Un cours que je redoute… mes doigts sont maladroits… celui de couture… une pièce encombrée de paniers débordant d’étoffes.. sur les tables des ciseaux, des épingles, des rubans… dans mes mains un tissu blanc, je dois tirer des fils pour faire des jours… ça résiste… Derrière moi, Sœur Séraphia, une ombre noire et blanche, pesante, voix sèche, méchante… et me frôlant, la lourde croix suspendue à son cou… un crucifix qui me menace. Envie de fuir.
Dans le salon, nous attendons Gustave Ch. Mes parents disent de lui avec respect qu’il possède un château dans l’Ain. Un noble, je l’imagine tel Heathcliff, parcourant landes et forêts. Sévère, passionné… Il entre, jovial, souriant. Me caresse la joue. Je baisse le regard, gênée par ce trop de familiarité. Mes yeux horrifiés découvrent ses chaussettes de laine verdâtre, tire-bouchonnées, retombant sur des chaussures qui sont plutôt des galoches, pas celles d’un gentilhomme, mais d’un clochard.
En haut de la rue, sur le chemin de l’école, une échoppe à la devanture pleine de bonbons, caramels, berlingots, et en son milieu une minuscule ouverture. Je dois me hausser sur la pointe des pieds pour passer ma commande à une chose invisible tapie derrière les bocaux, les guirlandes, les boîtes de métal. D’elle, je connaîtrai sa voix, douce, et sa main qui me tend les friandises dans un cornet de papier journal, une main boudinée, dodue, aux doigts courts, aux ongles écarlates… J’aimais les pommes d’amour rouges et gluantes.