la Terre est morte à Buffalo | le tourne-en rond

tromper le souci d’échapper à la ville


Qui vous empêchait de sortir de la ville ? Mais c’était l’obstacle, ici : la distance qui séparait les villes. Des avions vous emportaient au soleil, avec d’autres gens de la ville – on n’était pas perdu, c’est juste que l’horizon changeait. Ne pouvait-on changer d’horizon dans la ville même ? C’est l’envie de partir, parfois, qui manquait. On n’en était pas forcément plus à l’aise. Oui, partir, oui, rompre, oui, échapper. Le temps, parfois, trop prisonnier de sa propre semblance – plaisirs prévus, attractions de commande, recommencement du travail, et à la maison quoi faire. Alors on venait à son tour au tourne-en-rond. On avait aussi, en périphérie, des circuits – mais pour le défoulement. Karting, voitures de course, aéroplanes à moteur ou non, course à pied, pistes d’entraînement, moto de cross : qui, dans la ville, aurait laissé inutilisée une idée quelconque de commerce ? Ce qui différenciait le tourne-en-rond, d’abord, c’est qu’on n’y circulait pas facilement : on s’y insérait dans la vie ordinaire, un quartier pas si différent du vôtre. Il fallait faire attention aux routes entrantes, aux rues croisantes. Puis, au bout d’un temps indéterminé, on le vérifiait bien : l’illusion de rouler droit, d’aller hors des limites de toute ville, vous avait ramené à votre point de départ. On venait là, en voiture, dans les coups de tristesse. Parfois, on ne faisait pas exprès : on avait roulé, on pensait à autre chose, le temps s’évasait et voilà, vous étiez dans le tourne-en-rond. Rare qu’on y reconnaisse quelqu’un : à tourner dans le même sens ou s’y croiser, difficile de faire connaissance. On disait cependant qu’à telle halte, avec de l’essence et des boissons, cela s’était souvent produit – qu’on ne les revoyait plus, ceux-là, dans le tourne-en-rond du quartier nord ouest.

 


 RETOUR SOMMAIRE

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 7 mai 2010
merci aux 313 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page