Cergy | #training, les mots du numérique

école nationale supérieure d’arts Paris/Cergy, studio création littéraire


Le numérique a quasi disparu comme spécificité parmi les étudiants, tant il est la matière, la propulsion, le vecteur d’information et production au quotidien.

Ce n’est pas en tant qu’il interfère avec cette création qui se cherche, qu’il m’intéresse : l’usage se suffit à lui-même – c’est en tant que la langue et le mental qui nous permettent de nous représenter à nous-mêmes nos usages numériques est ancrée dans le temps qui les précédait.

Ce qui compte, ici, n’est pas d’avancer dans une compréhension du numérique : c’est fait, et souvent avec quelle virtuosité, quelle agilité, quelle confiance. La question est celle d’une mise à niveau de la langue.

Je propose donc, pour ce training auquel chacun peut s’exercer seul, mais dans la condition de respecter strictement les étapes de la consignes proposée, une démarche en 5 temps. Dans l’idéal (dans la séance réelle), on donne les 5 points un par un, donc sans que l’étudiant sache le suivant, mais ce serait trop long à programmer ici, donc à vous de faire semblant :

 1/5, établir une liste des 25 mots qui comptent pour nous le plus dans nos usages numériques personnels ;

 2/5, en retrancher 10 aux 25 (les plus faibles, les plus contigents, les noms de firmes) ;

 3/5, construire 3 micro-récits, de l’aphorisme au dialogue, à la proclamation, à la confidence, chaque micro-récit étant l’assemblage binaire ou l’opposition de 2 syntagmes, le premier de ces syntagmes incluant obligatoirement 2 des mots de la liste précédente, le second un autre de cette liste ;

 4/5, comprimer ou résumer ou densifier ou abstractiser au moins un de ces trois micro-récits pour le rendre twittable en 140 signes, sous forme d’une conférence ou d’une adresse (ou d’un cours) ;

 5/5, chacun a droit comme joker d’ignorer un et un seul des 4 points précédents (ignorer celui-ci est possible aussi, mais alors totalement inefficient !).

On précise qu’une attention particulière peut et doit être portée au rapport du numérique à la société.

Ci-dessous mon propre compte rendu de séance, sous forme de reprise narrative, tele que librement retwittée à mesure de l’écoute. On peut bien sûr déposer son propre exercice en commentaire.

FB

 

les mots du numérique sont aussi une histoire numérique


 créer des réserves pour les intellectuels a-connectés, dit cet étudiant avec quelque justesse

 le manque de politesse à refuser les outils de la langue comme regard et action, dit cet étudiant avec quelque justesse

 dans le face à face avec l’autre, le dialogue des données t’augmente, dit cet étudiant avec quelque justesse

 l’algorithme est la pensée sur laquelle la langue chuchote, dit cet étudiant avec quelque justesse

— chuchote ou murmure, demandai-je ? — mute et mure, répond l’étudiant avec quelque justesse

 la main qui dessine et l’oeil qui voient sont pareillement requis dans le transparent de l’écran, dit cet étudiant avec quelque justesse

 la trace de l’expérience commune devient expérience de la trace commune, dit cet étudiant avec quelque justesse

— tu as lu Blanchot demandai-je — l’entretien infini qu’est le web, dit l’étudiant avec quelque justesse

 sur l’écran, langue web naît sans griffure nu brûlure, dit cet étudiant avec quelque justesse 1/2

 2/2 mais c’est ainsi que l’écran dit nos griffures et brûlures au toucher et voir du monde, continue l’étudiant avec justesse

 je déchiffre et réorganise le monde avec les outils par lesquels je le perçois, dit cet étudiant avec quelque justesse 1/2

 2/2 je ne m’inquiète pas de leur pérennité ni de leur provisoire : je suis d’un temps mobile, dit cet étudiant avec quelque justesse

 le changement, de votre âge au nôtre, c’est que pour nous la trace est en avant, dit gentiment cet étudiant

 si l’outil est le nuage, la preuve du nuage c’est ce qu’il en pleut, dit cet étudiant avec quelque justesse

 il vous faudrait peut-être juste un ennemi à votre mesure : les inconsistants et incontinents ne comptent pas, me dit genriment cet étudiant

 la dureté de la chose numérique est précisément que nous devions la porter à corps, dit cet étudiant avec quelque justesse

 tout récit se murmure d’abord au dedans : quel que soit la taille de l’écran, il n’est que le soupirail à vous réservé, complète l’étudiant

 le cri, comme le bronze ou l’affiche ne sont en numérique que des invariants d’échelle, dit cet étudiant avec quelque justesse

 les mots du numérique sont aussi une histoire numérique


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 24 septembre 2013
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