#14 | Sarraute, ne me parlez pas de ça !

Sans doute une première phase dans l’oeuvre publiée de Nathalie Sarraute, disons de Tropismes en 1949 (elle a bientôt 50 ans) à Entre la vie et la mort en 1967, un virage qui la mènera à toutes ces oeuvres comme de plus en plus décantées et abstraites, mais qui la mèneront au sublime Enfance en 1983, et à l’ultime, mais texte sommet, Ici en 1995, elle a 95 ans.

Et dans cette phase, de ses 70 à ses 90 ans, L’usage de la parole, publié en 1979, elle approche donc de ses 80, a un statut de bifurcation ou d’amplification. Retour à la forme cumulant des textes autonomes et indépendants, ce qu’elle n’avait pas fait depuis Tropismes : dix textes de 4 pages pour le plus bref à 10 pages pour le plus long.

Et chaque texte pour incipit une expression courante.

Dans chacune de ces expressions, une réification des rapports sociaux ou personnels, une charge sociale potentielle, un détournement ou une carapace. Un tic qui rend incassable la protection de toute mise en cause personnelle, institutionnelle ou sociale.

Et Nathalie Sarraute va plus loin : chacun de ses textes se servira, pour partir à l’assaut ou décortiquer l’expression-titre, de dizaines et dizaines de ces expressions toutes faites, devenues chez elles véritables briques de langage.

Et pourtant, quelle fluidité.

Mais dans cet avant dernier texte de L’usage de la parole, avec pour titre « Ne me parlez pas de ça ! », elle va plus loin : dans les deux dernières pages, chaque paragraphe prend pour incipit un usage de l’expression, une situation chaque fois différente pour illustrer ce que réifie ou camoufle l’expression.

Et c’est cela que je vous propose de tenter, en au moins cinq paragraphes distincts, cinq situations différentes qu’appelle chaque fois, en tête du paragraphe, la reprise de l’expression.

Et prendre le temps pour cela, avant d’écrire, d’en chercher mentalement trois ou quatre (vous verrez, c’est bien surprenant, tics d’époque, petites déformations familiales, habitudes de boulot). Et seulement une fois cette petite liste établie, en choisir une et une seule pour partir dans les cinq paragraphes.

Quant à Nathalie Sarraute, sûr, on ne va pas la quitter comme ça, et c’est bigrement salutaire !

[SERA COMPLÉTÉ DANS LA SOIRÉE OU JEUDI MATIN]