#40jours #19 | là pour attendre, Beckett aussi

au défi d’un exercice quotidien d’écriture pendant 40 jours


 

 

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 pièce jointe : Samuel Beckett, Le dépeupleur, Minuit, 1979, extrait.

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#40 jours #19 | là pour attendre, Beckett aussi


C’est un rendez-vous que je savais sur notre route depuis le début : lieux pour attendre, temps de l’attente, déplacements du regard parce que dans cette attente.

Et non pas dans l’univers privé, l’enclosure ou le désoeuvrement, mais dans l’espace public, comme chacun·e pourra en retrouver des exemples immédiatement et par dizaines, du contexte le plus banal à celui qui peut être le plus grave.

Temps contraint de l’attente. Rien à faire qu’attendre.

Ce n’est pas simplement un exercice : c’est notre relation à l’espace public, mais aussi à ses dérèglements. Une régulation qui s’enraye, et dans ce qui craque le réel se dévoile autrement, plus à nu. Exemple chez Michel Lussault, Hyper Lieux sur le rôle de l’invention technique, issue de la Première Guerre mondiale, de l’air conditionné dans la construction des premiers malls et galeries.

Quelques enjeux narratifs aussi : si le temps s’arrête, la narration peut prendre le temps de laisser percevoir son contexte, et dans tous les grands romans on a des exemples. Le récit du contexte et du temps arrêté remplace le temps rythmé de l’intrigue. Autre enjeu : si nous décidons de stopper le temps, et de dire l’espace arrêté qui contient cette attente, on apprend à poser comme verticalement au récit un contexte indépendant du récit principal. Quand on retrouvera son récit principal, on saura mieux emporter avec lui tous ces éléments qui constituent le réel, part visible et part abstraite.

Cela aurait suffi, et si cela vous convient, allez-y.

Mais, même dans la brève traversée du hall de Saint-Lazare par le narrateur de la Recherche enfant, quand aux vacances de Pâques on rejoint Combray, il y a Dante en filigrane. Ces distensions du temps et de l’espace ouvrent à l’allégorie.

Qu’on fasse du confinement en lieu public et temps contraint de l’attente une allégorie, et sûr ce sera plutôt aller pas loin.

Mais qu’on pousse la description à sa radicalité, sa teneur d’absurde, la présence non justifiée des éléments de réel, le jeu des postures et des corps, alors il se fera allégorie par le côté justement implacable de la description.

C’est là, et seulement là, que je souhaitais qu’on aille relire le Dépeupleur : un temps circulaire, avec des oscillations, températures, lumières, vitesses. Tout poussé à l’abstraction : cylindre ou tambour d’une cinquantaine de diamètres, et quelques niches dans les murs. Beckett compte, nous donne des chiffres, des durées, décrit des trajets, des objets. On ne transgresse à aucun moment le principe de réalité : s’écrit ce qui est. Qui le considèrerait comme une fable, le texte s’effondre.

Et le passage, vers la p 30 du livre, où Beckett aligne comme des flashes stroboscopiques des corps, leurs postures, et même leurs visages, n’est pas la moins fascinante, pour lui aussi l’enracinement Dante est présent.

Mais on passe du début : séjour où des corps vont cherchant chacun à la fin 45 pages plus tard : baissa une première fois la tête sans quitter jamais la contrainte de dire cette attente et ce lieu.

Et c’est une nouvelle étape, que cette ambivalence du récit, sans quitter la description urbaine.

Bonnes écritures.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 28 juin 2022
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