14.01.21 | vos morts plus beaux, portés au cou

un commerce prospère, celui de la fabrique de diamants à partir des cendres de défunts | source : La Dépêche & div.


1 _ COMPRESSION

On vous précisait tous les détails techniques : que ça marchait aussi avec des cendres de chien, et qu’avec la cendre d’un défunt on pouvait réaliser plusieurs diamants. On vous précisait bien aussi que pour vous offrir votre mort en transparence on ne gardait de lui que le carbone (mais nous n’étions pas que carbone), et que ce carbone filtré et épuré (mais étions-nous si purs ?) passait ensuite dans une presse à 60 000 bars et 1600 degrés d’où on récoltait ces cailloux bleutés, et à vous de faire ce que vous en vouliez. Si ce commerce devenait si prospère et les publicités des fabricants, est-ce parce que les cimetières décidément ne nous convenaient plus, ou simple projection assez kitsch dont il était simple de profiter (on disait que la plupart des clients les faisaient tailler en coeur et le portaient sur une bague) ? Et que de dire ce fantasme, dans l’argument mercantile, de faire tenir tout son corps dans votre main ? Mais bon, business is business.

 

2 _ RENVERSE

On avait assez d’usines vides à ne rien faire – et ce petit commerce du mort transformé en caillou transparent était répugnant. Alors on avait installé une presse par ville, directement au débouché des installations crématoires. On avait pas mal de simplicité administrative à reconquérir : ces urnes immatriculées comme les voitures, ces empilements de cendres durcies. Maintenant, un coup de presse, un coup de chauffe, et vous repartiez directement avec le mort caillou. Un peu de résine ou de vernis, vous en faisiez quelque chose de très joli. Vous souhaitiez porter vos morts sur vous en collier (parce qu’à mesure que vous avancez en âge ils sont nombreux, vos morts), possible. Vous partager les bijoux en famille, un chacun, à poser sur un beau cendrier de verre dans le salon ou au mur délicatement scellé sur un velours violet : possible. Les cimetières : quand on arrivait dans la ville, la nuit, délicatement réfléchie sous la lune ou les éclairages des tours, cette pyramide transparente, bleutée, qui semblait un élancement de perles (et le beau bruit qu’y faisait le vent, comme leur propre murmure venu de tous leurs âges). On parlait de ces nouveaux nomades, changeant de villes comme ils changeaient de vie, emmenant avec eux les petits cailloux de leurs morts...

 

3 _ SOURCE


 LIBÉRATION

 LA DÉPÊCHE


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 21 janvier 2014
merci aux 1298 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page