les 3000 signes du Temps

retour sur d’anciennes chroniques, avec digression sur le livre numérique


C’était de 1998 à 2001. Chaque semaine, pendant un peu plus de deux ans, nous étions quatre, deux français (j’étais en binôme avec Jean Rouaud) et deux suisses, à nous relayer pour cette chronique, dont la seule contrainte était la taille, 3000 signes. Le journal, c’était Le Temps (Genève). Je découvrais l’exercice : pas la peine de préparer. On se fait tout le mois des réserves d’idées, mais c’est une écriture du dernier moment, en tout cas une écriture de l’instant, qui ne se prémédite pas. Sinon, on ne tient pas la brièveté.

Sur la soixantaine de textes accumulés, de simples portraits, des notes prises au quotidien, ou au contraire au bruit lourd de l’époque (la route Rimbaud au Kosovo). On apprend à élargir son spectre. Le réel qu’on formule est toujours identifié, mais sa relation au texte s’inscrit dans une diffraction où on n’a jamais la même posture exactement.

Je ne me serais probablement pas lancé dans l’idée de tenir le même exercice au quotidien pendant un an (Tumulte) sans cette mise en condition, due à l’invitation d’Isabelle Martin et Isabelle Rüf pour leur Supplément littéraire.

On n’écrit pas de la même façon, lorsqu’il s’agit d’écrire pour un journal. Le texte n’a pas à s’appuyer sur l’auteur. Et il doit laisser la place libre après lui. On travaille sur une rémanence.

On a chacun, de cette façon, dans la pratique de notre métier d’auteur, des ensembles de texte dont on sait bien ce qu’ils représentent pour nous, d’exploration, de thèmes dont on ne se débarrasse pas. On était avant l’âge des blogs (j’avais déjà un site, et deux textes au moins sur les soixante parleront d’Internet), mais le problème d’empilement vertical est posé de la même façon que pour le site : comment articuler la lecture longue et la vitrine exiguë du site ?

Les nouveaux appareils à lire vont évidemment changer considérablement la donne. J’avais été surpris par la confiance tranquille de la mission Livre 2010, qui disait que l’écriture utile passerait au numérique, tandis que la littérature, écriture loisir (merci) resterait ancrée sur le livre graphique. A nous de prendre en main notre présence dans la circulation numérique : nos éditeurs proposeront des versions numériques, on y est prêt. Mais à nous de proposer aussi des textes écrits pour ce format : y importer la vieille fonction du littéraire, qui est de mettre en réflexion le langage et le monde.

A nous de contraindre le monde numérique à entendre nos démarches de littérature. Si je propose une version eReader de ces chroniques, c’est parce que nous avons tout à organiser pour que le monde numérique dispose de contenus : on n’y trouvera sinon que ce qui a déjà été validé par des ventes massives. Et si, au contraire, proposer des contenus pour les eReaders était une autre façon de prendre nous-mêmes nos affaires en main, proposer de vrais contenus éditorialisés ?

Avec l’énigme que demeure pour moi le fait que si peu de mes collègues auteurs semblent s’en préoccuper... Le troisième texte ci-dessous, M. Moreau concerne un routier sur le bord de la route Tours - Le Mans : l’autoroute a ouvert il y a un an, maintenant on va à Rennes en 2 heures et pleine sécurité (un de mes amis, Pignoux aîné, est mort sur cette route peu avant). Le routier a fermé. C’est le syndrome dit du chapelier. Quelle est notre part de responsabilité, tout de suite, concernant la littérature ?
Et le cinquième texte ci-dessous concerne les méthodes de travail de Kranz Kafka : et qu’il n’y a pas d’incompatibilité avec ce que nous permet l’ordinateur.

Ci-dessous 5 de ces chroniques de 3000 signes, dont l’intégrale est en téléchargement libre pour lecture sur e-Book, page qui sera désormais une des composantes de ce site.


1 _ départ

Mercredi 10h50. Au fond de la pièce, une porte, mais elle est déjà là, la bière sur le chariot, dans son beau costume, comme bordée, et son visage de quatre-vingt-quatorze ans, la tête légèrement sur le côté. Sur son visage une grande paix. On le reconnaît, et on le découvre : cela, qui transparaît maintenant, qu’on sait aussi dans son propre visage, à son propre arrangement de crâne. On est là longtemps, puis on la voit partir dans le camion noir.

Maintenant c’est l’après-midi. On a retrouvé la grande lumière du bord de la mer, cette brillance. Elle, la Bretonne, a retrouvé la lumière atlantique. On s’est garé sur le parking en face de l’église, encore le bruit du moteur dans la tête, et on retrouve ceux de la famille. L’église est juste en face du garage. Les cloches ont une voix, et celle-ci, justement, c’est quand on dormait dans la chambre en rose, enfant, au-dessus du garage. Ils étaient arrivés là en 1925, ont vendu la première voiture et le premier tracteur, motorisé le premier des bateaux de pêche à voile. Ils sont restés jusqu’en 1965, et elle tenait les pompes à essence. Après, ils ont acheté une maison, à quinze kilomètres, on n’est plus revenu.

Le travail de commerçant en village est âpre, ni l’un ni l’autre, pendant quarante ans, n’ont eu beaucoup de temps à autre chose. Pourtant elle avait son jardin (maintenant c’est des Parisiens, mais il y a toujours les arbres fruitiers et les fleurs), et son vélo marron au grand guidon pour y aller. Je reconnais des visages, Raoul, Gaston. L’entrée du cimetière, ils ont fait un parking devant, et un mur gris. La vieille entrée, au bout de la ruelle, était plus belle. Sur le caveau familial, les noms sont restés. Je suis derrière mes deux frères, et comme ce ma-tin c’est cette ressemblance qui m’étonne, qu’elle révélait soudain.

On revient. Là, c’était la forge. La petite boucherie est fermée, la pharmacie par contre modernisée. En face, ce petit parking n’existait pas. C’était l’école primaire, mon école, la cour aux grands murs. Sur les trois classes aux fenêtres normalisées, il y a l’enseigne jaune de la Poste. Des gens sortent, pour qui aujourd’hui c’est une journée normale. Le garage côtoyait la maison. Il y a toujours le grand portail bleu, même la peinture est restée, vieille et délavée, et la poignée de fer lourd. J’ai poussé la poignée du portail bleu et ça s’est ouvert. Je suis entré, et Gaston et Raoul aussi. Et puis d’autres. C’était vide, complètement. Mais le pont élévateur était resté, inutile, fiché dans le sol. On revoyait les places, le tour, l’établi du grand-père, et elle, qui appelait depuis l’entrée, Raoul, Gaston, ou son mari. Du garage on passait directement dans la cuisine, avec l’arrière grand-mère aveugle, par trois marches et une porte jaune.

L’emplacement de la porte est là, mais il y a des parpaings gris. Au-dessus, la verrière a des trous, la grande lumière passe, et le cri des oiseaux. On est vingt, ici, devant cette porte dans le mur. La porte est murée.

 

2 _ nature

Chaque mardi, 14h, on m’ouvre la porte de la prison. Quatre portes successives, en fait, pour être avec eux dans la salle d’anthropométrie, avec la chaise pour photographier de face et de profil.

Ce mardi-ci, il y a eu Michaël. Il a dit qu’il ne savait pas écrire, ni lire, et qu’il n’était pas intelligent.. On travaillait justement, ce mardi-là, sur la trace qu’on a sur terre, les punaises qu’on pourrait épingler sur une carte, du monde, du pays, de la région. Quand je me suis assis devant lui pour prendre copie de ce qu’il dicterait, il a dit : Nous on dort partout, parce qu’on voyage.

Dans le département on les voit souvent, mais c’est de loin, en passant. À cause des endroits où ils sont confinés, « par arrêté municipal ». Michaël n’est pas dupe : Ils se disent que si l’emplacement est mauvais, on filera plus loin. Et donc on voit les caravanes et les camions regroupés juste là, sous le talus de l’autoroute, ou bien tout au bord de la voie du T.G.V., comme s’il fallait d’emblée annoncer le contraste, le décalage. D’ailleurs, les caravanes et les camions sont modernes aussi.

On parle de ces voyages, et c’est comme une litanie où ne compte que l’instant, où il faut réfléchir pour trouver ce qui précédait, parce qu’il n’y a pas de plan général au voyage. Michaël dit : J’étais à stationner à Dreux. Avant de venir à Dreux, j’étais à Chinon, avec toute la famille. Avant Chinon, j’étais sta-tionné à Villiers, dans le Loir-et-Cher, 41 000. Avant Villiers, à Tarnet, en haut de Fondettes. Avant Tarnet, on était en haut de Vouvray, à Parçay-Meslé. Avant Parçay-Meslé, à Nazelle, à côté d’Amboise, et avant, ça c’est une route tracée, une carte de France.

Et puis il a commenté : C’est tout pareil, y a pas de préférence. Quand tu voyages, c’est beau partout. La nature, être loin de la ville. Pas gênés par les gens.

On a continué comme ça, pendant que les autres écrivaient seuls. On a parlé des saisons, des vendanges qu’ils suivent de la Champagne à la Touraine. Des mots venaient, qu’il prononçait comme si ces mots-là portaient plus lourd qu’eux. Le mot feu. On se lève, la première chose qu’on fait c’est le feu. Le mot regroupement. Les autres ils sont levés, on fait le café. Le feu, c’est le regroupement. Le mot décision. Après, au bord du feu, il y a la décision. C’est là qu’on se partage le travail, ceux qui vont à la chine, et ceux qui pourvoiront au repas.

Il a raconté ça, aussi. La pêche quand c’est l’été, la chasse quand c’est l’hiver. La pêche, en lançant des cailloux pour forcer le poisson à se réfugier dans les racines, et en agitant la vase pour cacher les mains nues qui fouillent. Au bord du talus des autoroutes, à quelques mètres des trains qui filent à trois cents kilomètres heures, ils vont de bourg en bourg et se nourrissent de pêche à main nue et de chasse au lance-pierres. Michaël rajoutera : Il y a plusieurs coutumes, mais c’est toujours maison de la nature.

Cela que nous avons perdu, et la porte de la prison pour marquer quelle coutume est la plus forte, de la nôtre, de la leur.

 

3 _ M Moreau

Les autoroutes drainent le pays vers sa capitale. Passer transversalement d’une ville à l’autre vous renvoie aussitôt à une génération d’écart.

C’est le cas pour la liaison Tours-Le Mans. Au milieu des champs où en ce moment on laboure, par les villages non déviés aux maisons noircies, les Renault Magnum, Mercedes Actros, les Scania et autres Man s’engouffrent sur la deux voies.

Quand une déviation est mise en service, ou qu’un tronçon d’autoroute a mis en bleu gris les champs à corbeaux, on voit les cadavres : ceux des stations-service, avec la piste en ovale et la petite cabine. Et ceux des restos routiers.

Ils sont connus par leur petit panneau bleu et rouge, et parce qu’à midi s’allongent devant eux les files fantômes de camions arrêtés, à moins qu’on ait saigné un des champs, remblayé de cailloux, pour qu’ils s’alignent le museau en parallèle.

Et donc, route nationale 138 qui va de Tours au Mans, juste après Château-du-Loir, en haut de la grande côte, un petit bâtiment sans étage.

Quand on entre l’après-midi, que c’est vide, c’est un vieux zinc de bois vernis qui a dû coûter cher dans les années cinquante, et l’apogée de la route comme aventure, entretenu comme au temps de la marine à voile, barres de cuivre et chromes, avec derrière les bouteilles suspendues à l’envers, sur plancher frotté de sciure.

La cuisine ouvre directement sur le bar, le chien vient dans vos jambes, et, devant, des petites tables à nappes à carreaux rouges et blancs. Le midi et le soir, on met d’office la bouteille de vin sur la table et les plats sont encore des recettes de campagne, qui tiennent au ventre.

Une seconde salle plus grande, deux immenses tables pour d’improbables banquets de mariages : on ne vient plus les faire ici. Et tout au fond, le cirque.
On branche soi-même la rallonge électrique, un petit magnéto cassette dévide sa bobine et les ampoules partout s’éclairent. Sur quatre mètres de long, deux mètres de larges, deux chapiteaux entrouverts, avec les spectateurs, le funambule qui bouge tout seul, les lions qui se redressent et la cabane à frites qui clignote. Et tout le campement, ménagerie, camions. C’est le travail de M. Moreau, le patron. Il vient vous voir qui regardez. « C’est beau, hein ? » On com-plimente. « C’est ma passion. » M. Moreau pourtant n’a jamais travaillé dans le cirque, c’était juste un rêve. Par contre, connu désormais de toute la profession, pas une caravane, Amar, Pinder, Grüss ou les autres, qui passerait sur la 138 sans faire halte, et c’est eux qui ont signé dans le livre d’or.

Quand ensuite on revient terminer son café, on voit un autre M. Moreau.

Celui-ci n’est pas patron, seulement cuisinier, mais ils sont frères jumeaux.

Il n’y a aucune raison de raconter tout ça dans une chronique, sauf qu’on a l’intuition qu’il faut. Dans le temps qui passe, un point d’arrêt, quelque chose qui ne dépend pas du temps. Qui s’en ira comme ça dans l’éternité, si un jour les travaux autoroutiers se concrétisent. Cela existe, et c’est ça le grand mystère. C’est nous.

 

4 _ paysages

Le principe est simple : on a sélectionné, sur l’ensemble du territoire national, quatorze sites, chacun d’entre eux comportant à son tour six ou dix points fixes, et pour chaque site la commande à un photographe confirmé, dont Raymond Depardon, d’un cliché qui sera ensuite répété tous les trois mois à l’identique, de chaque point fixe, sans limitation de durée.

Cela veut dire, sur la photographie, un rond-point avec drapeau usé du supermarché proche, ou impasse donnant sur pavillons et l’année suivante on a goudronné des trottoirs, un an encore et les maisons ont grilles et portails, terminé. Ou c’est une crêperie au coin d’un parking sur la plage en Bretagne, à la photo d’été elle est ouverte avec des tables en terrasse, aux photos d’hiver les volets de fer sont clos, et l’année suivante tout cela un peu délavé sauf ce panneau stationnement interdit planté juste au milieu de la perspective sur mer (elle qui ne change pas, la mer) et on a peint sur le bitume des bandes blanches en épi sur la droite.

Cette revue*, qu’on avait hésité à s’offrir, un an après parution n’est plus nulle part en rayon, elle-même vaguement scandaleuse puisqu’à chaque page on voyait se refaire les mêmes photos déjà vues pages précédentes, comme autrefois ces jeux des sept erreurs : qu’est-ce qui changerait, d’une année sur l’autre, place principale de Saint-Sivran dans l’Indre, ou sur ce contrebas de l’autoroute A1 à Ronchin, Nord ? Rien. Ce sont les mêmes fils électriques, les mêmes maisons ou panneaux indicateurs, un vague tas de pierres quelque part a été enlevé.

Pourtant, à un an de distance, on s’aperçoit que cette revue est encore une fois sur la table de travail. Et même pas pour le texte qui y est joint, précisions que fournissent les photographes pour ceux qui vont les relayer : largeur d’objectif, sensibilité de film. Ce qu’il y a d’étonnant, c’est découvrir combien ce rien occupe de notre espace mental : ce qu’on perçoit derrière le pare-brise quand on conduit, cela qu’on a de l’autre côté de sa fenêtre dans la maison, trottoirs, panneaux, un peu d’herbe sur bitume et on ne le voit plus, on évite les flaques mais on ne s’y intéresse pas.

Vanité de pays riche, qu’on s’y attarde ? Ou bien notre surprise à découvrir combien ce qu’on croit fixe est quand même atteint, contaminé et variable. Que cela donc, le monde, vient battre jusqu’ici à votre trottoir. Inquiétude latente, quand des photographies identiques viennent jusqu’à vous pour dire que la réalité, cela qui est objectif, hors de vous et permanent, est aussi tellement instable et rongé.

Dans votre rue, le grillage où au printemps un motocycliste avait cogné a été changé, plus neuf encore à cet endroit, et tel livre de photographies dans les librairies qui provoque cette semaine un procès, on s’y intéresse moins qu’à nos photos de paysages vides, dans la revue désormais introuvable.

Inquiétude surtout que ce qui demeure s’occupe si peu de nous, qui passons.

*Séquences paysages, revue de l’Observatoire photographique du paysage, Hazan, 1997.

 

5 _ Kafka : un tremblement intérieur

C’est une histoire complète : « Quelqu’un me tira par mon vêtement, mais je me débarrassai de lui. »

Un homme jeune, quand il n’y a plus de bruit dans la maison, que ses pa-rents ont fini le jeu de cartes dans la cuisine, que les sœurs ont rejoint leur chambre, rejoint sa table de travail et ouvre des cahiers.

Quelquefois, cela lui est déjà arrivé, il écrit toute la nuit, d’une traite. Quitte à manquer ensuite deux jours son travail de bureau aux assurances.

Souvent, c’est lui-même, avec à côté la cuisine, de l’autre côté les chambres des deux sœurs, qui monte sur la scène, dans l’histoire. Il mourra jeune, quarante-deux ans. Il le sait. Il s’est fait végétarien, s’impose une discipline physique dure, pour prolonger, tenir. Les cahiers d’avant ses vingt ans, il les a déchirés. Du moins, le premier des cahiers numérotés qu’il n’a pas déchirés, c’est une histoire écrite à moins de vingt ans, neuf lignes, et un titre : « Fenêtre sur rue ».

Il est conscient de la valeur de son travail. De son vivant, il publiera sept recueils de textes courts. Ce qui est étrange, c’est la répétition. Par exemple, la phrase toute simple : « Un soir, comme je rentrais chez moi ». La voilà dans un premier récit, c’est une forme flasque qui pend du plafond de la chambre, avec des seins de femme. Quelques mois plus tard, c’est un œuf énorme qu’il trouve sur sa table, dont sort un oiseau gigantesque, une espèce de cigogne qui n’a pas encore de plumes, dit-il, et à laquelle il pose une question qui vaut d’abord pour lui : « Que viens-tu faire dans notre monde ? »

Une autre fois, peut-être à deux ans de distance, voilà que le voisin de palier chaque soir entre et le frappe. En plus, quelquefois, il amène avec lui sa pe-tite amie. Ce soir, le jeune homme qui écrit est bien décidé à lui dire que ça suf-fit, que ça ne se fait pas. Et puis non, ça recommencera.

A quelques jours de distance, c’est le bourreau qui entre avec ses couteaux. Le texte commence par ces mots : « Étrange coutume judiciaire. » Une page.

On a écrit vingt fois le même départ, et vingt fois cela a cessé au bout de quinze, de vingt, de trois lignes. Et puis une autre fois on écrit pendant trois semaines pleines, et le texte a soixante-dix pages, pourtant c’est bien toujours de la chambre et du jeune homme qu’il s’agit. Il s’est mal réveillé, avec un corps de gros insecte. Ou bien on écrit dix-huit mois, mais cela commence encore par la même fenêtre sur rue : le jeune homme s’aperçoit qu’on l’observe de la maison d’en face, et que sa logeuse ne lui a pas porté son café. On l’informe qu’un procès a commencé, qui le concerne.

Bien sûr il s’agit de Franz Kafka. C’est la notion d’œuvre qui en est boule-versée : stricte égalité entre ce qui tient trois lignes et ce qui dure dix-huit mois. Qu’est-ce qui fait qu’une histoire vous emporte, ou vous délaisse ? Kafka, un soir, n’écrit que cela : « À travers les mots, passe encore un peu de jour. »

Un autre soir : « Je n’écris qu’un tremblement intérieur dans le front. »


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1ère mise en ligne et dernière modification le 20 juin 2007
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