e.s par les Libraires et les Professeurs. On dira que c’est la version V.I.P.

Je regarde celui-ci, l’un des derniers arrivés sur ma table de chevet : Du même bois , de Marion Fayolle, chez nrf Gallimard, couverture jaune pâle , titre et filets rouges, nom d’auteure en caractères noirs et texte quatrième de couverture en caractères noirs saillants , ce pourraient être un autre titre, un autre auteur ou autrice, sur l’étagère, on ne verrait pas trop la différence de loin. Il s’agit ici du livre d’une ardéchoise qui écrit et dessine, mais dans ce volume là, seulement deux dessins au début et à la fin, on comprend tout de suite à qui l’on a à faire ! Juste une histoire, celle de la gamine qui a grandi dans une ferme, et qui a perdu son grand-père elle aussi, comme Ryoko Sekiguchi, une japonaise qui écrit et publie en français dans une autre collection blanche , celle des éditions P.O.L,couverture vraiment blanche, côtelée, titre et nom d’autrice bleu nuit, logo trois points du jeu de Go cher à Paul Otchakovsky -Laurens. Les deux univers n’ont rien à voir mais la sensibilité est semblable, utilisant tous les sens pour capter l’environnement proche humain et non humain. La matérialité du livre ne le sait pas. On ne peut pas demander à un livre en papier d’être aussi explicite envers ses lecteurs, ses lectrices , rien qu’en le regardant ou en le manipulant. Il faut ouvrir chaque livre au milieu, à n’importe quelle page, pour savoir où l’on est et d’où ça parle.

Biblothèque rose & verte

Littérature Jeunesse : Ce sont des livres qui attirent d’emblée par leurs couleurs et leurs images mais qui réunissent des histoires reliées entre elles par des personnages et des intrigues. Moins austères que les livres des grands, plus prêtables avec leur couverture renforcée et pelliculée. Ce sont les ancêtres des séries télévisées et des B.D., on attend la suite… Les auteur.e.s finissent par être validés par le nombre d’exemplaires vendus à une frange donnée de population pré-pubère principalement,et en cours d’apprentissage des « choses de la vie » sans trop de secousses émotionnelles. A partir de 7 ans , l’âge de raison, et de la maîtrise de l’alphabet appliqué, tout est fait pour entrer dans la langue verbale écrite. Les aventures restent dans la moyenne des côtes d’alerte pour la bienséance (la paix des foyers) et la conformité lexicale ou orthographique. Caractères plus gros et mise en page moins dense pour les primo-apprenants, Idéal pour former le lectorat au plaisir mêlé à l’endurance dans l’appropriation des textes. Les parents avisés et désireux de voir leur progéniture plonger dans le silence en même temps que dans la lecture ont investi dans ces livres cartonnés? ce malgré les problèmes de budget de fin de mois. « La Bibliothèque Rose rassemble toutes les histoires où l’humour et l’émotion priment, tandis que La Bibliothèque Verte regroupe les livres d’aventure et d’action. » Martha et ses frères ont « dévoré » les volumes qui étaient à leur disposition et se les disputaient, heureusement, la Comtesse de Ségur (1799-1874) était trop rose pour les garçons, et Jules Verne trop aventureux pour les filles, un petit monde bien genré, chaque sexe dans sa chambre ! Les malheurs de Sophie et surtout Après la pluie et le beau temps de la Comtesse de Ségur ont été lus des centaines de fois, en boucle ! …Qu’en reste-t-il ? Sans doute le souvenir de l’injustice familiale et une conscience de classe sociale bien établie.

À propos de la Bibliothèque Rose : https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/jeunesse/livres-la-bibliotheque-rose-une-collection-au-bon-parfum-de-l-enfance_6483203.html

Sur Wikipédia retrouver les titres de la Bibliothèque Verte : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_romans_de_la_Biblioth%C3%A8que_verte

Livres de lecture courante

Les premiers !  Je vais le dire encore une fois. Ce sont les préférés ! L’émotion qu’ils ont suscité à leur découverte, tous les premiers jours de la rentrée scolaire en primaire, leur matérialité justement, a beaucoup joué dans l’amour de la lecture. L’alphabet et la lecture silencieuse ou à haute voix « au doigt » pour suivre la ligne, devant les autres restent des miracles absolus. Savoir lire entre 3 et 5 ans par étapes non réversibles est la plus noble conquête de l’enfant. Le livre devient un talisman avant de devenir un grigri.

 

#05 Les livres, ce que les grands bibliophiles en disent | Bernard Noël citation

Bernard NOËL  pour Jacques MARTINEAU

[…] Quoiqu’il en soit des généralités seul nous intéresse le particulier, et tant pis s’il nous conduit vers la certitude qu’il n’est pas de lieu plus adapté, plus propice à l’amour que la bibliothèque : à contretemps, à contre tout.
 L’amour des livres n’est pas que l’amour des livres : il remarque et choisit en chacun d’eux un certain volume, c’est-à-dire de la pensée, du rythme, des figures, un regard, une voix. Et pourquoi pas un cœur mis à nu en même temps qu’une tête ouverte.
Celui qui constitue une bibliothèque a devant lui plus de passé que de présent : l’infini pousse dans son dos. L’étonnant est que les noms, qu’on voit en haut des livres, peuvent devenir des rencontres, et que, au grand jeu de la lecture, la vivacité des morts l’emporte très facilement sur celle des vivants. Au fond, ces derniers sont d’emblée si nombreux qu’ils se mangent les uns les autres.
 L’un des enjeux d’une bibliothèque est d’assurer le bon voisinage de tous les temps : des vivants et des morts, des Français et des étrangers. Mais l’équilibre sera d’autant plus vif qu’on choisira des gens tiraillés par leur langue et sans cesse tentés de mettre à mal toute l’organisation qu’elle peine à construire […]

#06 Le livre dans le livre… que dit-il ?

On ne discute pas avec un paléographe, on le laisse parler                              Gérard de Nerval,LES FAUX SAULNIERS, Angélique..

le libraire et le lecteur dans la librairie

UN

Quand Benjamin Le Dru vient lui parler de son projet de livre du livre, le bon Robert si-raffiné-libraire des Nouveautés trouve l’idée complètement saugrenue et dérangeante. Mais comme il est extrêmement poli, il se contente de se taire et de sourire avant d’esquisser des gestes d’homme affairé qui couperont court à la folie douce de son visiteur exalté. Robert, quant à lui sait qu’il se coltine à longueur de journée les épaisseurs monstrueuses de bouquins à sortir des cartons de réception, les listes interminables d’ouvrages à pointer sur écran en face des prix de vente, les escadrilles d’ acariens qui lui piquent salement les yeux et la gorge; sans compter les dizaines d’invendus à déstocker pour le retour aux éditeurs. Malgré cela il préfère le cutter à l’arrachage, à la sauvage, des bandes de scotch brun d’emballage pour exfiltrer proprement les exemplaires à ranger. Les couvertures sont de moins en moins solides, et elles cornent trop facilement. Il prend son temps pour manipuler les volumes neufs et bien plus encore les anciens.  Mais, au-delà des prescriptions des agents de promotion de la chaîne du livre,le flux tendu du commerce exige de ne pas accorder une attention trop prolongée aux parutions. Il y a pourtant de petits miracles : il n’y a qu’à voir Robert s’immobiliser à la sauvette et en extase, une paume solide retournée à plat sous le dernier Modiano ( pour  donner un exemple) et l’autre , légère, doigts écartés au-dessus, cherchant à repérer dans la double page un motif impérieux de cesser toute autre activité que la lecture. Une tentation incompressible d’abandonner la vie tâcheronne de marchand de littérature et parfois ambulant, séance tenante ! Le remarquant… on vient de sauver un grand lecteur !

Benjamin Le Dru ne se doute de rien, ou alors il n’a pas très envie de savoir. Il a trop besoin d’être écouté pour rendre la pareille dans une librairie qui excite depuis si longtemps sa folie d’écrire pour exister davantage et être aimé. Le libraire est interchangeable à ses yeux, ou du moins il pense qu’il en sait autant que lui, -même s’il dit le contraire pour pouvoir obtenir des ristournes sur ses achats compulsifs. Mais le pourcentage de remise ne varie pas 5% pour huit ou dix passages. L’augmentation du prix du papier et d’autres choses encore ont fait faire un saut de kangourou boxeur aux coûts TTC.  Il faut être folles et fous pour continuer à remplir autant nos maisons de toute cette parole imprimée. Et si de plus, cerise sur le palais de Dame Tartine , il fallait à chaque fois matérialiser un livre de livre, un livre pour son propre livre, un livre matriciel en quelque sorte, un peu technique au fond pour faire sérieux, un moulage  de forme qui rende prévisible l’avènement d’un livre plus synthétique et original. Un best-seller quoi ! Pffffff….

Mais personne et jamais ne s’énerve à la Librairie des Nouveautés. On se croirait parfois dans une église…

Benjamin Le Dru va donc garder pour lui et pour l’instant son idée de livre de livre et se contente de choisir  un peu au hasard l’un des derniers livres de Jeanne Benameur chez Acte Sud :La patience des traces. Il le pose sur le comptoir à côté de la caisse.

Robert des Nouveautés ; l’encaisse et lui sourit. – Voulez-vous une pochette ?

https://www.flacsu.fr/red%C3%A9couverte-de-lyon/librairies-lyonnaises
 

elle se dirige à la voix

DEUX

Emprunter des livres pour voir ce qu’il y a dedans est quelque chose qu’elle ne fait plus depuis longtemps. Elle laisse les livres de prêt à d’autres qu’elle car elle préfère lire ceux qui viennent de sortir et bien sûr pas tous. Ce sont des coups de coeur dictés par les informations qu’elle récolte en écoutant les auteur.e.s à la radio ou dans des émissions télé podcastées. Elle se dirige à la voix, au feeling et à la conviction, presque une pêche à l’espadon , elle ne veut pas d’intermédiaire entre elle et les gens qui écrivent. La plupart sont maintenant habitués à faire la promotion de leur livre et ils sont de plus en plus à l’aise. Cela s’apprend. Elle est attirée par les plus modestes et les plus discrets. Ceux qui ont pignon sur rue et qui sont adoubés par les médias ne l’intéressent pas longtemps. Elle tente de lire quelque chose d’eux puis elle passe à autre chose si ça n’accroche pas. Elle est de plus en plus difficile et sélective, mais elle aime se laisser prendre aux jeux du hasard qui permet le surgissement sur sa route,d’ un livre tout à fait inattendu. Ce ne sera jamais un roman d’aventure ( elle exècre les batailles, les casse-cou qui vont faire geler leurs orteils, les péplums et les reconstitutions historiques à grandes robes et domestiques ), ni un roman policier ( elle n’aime ni le vice , ni la mort violente qu’on duplique jusqu’à la nausée) et pas plus, le dernier livre de vulgarisation pour les Nuls et sa couverture attrape-mouche à gros caractères Typo criards. Elle n’a jamais compris à quoi servait de couper un patronyme en plusieurs morceaux pour les montrer plus gros et énigmatiques sur une première de couverture. Un livre inattendu est un livre qu’on lui offre, ou qu’elle découvre chez quelqu’un qu’elle aime, c’est depuis quelques années un livre prélevé dans la rue dans une boîte à livres, c’est un livre qui lui fait de l’oeil à cause du titre ou de la texture sur un coin de comptoir de libraire. Elle aime les libraires qui laissent les bouquins qu’ils ont aimé à côté de leur tiroir -caisse, ce ne sont pas forcément les derniers parus. Elle aime les livres d’Art et les livres Jeunesse de plus en plus créatifs et de plus en plus beaux. Elle aime les livres qui aiment la vie et la défendent. Elle aime les livres qui cherchent les vérités et qui réclament justice. Elle aime les livres qui traversent les frontières et les langues et les mélangent. Elle aime les livres bien écrits et généreux. Elle aime à travers les livres… Est-ce une dérive de sa vitalité ?

une légende diabolique

Une telle force de la nature ne peut qu’alimenter l’imagination et lui trouver quelques origines diaboliques ! La légende raconte qu’un jour, un seigneur de Sampzon se maria avec une jolie fille de Vallon. La belle était coquette et les amoureux nombreux. Le châtelain jaloux enferma sa femme dans une tour élevée, située sur la plate-forme du rocher de l’Arc non creusé par les eaux. La belle y gémissait lorsque, un jour, un pèlerin fort laid vint demander asile au châtelain. Ce dernier le fit entrer sans méfiance et accepta de lui montrer le beau paysage de la tour attenante à son manoir. Pendant que le seigneur discourait, le pèlerin s’éclipsa, délivra la belle et fila vers le Rhône. Le seigneur les aperçut du haut de sa tour, disparaissant derrière la Combe. Aussitôt le jaloux tomba à genoux et pria le Bon Dieu des Maris de lui rendre sa femme. Son désir fut exaucé. Un bruit terrible se produisit, la montagne s’ouvrit, les eaux passèrent sous elle et portèrent les amoureux et leur barque aux pieds du seigneur. Comme celui-ci recevait sa femme dans ses bras, le pèlerin se transforma en diable velu et cornu et il disparut avec une forte odeur

Dans Ça fait l’actu
06h15 – 21/08/2021
Par L’Hebdo de l’Ardèche

TROIS

c’est une légende et elle se noie parfois...

Comment expliquer les trous autrement que par la Nature dont ils procèdent ? D’abord sur terre et de plus en plus dans l’espace, on prouve le contraire de la sagesse populaire qui dit que la Nature a horreur du vide et qu’elle cherche à le combler à toute occasion. Un trou façonné par le vent ou par l’eau impressionne toujours. Il n’existe pas d’autres livres que ceux des géologues pour expliquer les méandres et l’érosion qu’ont causé les eaux anciennes dans le calcaire des gorges de l’Ardèche. On n’aurait pas pu y circuler en canoë… Vêtue.s de peaux de bêtes, on y aurait épié de loin, des lionnes, des mammouths, de hyènes, des hibous et des ours. Tout cela n’est pas certain. On n’a pas retrouvé de livres, même en pierre gravée dans les grottes pour raconter ce qui s’y passait.Cela n’a pas empêché les hypothèses de devenir matière à livre. Transmettre ce que l’on ne sait pas avec la caution des théories du moment est la matière même de tous les livres d’aujourd’hui. On ne sait jamais si ce que contient un livre est fiable. C’est la raison probable de leur prolifération. Les époques se mélangent et l’on oublie les sources autant que les procédés de perpétuation des mensonges, pieux ou non. Il faudrait faire des enquêtes, mais on préfère les légendes qui font sourire et s’esbaudir en société.

QUATRE

un livre dans la peau

Dans cette génération, ils ne se contentent pas d’écrire dans les livres ou sur les murs, désormais ils écrivent à l’encre bleue qu’ils se laissent injecter sous la peau. Calligraphie de leur vie, et des mots qu’ils veulent garder, regarder et faire regarder ou cacher à leur entourage ? Chaque nouvelle inscription, il la réclame, la bichonne sans toutefois en faire un lieu de rencontre dans la proximité des piercings ou des sigles illisibles.Ce sont des tatouages figuratifs et symboliques .Une entaille quasi irréversible à chaque fois, pour revendiquer une idée, un choix de vie. Ce phénomène semble avoir pris de l’ampleur sans gagner toutes les souches de la société. Auparavant, il était l’apanage des marins, des gens louches dans les milieux interlopes, ou faisait partie des rituels communautaires initiatiques dans des civilisations attachées à leur culture et à leur survie. Etre marqué.e.s , de façon aussi visible n’a pas été souvent le choix des individus. L’appartenance à l’ethnie, au clan a engendré bien des contraintes de conformité et des douleurs subies pour la cause commune. En 2024 c’est différent. Le tatouage constitue-t-il une version ostentatoire du livre de leur vie. Un reader digest de qui ils sont à l’instant T ? Le livre dans le vivre ? La réponse reste ouverte.

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

14 commentaires à propos de “#### nouvelles| Marie-Thérèse Peyrin| Volontiers”

  1. Bravo d’essuyer les plâtres ! Belle entrée en matière. Touchante, cette description de la bibliothèque dans la maison parentale.  » Que faire de tous ces livres ? Faut -il les garder ? Faut-il les jeter ? Faut-il les donner ? Tu en veux ? Moi je n’ai pas la place… » Ces questions, qui ne se les a pas posées dans pareilles circonstances… Il faut les garder mais moi je n’ai pas la place… Merci.

    • Merci pour vos encouragements. Je pars un peu là dedans comme Fanfan la Tulipe, avec la conviction que je tourne autour de la matière et non la manière d’écrire pour l’instant. Le sujet des livres est central dans ma vie passée comme dans ma vie actuelle. La place physique et psychique que prennent les livres est phénoménale, voire monumentale, et je prends conscience avec cette proposition d’écriture qu’il y a beaucoup à explorer, à « exfiltrer  » en quelque sorte. Une sorte de bibliothèque intérieure dans mon crâne qui ne me fait plus douter de la plasticité cérébrale ( mais cette formulation n’est employée que pour faire sourire). Et vous, quand emboîtez-vous mes pas ? Déclenchons une avalanche de bouquins sur la tête de Tiers Livre ! Ce sera bienfait pour lui ! Haro sur la Nouvelle !

      • Tout à fait d’accord avec vous quant à la place physique et psychique des livres qui est phénoménale. C’est pareil pour moi. J’emboîte vos pas dans les jours qui suivent ! En avant pour l’avalanche !

  2. Catherine et Ugo, merci pour l’accueil de ces premiers textes, écrits directement « sur le motif » que représente le site Tiers Livre et son Arrière -Pays de lectures inépuisables comme le sont les paysages de nos vies respectives. Je corrige et modifie les phrases et les tournures au fur et à mesure. C’est le côté « avalanche » d’une écriture sans préparation ni brouillon, mais qui est dans mon crâne depuis longtemps. Je guette plus le large que la tempête de neige ( les mots blancs ?). Les « tremblements de taire » sont toujours de nature tellurique, imprévisibles donc. Et ça apprend à écrire. Ecriture à yeux ouverts et plaisir des mots partageables.

  3. Pendant ma lecture, j’étais à côté de ces deux frères et, comme eux, je passais de la bibliothèque à mes souvenirs de lectures, de musiques, d’expériences. J’aime beaucoup comme le motif de la bibliothèque déborde vers la vie, les vies qui ont divergé et se retrouvent là devant les livres et se dispersent à nouveau en souvenirs parfois partagés, parfois non.

    • Frère et soeur … dans un instant de vie précis…qui s’ajoute aux autres sans qu’il en soit retenu autre chose qu’une image de gêne même pas malheureuse et un sentiment fort de « jamais plus » banal et récurrent. Oui, la bibliothèque ici déborde le sens commun et déplace les sentiments. Merci pour votre passage.

  4. « la bibliothèque laissée désœuvrée depuis la mort des parents. » c’est arrivé un jour d’être à deux devant ses livres, il lisait peu mais les livres d’art qui accompagnaient ses recherches professionnelles s’étaient accumulés : architecture, sculptures, peintures… livres de voyage sans ordre précis et la plupart remplis de repères de papiers avec ou sans annotations. ( « vie en livre) »
    « A la fin il faisait même semblant pour ne pas qu’on le dérange. » Cette image me touche beaucoup; je pense à elle qui faisait semblant de lire, et toujours le même livre, parce qu’elle avait « presque » touché l’oubli irréversible et qu’une part d’elle (minuscule) s’accrochait encore. Le troisième paragraphe pourrait initier une maquette de décor et donner de la matière aux accessoiristes, c’est une vision concrète que j’aurais aimé aborder … « La manie du grenier » peut se retrouver à la cave ou au garage pour la pérennité des livres gare à l’hydrométrie Merci Marie-Thérèse

    • Les situations de confrontation à une bibliothèque ou aux façons de lire qui ne sont pas les nôtres nous renvoient à « l’inquiétante étrangeté  » de notre propre conception du rangement et du dérangement. Chaque lecteur, chaque lectrice peut être observé.e à des étapes différentes de la vie. « Le livre lié à l’hydrométrie aléatoire » naviguant de la cave au grenier est sans doute le plus maltraité chère Nathalie Holt.

      .Bernard Noël disait qu’écrire est un don de temps. A qui donne son temps le lecteur ou la lectrice absorbé.e jusqu’à la lie , jusqu’à l’amnésie chère Nathalie.? J’apprécie le regard théâtral sur mes propositions qui sont des personnages en quête vraisemblance et de chair ordinaires.

  5. Cette avalanche spontanée m’a prise au passage.
    Le détail et sa finesse, la perception immédiate des personnages, et plus personnellement sans doute mais à mon grand plaisir, les références, les grandes idées
    Et enfin, cette sensibilité. “Les livres ne remplacent pas la vie”. La quête de l’essentiel. Un questionnement que je partage dans mon texte, l’impuissance du livre face au temps qui passe? Vous apportez une réponse plus en avant et plus profonde, plus sereine : la contemplation des oiseaux et des arbres avant l’écriture qui est ce par quoi je résous cette tension.

  6. Nous avons pour beaucoup d’entre nous vidé l’appartement des parents et nous sommes confronté à leurs livres, ceux dont nous nous souvenions et les autres avec ce problème qu’en faire ? et si on en garde une part comment répartir… et puis ceux dont on ne se souvenait pas et ce qu’ils nous révèlent de ce qu’ils étaient hors de notre portée

    • Pour cette fratrie vraisemblable, la question est surtout, comment ne pas démanteler la bibliothèque paternelle avant d’en avoir compris la richesse affective beaucoup plus que matérielle. L’avantage à décider de ne rien vider d’emblée est de s’approprier l’esprit de l’amoncellement clairement transmis ( la liste…). Merci Brigitte de votre passage. Que signifie pour vous la révélation de « livres hors de portée »? Voici une piste d’écriture bien attirante.

  7. Belle entrée en matière que cette citation, que Martha, puis Martin et Martha devant la bibliothèque du père , parce que j’ai commencé par la 4, puis ta biographie, très belle aussi. La photo des tous ces livres de la bibliothèque verte avec tout ce que tu en écris. On attend déjà parce que le décor y est et les personnages aussi. La perte du sang dont on parle peu en littérature… Cela me fait penser, me donne une idée pour écrire ma #4 ou pas. Merci, Marie-Thérèse et pour Reggiani aussi. Et j’oubliais : les coins où écrire, superbe ! Et aussi « Bernard Noël disait qu’écrire est un don de temps. A qui donne son temps le lecteur ou la lectrice absorbé.e jusqu’à la lie , jusqu’à l’amnésie ? »

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