dimanche 3 blogs, 40 | nous, les tombereaux de Musso du e-ruisseau

s’obstiner au blog


Les blogs, pour un certain nombre d’entre nous, ont été l’entrée dans une passionnante confrontation d’écriture, où faire lever le récit plus près du réel lui-même, vieille, très vieille tâche de la littérature.

L’irruption des réseaux sociaux a avalé l’espace de discussion qui en était la respiration (le rôle majeur d’Hubert Guillaud et d’autres), le blog alors devenant sédimentation plus proche du livre, un livre géant, en mouvement et fragmenté.

Quelques-uns vont au bout de ces idées de flux, ainsi Joachim Séné qui installe sur ses articles un script qui les effacera progressivement en quelques mois.

De mon côté, la vidéo, d’un rôle initial d’appui ou complément au blog, tend à s’accaparer aussi la fiction ou la réflexion, et se passer de billet de blog complémentaire – je ne sais pas si c’est bien ou pas, c’est juste que elle est l’indication pour moi et en ce moment du chemin pour qu’il me semble nécessaire.

Les blogs continuent à vivre. De la même façon ? En reprenant cette chronique dimanche 3 blogs, à son 40ème épisode, je reviens à des auteurs – amis ou pas – que je lis depuis bien longtemps. D’autres, comme André Markowicz, s’en tiennent à leurs chroniques Facebook. D’autres, comme l’air nu, s’assemblent en collectif pour trouver un nouveau geste.

Pas sûr non plus que les outils évoluent aussi vite que les hasardeux et mouvants algos de Facebook et ce n’est pas forcément bon signe.

Et pourtant, la conviction profonde qu’on n’en a pas fini avec ce qu’invente (mais voir aussi Maîsetti, Jeanney, Jouy, Célérier, tant d’autres) le blog comme armature neuve de récit, nous ne l’avons pas épuisé. D’autres interstices naissent, notamment avec le Print On Demand.

Surtout, la conviction que ce que change le blog au récit joue désormais à armes égales avec le ronron de la littérature commerciale dominante, leurs rituels vides de prix. Au vocabulaire insultant de Libération nous qualifiant de Quart-Monde de la littérature, ici où on n’en est qu’au Tiers Livre, assumer totalement cette condition où, à l’écart du bruit de fond consensuel, nous inventons et persistons – nous, les « tombereaux de Musso du ruisseau ». Au moins nos « écuries » sont-elles virtuelles, et contre leur vieux monde usé de la presse sous perfusion des subventions d’État et du click bait de pubs débiles, avons-nous l’avantage du support neuf.

FB

Et PS pour la vie du site : vous avez vu qu’il y a du nouveau ici ?

 

1 – DANIEL BOURRION – LES CINQUANTE

Daniel Bourrion utilise la plateforme Drupal (ici fidèle à Spip), ses compétences web le lui permettent. On s’est familiarisé depuis longtemps à ses écritures quotidiennes ultra-brèves, que le site permet de recombiner à l’infini, jusqu’à les faire réapparaître dans une pleine continuité. Dans cette série récente, il joue avec ses 50 balais proches (paraît-il) pour faire éclore des scènes pointues ou profondes venues d’aussi loin que l’enfance, mais parfois de bien plus près et c’est fascinant : les cinquante. A suivre aussi sur Facebook ou twitter @dbourrion.

12 – THIERRY BEINSTINGEL – ÉTONNEMENTS

Parlé plusieurs fois de sa Vie prolongée d’Arthur Rimbaud, livre pour moi le plus fascinant de cette « rentrée littéraire » avec celui de Luc Lang. Thierry, compagnon de route pour nos tout premiers sites, en 97-98, nous a laissés nous engager dans l’aventure blog, en 2004, sans vouloir dévier (il n’est pas non plus sur « les réseaux »). Depuis toutes ces années, son site s’organise en étonnements, notes d’écriture et notes de lecture, plus sa webcam, et tout cela en bon html de base. Une fois par an, il clôt le fichier et en ouvre un autre : ouvrant paradoxalement un espace de continuité que la forme blog ne nous autorise pas. Dans son dernier étonnement, une belle réflexion sur l’expression zone de confort, lisez...

3 – VIRGINIE CLAYSSEN – AU-DEHORS

Virginie a toujours lié son implication dans le livre numérique (son blog initial archicampus sporadiquement réveillé, quel dommage...) à sa formation initiale d’architecte. Nous avons mis tant de nous-mêmes dans ces premières promesses du livre numérique : les murs sur les côtés et devant étaient rugueux. Je pense qu’elle n’a pas plus regret que moi-même, ou l’ami commun C.L., de ce qui a constitué notre action et notre réflexion pendant au moins 5 ans. Peut-être justement parce que cela n’a jamais été pour nous finalité technique. Alors on arpente ailleurs, dans la même fidélité à ce qui nous avait mené à cette réflexion sur web et livre. Pour Virginie Clayssen, depuis presque 2 ans, l’appareil photo qui l’accompagne dans ses déambulations urbaines. Regard sur la ville qui tire sa réflexion de l’architecture et de l’urbanisme, une solide lecture benjaminienne, mais la capacité en chaque mur, façade, fenêtre, passante ou signe, de faire éclore d’une autre manière ce qui nous lie au numérique comme aventure d’être, d’en faire naître récit depuis la page numérique composite elle-même. C’était particulièrement sensible dans ce dernier billet : machines à habiter. Sur Twitter @v_clayssen (et au fait, vous connaissez peut-être aussi sa soeur Noémi ?).

 

ET CODA, LUNETTES ROUGES

Marc Lenot (il signe ses tweets @_lunettesrouges de son nom) a été un des premiers, sinon le premier à investir la critique d’art avec les outils du blog. Le sien est depuis longtemps hébergé par le Monde, choix qu’a fait aussi Hubert Guillaud dans son propre domaine, et qui m’a souvent mis en balance moi aussi, mais maintenant suis vraiment résolu à maintenir plutôt indépendance. Souvenir de comment l’agence de perception de droits des plasticiens, l’ADAGP, l’avait contraint il y a quelques années à retirer toutes les images illustrant ses visites d’expo – au préjudice même et premier des artistes ainsi mis en avant –, une fois échue la durée de l’expo. Des ridicules corporatistes obsolètes qui tueraient un blog à moins. Lui a tenu, et visiblement l’ADAGP a baissé la garde, pour notre bonheur. Fascination du web, qui nous permet par l’intercession d’un blog, texte, pensée, image, de nous projeter dans un fragment de réalité qui n’a pas croisé le nôtre. Lunettes rouges débusque des polémiques, cherche dans ce qui se travaille en art les fissures et indices. Monde encore moins indemne des grand’messes que celui de la littérature. C’est par Claire Legendre, depuis Montréal, que j’ai découvert cet article fascinant, publié fin septembre et que j’avais zappé : je ne savais rien de l’histoire d’Isabelle Mège, et ce renversement du concept d’oeuvre en s’imposant à la fois comme modèle et collectionneuse. D’autant que je retrouve bon nombre de photographes amis dans les 300 de sa collection. Claire semblait déjà y voir un nouveau sujet de fiction, évidemment on le lui laisse, mais oui, même sensation... Isabelle Mège, le modèle artiste et ci-dessus vue par Georges Toudjman en 1987, et en haut de page par le copain Jean-Luc Moulène, reconnaissable entre 1000...


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1ère mise en ligne et dernière modification le 16 octobre 2016
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