De la fenêtre obscure, minuscule, bardée de grilles… – perdue dans le parc veiné d’allées goudronnées – reptation lente et morne, tentacules de plus en plus épuisées de pavillon en pavillon – avec le temps l’architecture à géométrie simple, devenue désuète, aux intérieurs délabrés des années 70 : exigus – sales – ternis – carreaux manquants, parois écaillées – les salles de bains inondées de vapeur, encombrées de chariots de linge et de vêtements d’infortune dépareillée – côtoie les bâtiments modernes, le spacieux, étalé, prétentions aériennes, prend ses aises d’hygiénique et fonctionnel – couloirs carrelés sonores et immenses, régulièrement ponctués de portes coupe-feu à double battants – patios clairs cernés de chambres individuelles ou doubles – colonnes – grandes baies vitrées – l’ensemble également recuit sous le soleil d’août ; avec le temps tout ce neuf en surimpression évince ou noie peu à peu l’ancien, le recouvrant de ses pièces de patchwork en désordre dispersé et inattendu – mais toujours dans le souvenir et l’éloignement tout perdure – se mélangeant se bousculant ou se côtoyant – comme à force de se raconter des histoires alors les paroles les coups d’œil les instants les bruits les sensations se confondent, fabriquant un bloc épais et compact où soudain glisse une ombre une apparition ; de la fenêtre en contrebas… – encore baignée d’ombre épaisse et lourde – loin sous la butte avec sa placette enfermée de hautes grilles blanches – son banc en béton échoué entre ses deux oreilles d’accoudoirs – comme une barque à l’abandon oubliée sur la rive – au milieu de la façade aux fenêtres perpétuellement fermées – (de ces vantaux à l’ouverture condamnée ou restreinte et perpétuellement défaillante – nécessitant les services répétés d’un menuisier équipé de la caisse à outil de l’équipe d’entretien) – depuis la fenêtre à guillotine à peine entrouverte le cri solitaire, rauque, usé, surgit, monte s’élève encore un peu comme les fumées maigres des tableaux d’hiver, s’affaisse en un instant, disparaît, dissout dans la sueur ou englué dans le silence pesant, puis, après quelques secondes reprend, avec la régularité froide d’un métronome. De ces sons qui figent l’espoir même d’une pensée en crucifiant auditeur et paysage. Comme des clous pour tendre la toile de pelouse jaunie sous le plein bleu d’été.
» De ces sons qui figent l’espoir même d’une pensée en crucifiant auditeur et paysage. »
on y est saisi… c’est puissant !
merci de votre passage !
Étouffant. Besoin d’air. Justement, le bruit de la pluie à ma fenêtre…