L’aventure commence
À Paris, aéroport Charles de Gaulle
Impossible de m’endormir. Je me pelotonne contre le dos de Claude. Il dort comme un bienheureux. Il a cette facilité-là, dormir n’importe où, à n’importe quelle heure de la journée. Il ronfle avec vigueur. Je le bouscule pour le faire taire. Ce foutu fauteuil est inconfortable. Je me souviens de la réflexion de Jean-Marie lors de notre inscription pour ce trek en Mauritanie : Vous verrez, c’est un pays plein d’imprévus, il s’ouvre tout juste au tourisme. Oui, l’imprévu dès le départ ! Un problème à l’atterrissage de notre avion. Un oiseau aspiré par un réacteur. Pas d’autre avion disponible. Attente. Puis tombe l’info : trop tard pour décoller. Six heures de vol. L’aéroport d’Atar n’est pas éclairé la nuit. Nous partirons à cinq heures du matin. Me voilà échouée sur ce siège, recroquevillée, écoutant le bavardage de Paul : Oui, l’aéroport d’Atar, une vieillerie, pas d’éclairage la nuit, pas de tour de contrôle, pas de clôtures, il est ouvert à tous et toutes, aux chèvres qui broutent sur la piste de terre ! J’imagine notre avion qui percute un troupeau caprin. L’horreur. Un oiseau, des chèvres ! Impossible de trouver le sommeil. Je m’installe en compagnie de Théodore Monod. Je le rejoins dans ses Méharées. Il écrit : Le désert ne se raconte pas, il se vit. Je vais vivre le désert, son silence et entendre chanter les dunes. Je m’endors.
À Marignane, hôtel Ibis
L’embarquement pour Rabat étant à 5 heures du matin, j’ai décidé de dormir à l’hôtel. Pas envie de faire en voiture trois cents kilomètres en voiture la nuit d’avant le départ. Il est 21 heures, le resto est plein à craquer. Je m’assois à la table d’un mec qui me fait signe. Charmant, des yeux bleus acier, de belles mains fines. Pianiste ? Chirurgien ? On parle, on rit, on se charme. J’oublie ma colère ; Claude, pour des raisons professionnelles, a annulé son départ, il me rejoindra plus tard. Face à Jérôme ( il s’appelle Jérôme ), je me laisse aller à sourire, même à rire de ses plaisanteries, de ce jeu de séduction qui se met en place. Il me propose un dernier verre dans sa chambre. Pourquoi pas ? Devant l’ascenseur, il devient empressé et bavard. Il susurre : Je vais vous faire entendre ma petite musique de nuit. Bon dieu, il ronfle lui aussi ? Quand l’ascenseur démarre, il en rajoute une couche : Je vous entraîne au septième ciel ! Le con ! J’appuie sur le bouton du 2ème. L’ascenseur s’arrête. Je bondis dans le couloir. La porte se referme. Je me réfugie dans ma chambre. Je me marre. Je l’imagine, ce con, la queue entre les jambes, déconfit. Je suis femme fidèle. Trop tard pour téléphoner à Claude. Je me brosse les dents. Je m’endors.
c’est bien cet aéroport qui met déjà dans ce qui reste d’aventure
quand à Jérôme : un charme qui vire vraiment vite dans la lourdeur
Deux histoires qui donnent envie de savoir la suite, j’aime beaucoup la simplicité et l’humour qui pointe.