Il regarde par la fenêtre, cherche la mouche qui vole dans les grandes étendues devant lui: champs devant arbres à droite en choux fleur, au coeur d’un amas d’arbres, un immense et aux feuilles grasses, rappel d’un arbre d’amazonie. C’est un parc qu’il a devant lui. Au loin, la vue est bouchée aujourd’hui par des nuages grisonnants. C’est son cadre d’écriture bien délimité autour duquel il se promène avec son regard. Intensité de ces moments qui le coupent de son écriture, intensité de cette contemplation en réponse, complément, respiration de sa concentration dans l’écriture. Le détail des feuilles qui bougent, le dessin des arbres hyper complexe où le regard s’enfuit et se perd dans des méandres d’ombres et lumière. Il est assis mais se lève pour ruminer de temps à autre ce qu’il veut écrire. Se rasseoit pour trouver une immobilité intérieure. Une immobilité étrange. Elle est fugace. C’est un mouvement continu qui ne s’arrête jamais et on ne sait pas comment la phrase va se finir quand on la commence et justement c’est ça l’écriture, prétend t’il, c’est ce moment où les doigts qui tapent, écrivent, ne s’arrêtent pas et continuent comme quelqu’un de très bavard et qui ne sait pas vraiment où il va mais il est lancé en mouvement et c' »est ce moment où il trouve l’immobilité tant désirée l’instant d’avant qui était, lui, fait d’à-coups et l’élan ne démarrait pas car en manque d’immobilité. le monsieur qui écrit là dans, imaginons, une petite pièce dans un vieil hotel de suisse (j’ai bien quelqu’un en tête qui me sert de départ et je le quitte pour être dans un no man’s land mais je retrouverai peut être un vrai lieu proche de ça) près du lac Léman. Il est dans une grande pièce avec 3 hautes fenêtres et il est face à celle de gauche sur une petite table fine dans l’angle de la pièce. On dirait qu’il n’occupe qu’une partie de la pièce et qu’il est là de manière accessoire, qu’il est étranger à la vie qui s’y déroule, comme une mouche, une souris ou autres animaux présents dans les bordures mais qui ne semblent pas habiter pleinement les lieux: ils en profitent de manière accessoire. Et effectivement, d’autres personnes viennent également errer dans cette pièce pour lire, regarder la télé et discuter sur le canapé. Il préfère donc venir tôt le matin à 6 heures quand c’est l’heure où tout semble éclore et les phrases sortent avec cette énergie particulière des petits matins et ce calme moral. Il est là donc ce matin tôt avec un PC, non restons sur stylo et carnet, ça me semble aller mieux avec mon personnage. Il écrit lentement sur son carnet et se voûte modestement sur son petit bureau. L’écrit jaillit, c’est un long poème qui ne sera sans doute jamais publié et d’ailleurs il ne sait pas pour qui il l’écrit donc déjà il fait ça pour lui, pour sortir de sa tête, projeter et statufier tout en détruisant ce qu’il a déjà pensé par écrit les épisodes des matins précédents. Il aime la sensation dans les doigts quand il écrit longuement comme ce matin et son écriture est précise et fluide ce qui n’est pas toujours le cas, on lui reproche souvent de mal écrire comme si c’était inéluctable mais là il voit bien que ce matin son écriture lui plait et il y prend du plaisir dans cette réalité d’encre, ces dessins de mots. Il prends plaisir à cette assurance devant chaque mot écrit plus que dans la phrase. La puissance qu’il sent en lui à l’écriture de cette suite de mots, puissance détachée du réel mais qui l’évoque et donc ne parait pas s’en extraire. Il se voute sur son bureau et j’ai de la tendresse pour l’humilité de sa position de travailleur appliqué, quand je sens le labeur et la difficulté; j’en ai moins quand je le vois inspiré avec un regard qui m’échappe complètement, qui est un regard d’homme seul, en train de voyager dans son imaginaire lointain et profond mais son regard de travailleur de l’imaginaire est très loin du quelconque mortel qui passe pour discuter sur le canapé. Il est alors moins vouté, sa posture est plus difficile à définir, elle même a quelque chose d’écrit, l’imaginaire la traverse et lui donne une qualité unique. Alors il s’arrête et prends plaisir à remuer ses doigts sans son stylo, à tourner la tête pour voir qui est dans la pièce, à laisser son esprit méditer comme il l’entends sans aucun contrôle. Il laisse son écrit là et va se promener.