#40jours hors-série | du double

au défi d’un exercice quotidien d’écriture pendant 40 jours


 

 

 abonné·e·s : accès direct sur Patreon avec document d’appui –- et note à l’ensemble des inscrits : merci prévenir si compte auteur pas mis en place sur le WordPress, ou présence dans sommaire auteurs etc, ou si souhait lettre d’info parallèle au message Patreon ;

 inscription permanente via le Patreon (niveau 3, atelier) (abonnement) ou via la librairie du site ;

 l’inscription est nécessaire pour : accès privilégié aux propositions, aux documents complémentaires et fiches ressources, accès à la plateforme de publication collective et aux Zooms hebdo et leurs archives ;

 lire les contributions à l’exercice et publier la vôtre.

 retour sommaire général de la série ;

 

#40 jours hors-série | du double


Le thème du double est omniprésent — ou pour le moins trace un fil discontinu, insistant — dans toute la littérature depuis les mythes d’origine. Il s’est formalisé aux temps romantiques, générant toute une arborescence de titres fantastiques, mais plutôt, trace bien plus rémanente et pérenne, et quel que soit le registre littéraire, cet outil narratif d’une dissociation.

Le double n’est pas simplement la face inverse, tout aussi douée de vie, du narrateur, mais comme son déploiement dans un repère spatio-temporel où le réel dicte autrement ses lois. Si les grammaires du rêve en sont plus près, jamais ce déploiement d’un double ne se confond avec les récits de rêve.

On entend ces notions de dissociation, de repère spatio-temporel autonome, de déploiement d’une figure de soi-même (ou du narrateur) hors de l’emprise du réel sur ce narrateur même, y compris dans un texte comme La chambre double en ouverture des Petits poëmes en prose de Baudelaire — voir fichier joint.

Un autre archétype dans le Loup des steppes d’Hermann Hesse, pourrait nous donner notre passage étroit pour s’y risquer : le narrateur (le neveu de la tante qui loue une chambre de sa maison à l’étage) installe le portrait (j’utilise exprès le mot à cause du Dorian Gray de Wilde) du locataire, portrait à distance, d’observation, puis portrait en interaction : rencontre dans l’escalier où le locataire semble méditer, assis sur une marche de l’escalier face à cette plante verte devant la fenêtre sur cour, puis visite en son absence de comment le locataire a transformé la chambre, par ses livres et sa réclusion, enfin rencontre de nuit dans la ville, le dérèglement d’un bar.

Dans la deuxième partie du Loup des steppes, transfert : le locataire devient le narrateur, et le narrateur initial n’est plus qu’un personnage plus que secondaire. Mais un narrateur qui a laissé, en quittant la chambre — et donc son propre personnage — un cahier où, à la première personne, s’inscrit une quête dans la ville maintenant douée d’activité fantastique propre : l’inscription « seulement pour les fous », qui apparaît par intermittence dans le mur plein banal d’une rue écartée, puis ce troisième renversement encore plus étrange : le narrateur une fois franchie cette porte explore enfin ce théâtre, dont la spécificité est que des différentes loges où il entre, depuis le labyrinthe, sont représentées des scènes de sa vie, y compris dans les parts les plus secrètes ou refoulées, ou depuis l’enfance.

Le Loup des steppes alors seulement comme repère, en tant que dispositif : c’est cette dissociation par transfert du narrateur à celui qu’il narre, puis la prise de possession du récit par celui-ci, se dissociant lui-même alors dans une réalité structurée par d’autres instances que celle, élémentaire, mais nôtre, du narrateur initial.

Ce que je vous propose : vous avez, si parvenu ici, installé 38 prises d’écriture, 38 lancers de forme, 38 fois le jeu entre la voix, les yeux et la ville.

Vous serait-il possible de reprendre un de ces 38 textes, et de le récrire selon ce principe de réalité dissociée qui est celui du double ?

Peut-être cela sera-t-il très, très peu différent. En tout cas, le réel qui fonde la lisibilité du texte sera arrêté, suspendu, mobile ou flottant. Et c’est bien cela qui peut nous permettre d’entendre — se mettre à l’écoute — d’une voix non entendue dans la prise d’écriture initiale, une voix provisoirement débarrassée (c’est le narrateur initial, dans la réalité inchangée, pragmatique, qui installe cet écart et cette suspension provisoire) de cette domination qui constitue le réel, parce qu’on la nomme telle, ou qu’on l’expérimente telle.

Enfin, si j’ai parlé du Loup des steppes, pour vous cela sera peut-être Usher, ou le Golem, ou le Horla, ou des Esseintes, cet archétype du double et de la dissociation : peu importe, pourvu que cela nous aide à nous figurer intérieurement cette déprise du réel.

Autant dire qu’on est dans le laboratoire collectif, et pas la verticalité d’une consigne.

J’en suis d’autant plus curieux, une fois de plus, alors bonnes écritures.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 20 juillet 2022
merci aux 122 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page