#00, prologue, le roman

Ce livre est le premier. Le premier que j’ai pu lire. Il m’avait été proposé dans une liste, pas très longue, tapée à la machine à écrire. Il était question de choix. Surtout de faire ce choix seul.

Je me souviens être parti à sa recherche, liste à la main. C’était dans cette grande librairie qui se trouvait à l’époque rue Écuyère. Il avait ce grand escalier à gravir. Là-haut le rayon littérature. Souvenir d’une montée vertigineuse. Mes pas se dérobaient à chaque marche. Il me fallait plonger dans ces rayonnages qui m’inspiraient encore l’enfer. La lecture était alors un fardeau. Le fardeau sur lequel buttais mon apprentissage.

Comme il était question de choisir, j’ai passé un temps infini dans ces rayons. A chercher chacun des livres de cette liste. À tâtonner sur chaque quatrième de couverture. C’était déjà en soi une aventure. Une exploration qui ne pouvait pas me laisser indemne. Tous ces livres. Tous ces auteurs. Autant de mondes en soi. Mais ça, je ne le découvrirais que bien plus tard.

Au final, j’ai retenu ce livre. Fier, satisfait du choix que j’avais fait. Son univers libertaire ne pouvait que plaire au jeune garçon que j’étais. Sans le savoir, je portais entre mes mains la clé pour un nouveau monde. Ce livre m’embarqua avec lui.

Je ne me souviens pas de mes peines. De toutes les marches que j’ai dû franchir. Une par une. Étape par étape. Je me souviens seulement de cette satisfaction de saisir enfin toute la puissance des mots.