#voyages #08 | Nathalie Quintane, Colomb reconstitutions

un cycle basé sur l’imaginaire et le réel dans le récit de voyage


 

le double voyage, #08 | Nathalie Quintane, Colomb reconstitutions


Ce cycle est entièrement basé sur un double mouvement : ce que l’écriture construit depuis une expérience de voyage réellement effectuée, mais lacunaire, ou en tout cas hors langage, et ce que l’écriture permet de constuire en tant qu’expérience fictionnelle, dans la tradition du récit de voyage inventé (Gulliver, Nils Holgerson...) en donnant à cette fiction force implacable d’expérience réelle.

Aujourd’hui, en opposition à la proposition précédente, c’est dans le deuxième volet qu’on va installer notre camp d’écriture.

Dans ce texte paru en 2001 ; Nathalie Quintane nous offre une proposition magnifique : ne rien réunifier, mais laisser le récit sous la forme de l’accumulation de notes et fragments qui constituent l’approche même de l’auteur.

Et nous on va s’en appuyer strictement :
 un tiret, une note de deux ou trois lignes, voire d’une seule ligne ;
 et laisser se déployer dans toutes les associations possibles (rêveries, documentaires, suppositions, retour sur soi, éléments probables ou vérifiés) la constellation de ces tirets.

Retour sur la vidéo : le récit Une américaine fait suite à un autre, Saint-Tropez qui donne son titre principal au livre. Dans Saint-Tropez, déjà une construction fragmentaire, éclats d’une enquête dispersée, sur une conjecture de hasard : l’auteure, qui vit et enseigne à Digne-les-Bains, s’interroge sur sa propre ville si la mer (la réserve géologique en témoigne) avait fixé son retrait ici à Digne et non pas à Saint-Tropez. Vous vivez à 70 kilomètres de la côte à vol d’oiseau, la Maison de la presse de la rue principale vend Paris Match avec les photos en couleur des fêtes people, vous écrivez au syndicat d’initiative (on disait comme ça alors) avec enveloppe timbrée pour le retour et on vous répond, le livre commence. Et savez-vous quoi ? Ça pourrait bien nous fournir la proposition #09 à suivre.

Donc, s’écrit en proclamation, sous-titre, le mot reconstitutions.

Le voyage de Colomb, comme celui de Magellan, nous est parvenu par une « relation » principalement factuelle. Pour Colomb, avec un point précis devenu légende : l’équipage refusant d’aller plus loin, Colomb négociant un sursis, et le fait que la côte découverte n’est pas l’Inde recherchée. Colomb ainsi, a « découvert » l’Amérique (qui n’a pas encore le nom que lui donnera un peu plus tard Americo Vespucci), et le mot fait bien rire les ami·e·s innu·e·s.

Reconstitutions ? Ou simplement recherche, éclatée, dispersée, stratifiée : ces fragments a priori disparate, dans la seule chronologie de leur surgissement dans l’écriture.

Christophe Colomb : un patrimoine légendaire, connue de toutes & tous : ah oui, 1492... Alors évidemment c’est un premier point de départ. C’est quoi, votre personnage et votre voyage de légende ? La littérature grouille d’exemple. Vous êtes sur Tiers Livre, le Tiers Livre de Rabelais a été en partie composé lors des 4 mois de convoyage, de Roanne jusqu’à la Sarthe par lui-même et trois autres, dont un François Proust, de la dépouille mortuaire de Guillaume Langey, dans l’hiver 1552 : et c’est des années que je reconstruis mentalement ce voyage.

Mais le récit de Quintane a un autre enjeu : quelle importance, sinon la gloire du texte d’avant-garde, à proposer une telle reconstitution ? Un thème obsède son oeuvre : l’Algérie, le retour et l’installation dans l’hexagone des « Français d’Algérie », les silences, les incompréhensions, la façon dont cela conditionne à distance une génération.

Sous le récit des reconstitutions Colomb, le fait que ce qu’on cherche c’est une autre reconstitution : la chape de silence sur cette découverte à l’envers, ce retour pendant une guerre qui n’en finit pas de dévoiler ses non-dits.
Alors votre choix à vous, pour ces reconstitutions via éclatement de tirets et fragments, peut se saisir d’un voyage beaucoup plus proche, d’un personnage qui vous impose l’écriture fictionnelle, ou tout au moins cette quête.

Et c’est de là qu’il faut partir. Le voyage de qui ? En quoi vous impose-t-il la nécessité de mémoire, d’écriture, même si vous en savez si peu ? Comment allez-vous procéder, fictionnellement, pour que ce voyage inconnu ait ce caractère implacable de la justesse en écriture ?

Et c’est bien la justification et l’enjeu de ce cycle.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 5 mars 2023
merci aux 208 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page