Incipit : premiers mots d’un livre
Tu veux tout comprendre, tout expliquer et finalement tu ne comprends rien et tu n’expliques pas grand-chose. Tu veux écrire. C’est inévitable. Cet incipit vaut bien un autre. Tu dis qu’il n’y a pas plus de raison de commencer un livre par le début que par la fin. Tu ne sais pas si cette histoire à un début. D’ailleurs cet incipit c’est à la fin que tu l’écris. Du moins ce que tu estimes pouvoir étiqueter du mot fin. Accepte-le. Accepte que cet incipit vaut bien un autre.
Les mots, sagement rangés en ordre alphabétique dans ton dictionnaire, te rassurent. Tu y reviens aussi souvent que la nécessité t’y ramène. Tu aimes que chaque chose qui porte un nom puisse être suivie d’une définition. Le dictionnaire est un objet apaisant. Parfois et avec beaucoup de patience et de persévérance, on peut y trouver, au fil des pages fines, une fleur séchée, posée là comme un présent, entre deux feuilles de papier de soie. Mais les mots ne suffisent pas. Tu ne peux pas demander aux mots ce qu’ils n’ont pas le pouvoir de t’offrir. Les mots, ce n’est que le début. Ils permettent de fabriquer le début et la fin d’un livre. Et aussi le milieu. Les mots c’est la matière première. Voilà, dans ce sens, cela sonne moins faux. Il conviendrait d’écrire les mots premiers plutôt que les premiers mots.
Incipit : mots premiers d’un livre
C’est déjà mieux.
Un livre. Tu ne te donnes même pas la peine d’en chercher la définition. Tu sais que la complexité à caractériser ce qu’est réellement un livre risque de te déborder, de bousculer le peu de clarté qu’il te reste. Reste simple. Un livre c’est un objet. Point. Pas plus. C’est une couverture, des pages, une reliure, une tranche. C’est palpable, c’est concret. C’est un assemblage de matière que tu peux toucher, saisir, caresser. Sentir. Un livre a une odeur. Chaque livre a son odeur. Ceux qui n’ont jamais senti de livre ne l’ont sûrement pas lu. Où pas complètement ? Le livre ne s’arrête pas à la qualité du papier, à la couleur de la couverture, à la forme ou à la mise en page. Un livre a un contenu. Certains d’entre eux sont à but utilitaire, mercantile, ludique, éducatif, d’information. Écartons-les. Ils n’entrent pas dans ce débat. Ce n’est pas de ces livres-là dont tu veux parler. Tu conçois le livre comme une œuvre d’art. L’art comme expression de la beauté.
Tu trouves que ton incipit n’est pas beau. C’est cela qui te chagrine. Pourtant, des incipits, tu en as des dizaines dans les fichiers de ton ordinateur et dans tes carnets et au moins autant d’autres en toi. Quelques-uns te semblent beaux. Mais, tu as bien trop peur de les dévoiler. Cela serait prendre le risque que l’on te dise que tu as tort. Ainsi, tu avais formulé au départ, un autre incipit pour débuter ce récit. Tu avais écrit :
« Il était au milieu. Exactement au milieu. Ce fut un choc. Pas seulement d’être au milieu, mais de s’y apercevoir depuis le bord. »
Qu’attends-tu pour l’écrire ?
Beaucoup de plaisir à lire ce texte qui porte ses doutes et ses questionnements et qui me touche.
« Il conviendrait d’écrire les mots premiers plutôt que les premiers mots. »
Et puis cette question de l’Incipit, le premier et le dernier.
« Etre au milieu et s’apercevoir depuis le bord »
J’aimerais découvrir la suite… et après ?
recommence avec cet autre incipit… ou le premier… et puis quand la belle et bonne suite que tu lui aura donné te satisfera presque , revient à lui et au besoin efface le… il aura joué son rôle
Et si c’était la grand- mère du prologue qui posait la question de la fin… Si elle voulait sa place ? Bonne suite,
J’aime beaucoup cette volonté de revenir à la racine, aux mots, aux livres, à l’odeur du papier, cette envie que le texte parte de là, du commencement.
Merci Francoise, Brigitte, Catherine et Laurent. Cet incipit il me semble déjà l’avoir écrit, mais je ne sais plus très bien quand….