006 | 47°26’29.77 N – 0°37’33.42 E

le tour de Tours en 80 ronds-points, quand la ville se construit dans les champs


 

 ceci est le 6ème rond-point visité, voir liste des précédents ;

 première visite ? voir la présentation générale du projet, qui inclut aussi des invitations et un journal ;

 état actuel du protocole : vues depuis le rond-point devenu chambre à photographier la ville (4 photos) ; vues du rond-point depuis son pourtour (2 photos) ; vue de l’intérieur du rond-point (1 photo) ; vue aérienne © Mappy du contexte avant construction (1 copie écran) ; vidéo lecture (2’10), vidéo captation neutre (1’40) ; un livre enterré (voir protocole livres enterrés) ;

 en partenariat Pôle des arts urbains Saint-Pierre des Corps (pOlau) & Ciclic.

 

journal de voyage


Construire la ville à la campagne a toujours été un lieu commun de bonne plaisanterie. Il n’empêche que la ville s’étend, et donc mord dans les champs. Où, comment.

Ici, au long de la vieille route de Laval. Il y a déjà des implantations urbaines, comme par jets : on aperçoit la station-service (elles se font rares, en ce genre de lieu). Si on regarde la vue aérienne pourtant récente, rien que ce champ en longueur.

Donc, au milieu du champ on a dessiné une rue toute droite, puis mis des maisons de chaque côté, comme les petites maisons de bois sur la bande de couleur des cases du Monopoly. Et la forme en trapèze permet une ébauche de rue perpendiculaire, avec des maisons plus grosses, jointives, de deux étages, toutes sur le même modèle.

Ainsi donc, dans le vide des champs, on aura reconstitué la manière dense de la ville avec les maisons adjacentes et la rue, la rue qui ne va sur rien, est à elle-même sa propre extrémité.

Et comme dans le champ, à l’écart de tout, on a mis le maximum de maisons qu’on pouvait, on met le rond-point pour que la jonction avec la route se fasse sans danger.

Il y a même pas un mois, j’étais passé là et il n’y avait qu’une moitié de rond-point. Je voulais voir un rond-point tout neuf, mais avec à peine trois semaines d’âge un rond-point nu paraît déjà très vieux. Juste de la terre, et le fanion de l’entreprise de ponts et chaussées.

Ce qui m’intéresse, c’est la perspective qu’on a sur cette rue de maisons toutes identiques et serrées, posées bien droit à la militaire. Est-ce que la façon dont la ville s’étend sur les champs concerne le reste de la communauté ? Si c’est le cas, qui réfléchit à la notion de rue et si ça a du sens de construire non un tel fragment séparé de communauté, et qu’il soit en lien avec son paysage et avec la marche en avant de la ville, plutôt que juste une rue et des modules serrés répétés à l’identique. Pensent-ils que les gens sont pareils, pourvu qu’ils achètent ? La notion de vie en étage a-t-elle ici du sens ? Il y a des architectures qui permettent à la fois cette modularité d’appartements et le lien de chacun à l’espace paysager.

Degré zéro de l’architecture : vous empilez les étages par trois, faites bien attention que la moindre superposition soit à l’identique, trois chiottes, trois cuisines ainsi de suite, et vous recommencez pareil quatre mètres plus loin.

Je ne sais pas si à La Membrolle on se pose ce genre de questions, ou si on se contente de faire les additions : arrivée de l’eau tant, raccordement égouts tant, électricité c’est pas nous, Internet ils se débrouillent, et : ah oui, goudronner la rue, goudronner le rond-point.

Ce qui m’a surpris vraiment c’est ça. Une pipette de laboratoire, qui prend une rue toute droite, et la dépose dans le champ. Je reviendrai au printemps.

 

éléments contingents et factuels


Comme j’avais apporté un livre de poésie, au lieu de l’enterrer dans la terre meuble du rond-point je l’ai incrusté dans les fondations d’une des maisons. Elles sont faites en « briques isolantes » et, en voyant les palettes, on se dit que ça doit autant servir à isoler de l’humanité qu’à isoler du vent sur la grande plaine nord de ville. Dans ces briques, le livre enterré va donc durer autant que la maison. Je ne pense pas que les futurs habitants puissent jamais savoir que des poèmes soient enterrés dans les fondations de leur maison. À Babylone, le fer était matière précieuse : pour signifier que la maison de terre sur la terre était vôtre, on plantait dans le sol un clou de fer. Ainsi fera ce livre anonymement déposé. Il se peut qu’un de ces jours je reprenne mes photos, j’ai un peu poussé sur les curseurs Lightroom, mais ça fait de l’effet : c’est contre la banalité apparente du réel qu’on intervient. L’exagération des couleurs pour faire émerger le crime accompli en commun. Excuse : entre deux averses, ça ne rend pas les ciels faciles. Puis j’ai la cosse, c’est long les photos.

 

ce que le rond-point voit de la ville


 

le rond-point vu depuis ce qui l’entoure


 

intérieur du rond-point, Google Earth et vidéo


 

 

livre lu

responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 septembre 2014
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