la Terre est morte à Buffalo | la ville naît de la boue

autour de la ville, les trous d’où on la prenait


Hommes qui marchiez sur la terre noire, hommes qui mangiez ces boues noires, hommes venus là pour malaxer le bitume et le sol spongieux organique et lourd d’essences riches d’où extraire, raffiner, élaborer jusqu’à ce que cela explose, jusqu’à ce que cela donne aux hommes leurs armes contre les autres hommes : vos établissements d’hommes vous les aviez implantés à même là où vous marchiez, avec vos prothèses d’acier, vos baraques et vos tentes, où on désenfouissait les vieilles terreurs en noir, en orange, en bleu, avec les verts du minerai de cuivre et les blancs des alumines et la rouille vieille du fer à même cette terre qui s’effrite quand serrée dans la paume – hommes, vos couleurs pour repeindre la ville, en boucher les failles et fissures, en colmater ces brèches froides où plus rien n’est humain de ce qui traverse les hommes, il y avait donc ces poches de bleu, orange, rouille, brun et du noir le plus noir, où vous alliez chaussés de bottes, où vous enfonciez vos camions, faisiez grincer vos machines : ainsi gagne-t-on sa vie dans la ville, dans les poches noires près des eaux opaques, où rien ne ressemble à la terre qu’on exhume dans les travaux sous la ville, ni la terre qu’on soulève là où on porte les corps et c’était, tout cela, dans le secret des toits à l’horizontale, dans votre mutité au soir, reprenant qui le train, le bus, la voiture et cheminant à nouveau dans l’infini anonyme qu’à nous tous nous sommes.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 4 mai 2010
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