#40jours #02 | la façade enlevée

défi écriture : 40 jours avec un exercice par jour


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 à consulter (votre page Patreon abonné ou lettre de coordination du cycle) : Perec, Espèces d’espaces, chapitre « Immeuble », inventaire et dépli du dessin de Saül Steinberg No vacancy (1952) et le dessin lui-même ; Perec, La vie mode d’emploi, dernier chapitre, le 28 juin 1975 à 8h du soir.

 

#40 jours #01 | la façade enlevée


Cette vidéo propose :

 on va de nouveau partir d’une curiosité soulevée par Georges Perec dans Espèces d’espaces : lorsqu’il veut ouvrir son chapitre « Immeuble » il a pour point de départ un dessin de Saül Steinberg paru en 1952, No vacancy, qui consiste en une vue d’un immeuble à la façade enlevée, offrant au regard l’ensemble de ses habitants, à tous les étages, dans leurs occupations les plus quotidiennes ;

 singularité, parce que ces quelques lignes de réflexion sur un « livre immeuble » seront à la source du futur Cahier des charges de La vie mode d’emploi, et du roman lui-même, qui paraîtra en 1978, cinq ans plus tard ;

 et redoublement de singularité, si l’ultime chapitre de La vie mode d’emploi, juste avant le bref épilogue, avec la mort de Barnabooth assis à sa table, son ultime pièce de puzzle à la main, prête à être posée — on est « le 25 juin 1975, à presque 8 heurs du soir » — sera la réalisation même, à échelle de l’immeuble parisien, du dessin de Steinberg qui en a été la source : plus de façade, et l’ensemble des habitants saisis dans leur vie quotidienne à cet instant ;

 donc une vue panoptique, une vue face écran.... le cinéma, ne serait-ce qu’avec Fenêtre sur cour, saura lui aussi en faire récit...

 comment s’y prendre ? peut-être tout simplement en faisant le relevé, toutes époques, tous lieux, où vous-même avez été en face d’une façade avec vue sur intérieurs multipliés, chacun des occupants livrés à ses activités ordinaires, visible ou pas visible, ou même ces grands immeubles de bureau vides la nuit mais constamment éclairés ;

 alors écrire ce relevé, tout simplement, et même tout simplement en faire la liste, à moins qu’une figure pour vous s’en détache avec évidence ; et, une fois la liste établie, la reprendre en la traitant visuellement ;

 penser aux enjeux... je cite Edward Hopper et sa peinture Office at night, mais ce sont aussi ces fabuleuses vies de saint dans la peinture du XIII° et XIV° siècle italiens, où la toile se divise en autant de compartiments qu’il y a de figures centrales dans l’histoire qu’on a à charge de transmettre ;

 la façade et sa vie démultipliée, collective : l’individualité multipliée par l’architecture, qui laisse apparaître à cru l’ensemble de ses déterminations sociales... mais dans la peinture depuis un siècle, presque un motif récurrent, archétype, une démultiplication plastique que la littérature ne s’est pas forcément donnée la peine d’explorer...

 tenez, ainsi : quand Perec, dans Espèces d’espaces propose comme une ekphrasis du dessin de Saül Steinberg, vingt ans après sa parution (et quelle évolution depuis de la ville), il s’attache aux pièces, aux objets, compte les chaises et les lits, les appareils-radio, les postures... et quand il en reconstruit l’image tout au bout de La vie mode d’emploi, il n’y en a plus que pour les personnages, comme figés chacun dans l’instant d’une tâche la plus quelconque...

 et pourtant ce lancinant « C’est le vingt-huit juin mille neuf cent soixante-quinze, il est presque huit heures du soir » avec les nombres et la date en toutes lettres, qui ouvre six fois de suite le paragraphe produisant un bouquet précis de ces personnages...

 quelle ville n’auriez-vous visité sans cette curiosité d’en deviner les intérieurs ? c’est fragmentaire, lacunaire, incomplet et conservant ses secrets : eh bien c’est cela qui va faire la magie du texte — encore n’ai-je parlé que de nos villes verticales, nos villes occidentales (j’ai pourtant regardé fasciné Shenzhen, trois soirs de suite, et c’était la même curiosité)...

Un exercice purement technique, d’accord. Mais, très secrètement, dans l’appel à ces images-souvenir, la constitution à nouveau de matière, la fabrique pour chacune et chacun, même embryonnaire, d’un territoire de représentation mentale... et un court-circuit du texte à la peinture et au cinéma.

Pensez à commencer par la liste ! Et puis dépliez ce qui est votre façade souvenir.

À demain la suite !


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 11 juin 2022
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