La boîte
Elle sait qu’il faut demander la permission. D’ailleurs, elle ne pourrait pas l’atteindre toute seule. La boîte qu’elle convoite, est enfermée dans une armoire, au-dessus des draps blancs pliés impeccablement, tout en haut, au dernier étage. Une boîte ronde, rouge, pas très grande, un carton à chapeau qui n’en contient plus depuis longtemps. Une boîte ronde, rouge, avec des décors d’étoiles et de flammes jaunes et noires, et juste assez grande pour que l’enfant puisse la prendre dans ses bras. Elle la pose sur la petite table, c’est une boîte toute douce, soyeuse, elle la caresse, pose les mains de chaque côté, la secoue, penche la tête comme pour deviner le tintement léger, le petit tremblement cristallin à l’intérieur. Et puis elle enlève le couvercle rond rouge étoilé avec le petit nœud en soie rouge pour enfiler les doigts. Tâtonne, remue, admire toutes ces petites fioles de forme et de couleur différentes. Elle choisit un premier flacon, une toute petite bouteille ronde comme une bulle de savon, avec un bouchon rond doré qu’elle enlève très vite, et son nez se froisse, respire, hume les senteurs de rose, comme les roses du jardin, après c’est un flacon tout droit, tout vert, ça sent le citron, frais comme la glace de citron du dimanche, un autre tout petit carré en verre rose épaisse, odeur de vanille, de gâteaux d’anniversaire, et elle continue à toucher, ouvrir, sentir, retrouver des souvenirs, bâtir des rêves… tant qu’on la laisse faire…
Le panier
Il y a aussi ce panier en paille tressée dans le coin à ouvrage de sa mère, un grand panier rempli de couleur et de douceur, tout un trésor de pelotes, de restes de laine, elle y plonge les mains qui nagent, agrippent, tirent, renfoncent des laines écrues rêches sentant encore le mouton, des pelotes rouges et bleues qui feront des chaussettes si maman lui apprend à tricoter, des écheveaux roses et mauves tout doux, soyeux, veloutés, poilus comme de la fourrure, elle les enroule, en fait un bracelet pour son poignet, et se dépêche de tout ranger vite fait avant que maman arrive…
La vitrine
Et puis, il y a ce buffet dans la salle de séjour qui l’attire, une vitrine emplie d’une collection de pièces en cristal dont les facettes étincèlent à la lumière, deux étagères, quatre rangées, elle reste plantée devant ce trésor, s’en met plein les yeux, des vases joufflus, des carafes évasées, une série de petites coupes pour les desserts, d’autres pour les cacahuètes de l’apéritif, de grandes coupes ciselées, des présentoirs plats et en étages, elle voudrait bien toucher, elle aimerait les prendre dans ses mains, jouer avec la lumière, avec les sons cristallins, mais pas touche, dit maman, ça suffit, tu en as déjà cassé et le petit vase que je t’ai donné, tu as dû le casser aussi, c’est vrai, elle l’avait fait tomber, il a éclaté en mille étincelles, c’était joli, ça brillait, mais on ne pouvait pas recoller, c’était perdu, elle avait pleuré ce jour-là…quand elle sera grande, elle achètera un petit vase à facettes de cristal, rien que pour elle …pour mettre des violettes, des primevères, des pâquerettes…
Elle donne vraiment envie cette boîte à flacons, sentir le citron ou la vanille et ce que cela ramène comme autres souvenirs. Et les pelotes pour y plonger les mains. Une belle lecture.
Merci Isabelle pour ce joli commentaire, j’ai écrit ce texte avec plaisir, parfois c’est beaucoup plus dur…