C’était la première fois que je ressentais physiquement un roman, pas seulement du plaisir, pas seulement le cœur battant de le retrouver le soir, pas seulement les émotions poétiques. Mon corps a éprouvé chaque ligne, les douleurs, les dégoûts, les peurs et les lâchetés. Du titre aux rues, des silences à la faim, les mots se sont mêlés aux sensations : odeurs, suintements, compromis. J’ai été déchirée par ce livre et j’en garde des cicatrices de lecture.
Je l’avais choisi sur un étal de grand magasin du livre parce que la couverture m’avait appelée, happée, avalée. Je l’ai pris, je l’ai posé, je suis partie, j’y suis revenue. Je l’ai désiré et j’ai satisfait mon désir sans deviner qu’il vrillerait définitivement ma trajectoire de lectrice.
Je ne me souviens plus des perceptions collatérales : où, quand. Je n’ai de souvenir que la plongée dans un style violemment harnaché à son histoire. Je ne l’ai jamais relu mais j’ai l’impression d’être encore habitée par les rues, par les morts sous l’escalier, par les ventres affamés, par les sournoiseries de survie.
J’ai appris de moi que j’étais minuscule face un tel texte, que mon écriture était dérisoire et qu’il fallait d’autant plus tout se permettre. C’est la première fois que je me suis dit : après ça, qu’est-ce qui reste à écrire ?
Je n’offre ce livre à personne, comme si la blessure dont il m’a gratifiée était difficile à transmettre. Et quand j’en parle, la traduction de mon amour pour lui n’est jamais assez puissante.
Bonjour Isabelle,
Vous nous donnez à découvrir une cheville de vie, qui à la fois autorise et donne un horizon lointain, ce que j’en retiens c’est cette autorisation, quelle liberté quand elle est donnée, et…reçue, ce qui est la part propre de la narratrice.
Bonne suite à vous,
Catherine S
Merci, Catherine, pour ce regard poétique. A très bientôt
» la plongée dans un style violemment harnaché à son histoire » bien de connaître ça