Formes d’une guerre | il n’y aura pas

dédain des formes mortes


version 4 (Poitiers, 3 juin 2011 – ce texte est chaque fois le dernier du spectacle)


Il n’y aura pas plus de personnage, il n’y aura pas plus d’intrigue, il n’y aura pas plus d’entrée ni de sortie, il n’y aura pas d’effets, ni de petites phrases toutes jolies, il n’y aura pas ça se passe ici, il se passe ça, c’est en tel pays telle époque et il s’appelle Untel.

Il n’y aura pas de livre à poser tranquillement sur la table après lire, il n’y aura pas de visage en gros plan mais qui n’est qu’illusion maquillage, il n’y aura pas le petit détail qui fait vrai ni la marque des voitures.

Il n’y aura pas le début ni la fin et la coupe claire des chapitres.

Il y aura ces odeurs qui sont celles des villes dans la peur et l’attente.

Il y aura ces bruits qui sont la violence des hommes incapables de sortir de leur violence de parole et de fait.

Il y aura ces routes qu’on a prises et n’ont pas eu d’issue.

Il y aura toutes ces pièces vides qui sont celles où on a attendu.

Il y aura parler et le verbe parle, il y aura dire et le verbe dire, il y aura croire et le verbe croire, il y aura toucher et on touche, il y aura crier et on crie, il y aura et souffrir et rire et hurler et danser – mais dans les mots.

Il y aura encore s’en aller, il y aura encore partir.

Il n’y aura pas le type qui vous raconte gentiment l’histoire, il n’y aura pas l’auteur qui s’est mis à la table pour vous l’écrire, l’histoire, il n’y aura pas les photographies toutes unies et toutes simples : les photographies sont un monde où le monde se décompose, pour que les hommes et les villes trouvent un peu de leur vérité – et elle est pour chacun arbitraire.

Il n’y a pas dans la vie le mot humour obligatoire en quatrième de couverture, et les adjectifs original ou limpide, les mots émotion et action.

Il n’y aura pas il n’y aura plus le temps qu’on passe gentiment à écouter et regarder.

Il n’y aura pas il n’y aura plus l’énième variation sur crime, tant c’est beau le crime quand il est de papier.

Il n’y aura pas il n’y aura plus dans la phrase de sujet verbe complément et ça vaut pour les images comme ça vaut pour les petites musiques rangées d’avance.

On n’en veut plus des visages bouffis luisants en gros plan sur les téléviseurs et dans les journaux : les voix sont à l’intérieur de vous, les voix sont une foule, les voix sont anonymes et les noms une galerie folle de noms qui brûlent.

Il y aura encore mais très peu le bavardage raisonné qu’on entretient avec ses semblables, il y aura encore mais très peu les photos qu’on fait de soi à bout de bras ni les trois accords gentils qu’on a repris de la chanson à la mode – il y aura le poème qui souffre et hurle il y aura les images qui se fondent et dansent il y aura les musiques qui obsèdent et vous abandonnent à vous seuls.

Il y aura encore les mots et leur enchaînement de fer il y aura encore la phrase et sa mécanique gouffre il y aura encore l’absorption terrible dans les images et les sons qui sont les images et les sons arrachés à la peau du monde parce que notre peau est la peau du monde.

Il n’y aura pas cesser il n’y aura pas renoncer.

Il y aura ceci, ici, maintenant.

version 3 (Montbéliard, 8 décembre 2010)


Il n’y aura pas de personnage, il n’y aura pas d’intrigue, il n’y aura pas d’entrée ni de sortie, il n’y aura pas d’effets, ni de petites phrases toutes jolies, il n’y aura pas ça se passe ici, il se passe ça, c’est en tel pays telle époque et il s’appelle Untel.

Il n’y aura pas de livre à poser tranquillement sur la table après lire, il n’y aura pas de visage en gros plan mais qui n’est qu’illusion, il n’y aura pas le petit détail qui fait vrai ni la marque des voitures.

Il n’y aura pas le début ni la fin et la coupe claire des chapitres.

Il y aura ces odeurs qui sont celles des villes dans la peur et la mort.

Il y aura ces bruits qui sont la violence des hommes incapables de sortir de leur violence de parole et de fait.

Il y aura ces routes qu’on a prises et n’ont pas eu d’issue.

Il y aura toutes ces pièces vides qui sont celles où on a attendu.

Il y aura parler et le verbe parle, il y aura dire et le verbe dire, il y aura croire et le verbe croire, il y aura toucher et on touche, il y aura crier et on crie, il y aura et souffrir et rire et hurler et danser – mais dans les mots.

Il y aura s’en aller, il y aura partir.

Il n’y aura pas le type qui vous raconte gentiment l’histoire, il n’y aura pas l’auteur qui s’est mis à la table pour vous l’écrire, l’histoire, il n’y aura pas les photographies toutes unies et toutes simples : les photographies sont un monde où le monde se décompose, et les hommes et les villes trouvent leur vérité.

Il n’y aura pas le mot humour obligatoire en quatrième de couverture, et les adjectifs original ou limpide, les mots émotion et sensation.

Il n’y aura pas il n’y aura plus le temps qu’on passe gentiment à écouter et regarder.

Il n’y aura pas il n’y aura plus l’énième variation sur crime, tant c’est beau le crime quand il est de papier.

Il n’y aura pas il n’y aura plus dans la phrase de sujet verbe complément et ça vaut pour les images comme ça vaut pour les petites musiques rangées d’avance.

Il n’y aura plus les sages visages aperçus dans les journaux – les voix anonymes sont à l’intérieur de vous une galerie folle de noms qui brûlent.

Il n’y aura pas le bavardage raisonné qu’on entretient avec ses semblables, il n’y aura pas les photos qu’on fait de soi à bout de bras ni les trois accords gentils qu’on a repris de la chanson à la mode – il y aura le poème qui souffre et hurle il y aura les images qui se fondent et dansent il y aura les musiques qui obsèdent et vous abandonnent à vous seuls.

Il y aura encore les mots et leur enchaînement de fer il y aura encore la phrase et sa mécanique gouffre il y aura encore l’absorption terrible dans les images et les sons qui sont les images et les sons arrachés à la peau du monde parce que notre peau est la peau du monde.

Il n’y aura pas cesser il n’y aura pas renoncer.

Il y aura ceci, ici, maintenant.

 

version 2 (15 avril 2010)


il n’y aura pas de personnage, il n’y aura pas d’intrigue, il n’y aura pas d’entrée ni de sortie, il n’y aura pas d’effets, ni de petites phrases toutes cuites ni toutes crues, il n’y aura pas ça se passe ici, il se passe ça, c’est en tel pays telle époque et il s’appelle Untel

il n’y aura pas de livre à poser tranquillement sur la table après lire, il n’y aura pas de visage en gros plan mais qui n’est qu’illusion, il n’y aura pas le petit détail qui fait vrai ni la marque des voitures

il n’y aura pas le début ni la fin et la coupe claire des chapitres

il y aura ces odeurs qui sont celles des villes dans la peur et la mort

il y aura ces bruits qui sont la violence des hommes incapables de sortir de violence

il y aura ces routes qu’on a prises et n’ont pas eu d’issue

il y aura ces pièces vides qui sont celles où attendre

il y aura parler et le verbe parle, il y aura dire et le verbe dire, il y aura croire et le verbe croire, il y aura toucher et on touche, il y aura crier et on crie, il y aura et souffrir et rire et hurler et danser

il y aura s’en aller, il y aura partir

il n’y aura pas l’article qui vous raconte gentiment l’histoire, il n’y aura pas l’auteur qui s’est mis à la table pour vous l’écrire, l’histoire, il n’y aura pas les promesses en glacé sur la couverture, avec l’humour et le singulier, l’original et le limpide

il n’y aura pas il n’y aura plus le temps qu’on passe gentiment dans les pages

il n’y aura pas il n’y aura plus l’énième variation sur crime

il n’y aura pas il n’y aura plus le sujet verbe complément et la petite musique rangée d’avance

il y aura encore les mots et leur enchaînement de fer il y aura encore la phrase et sa mécanique gouffre il y aura encore l’absorption terrible dans les images qu’on hurle

il y aura ce qu’il disait, l’autre : frapper la matière

il n’y aura pas ranger soigneusement le livre sur la pile et se demander quoi faire ensuite – on préfère ces grandes dérives d’imaginaire, et tant pis pour le prix qu’en amont on les paye

il n’y aura pas le bavardage raisonné qu’on entretient avec ses semblables : les livres qui hurlent vous abandonnent à vous seuls

il n’y aura plus les sages visages aperçus dans les journaux – les voix anonymes sont à l’intérieur de vous une galerie folle de noms qui brûlent

il n’y aura pas cesser il n’y aura pas renoncer

il y aura écrire

 

version 1 (20 novembre 2009)


il n’y aura pas de personnage, il n’y aura pas d’intrigue, il n’y aura pas d’entrée ni de sortie, il n’y aura pas d’effets, ni de petites phrases toutes cuites ni toutes crues, il n’y aura pas ça se passe ici, il se passe ça, c’est en tel pays telle époque et il s’appelle Untel

il n’y aura pas de livre à poser tranquillement sur la table après lire, il n’y aura pas de visage en gros plan mais qui n’est qu’illusion, il n’y aura pas le petit détail qui fait vrai ni la marque des voitures

il n’y aura pas le début ni la fin et la coupe claire des chapitres

il y aura ces odeurs qui sont celles des villes dans la peur et la mort

il y aura ces bruits qui sont la violence des hommes incapables de sortir de violence

il y aura ces routes qu’on a prises et n’ont pas d’issue

il y aura ces pièces vides qui sont celles où attendre

il y aura parler et le verbe parle, il y aura dire et le verbe dire, il y aura croire et le verbe croire, il y aura toucher et on touche, il y aura crier et on crie, il y aura et souffrir et rire et hurler et danser

il y aura s’en aller, il y aura partir

il n’y aura pas l’article qui vous raconte gentiment l’histoire, il n’y aura pas l’auteur qui s’est mis à la table pour vous l’écrire, l’histoire, il n’y aura pas les promesses en glacé sur la couverture, avec l’humour et le singulier, l’original et le limpide

il y aura écrire

 

photo : Québec, usine à papier


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1ère mise en ligne et dernière modification le 3 juin 2011
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