#LVME | l’homme de passage (roman maison, #02)

une proposition de construction narrative depuis un lieu collectif, en 14 étapes


 

 

roman maison #02 | l’homme de passage


D’abord quelques rappels sur ce nouveau cycle :

 au printemps, nous avions amorcé, sur le thème Recherches sur la nouvelle, un parcours par boucles, où (à deux reprises), on commençait par accumuler de la matière, sans se préoccuper de construction, avant de s’installer dans le territoire créer et laisser l’ensemble se redresser ;

 ici, l’idée — en suivant La vie mode d’emploi de Georges Perec, c’est de faire d’un lieu (d’un lieu collectif, maison, immeuble, rue, résidence ou quartier, hameau, ville) le sujet de l’enquête ou du récit.

L’important serait donc de ne pas se hâter, d’accumuler là encore des bribes de matière (en 14 étapes, on a le temps), avec éclats pris à ces lieux, personnages, moments, et de les laisser en tant que telles préparer le renversement en récit : mais c’est bien, je réaffirme, un récit complet (« roman maison ») que je vise pour terme, et pour chacun et chacune des participants.

Et bien sûr, quoi de plus inépuisable que ces cent chapitres de La vie mode d’emploi, plus ses annexes, index, histoires...

Défi pour cette deuxième proposition : le lieu, désormais (voir notre proposition initiale), vous l’avez identifié. Vous pouvez mentalement y revenir. Mais, et j’insiste, on ne va pas en parler. C’est là, où il va nous falloir nous réfréner, avec confiance et patience.

J’ouvre avec quelques exemples pris à mon contexte personnel, mais cet employé municipal avec souffleuse, gilet orange, casque anti-bruit et en bandoulière son lourd moteur thermique poussant les feuilles mortes qui reviendront dès après son passage, il n’est pas passé, parfois, dans ce lieu que vous seul avez déterminé comme votre thème d’exploration narrative ? Ou le facteur avec ses calendriers (c’est de saison aussi) ? Les voitures d’hospitalisation à domicile, les livreurs de colis en ligne, la camionnette municipale avec les repas seniors, passent aussi dans ma rue.

Perec, lui, termine à la fois la 1ère et la 3ème partie par un lieu précis : la chaufferie. L’installation du chauffage central, comme celle de l’ascenseur, est dans sa narration un repère important du siècle séparant la construction de ce moment, tout à la fin, où on aperçoit tous ces gens isolés dans leurs petites cases, au moment même que l’auteur termine son livre.

Et, dans ce lieu, chapitre XXI, un technicien du gaz, en costume de ville, un bout de journal par terre et un objet (clapet de sécurité ?) qui seul sera décrit avec précision, et, chapitre LXIV, un ouvrier allongé parmi manomètres et tuyaux, avec auprès de lui le plan de l’immeuble.

De l’immeuble donc, dans ces deux paragraphes quasi symétriques, Perec ne parle pas. Mais, tandis qu’il nous fait exister le technicien, puis l’ouvrier, occupés à leur travail précis dans la chaufferie — eux qui sont de passage, eux qui ne sont pas de l’immeuble — l’immeuble est présent : il est présent et actif, même non décrit, dans le temps de son écriture, comme il le sera dans le temps de notre lecture.

On aura créé la construction mentale du lieu qui sera le sujet de notre récit, sans même en parler, parce que c’est ce personnage de passage qui nous importe.

Alors on y va !

 

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 24 novembre 2024
merci aux 201 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page