Stones, 45 | on avait du rock français : les Variations

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


Ceci ne concerne pas les Rolling Stones, mais nous concerne nous, qui les écoutions, et c’est au même endroit, c’en est encore une des figures. C’était peut-être notre lien même aux Rolling Stones qui s’y jouait.

Les nappes de souvenirs ne se préoccupent pas de linéarité, ni de chronologie – elles se recouvrent, se confondent ou s’ignorent. Les événements politiques du printemps 1968 n’interfèrent pas avec la durée propre de ceux qui concernent la musique.

Nous écoutions le pop anglais depuis au moins trois ans. Il nous manquait une figure pour que l’identification soit parfaite : nous n’étions pas des enfants de Londres, Birmingham ou Liverpool. Le chemin du destin, qui les avait saisis là-bas, nous laisserait donc de côté ?

Et puis vinrent les Variations. Sans doute qu’il devait y en avoir eu d’autres avant, d’autres en même temps, qu’il y en aurait d’autres après, à Bordeaux par exemple, ou les Thugs à Angers.

Simplement, avec les Variations tout d’un coup on savait qu’on avait le bon numéro. Ils avaient tout. Et ils pouvaient tenir le rôle à notre place : avec eux c’était gagné, c’était nous en eux, et c’était au même niveau, au même endroit. Et ils jouaient la bonne musique, celle de là-bas, reprise au rouge, mais avec leur manière aussi un peu douce, un peu traînante et saturée. Il ne s’agissait pas de ressembler ni de refaire, il s’agissait de le faire en tant que nous-mêmes, et ça s’appellerait rock français juste pour qu’on soit dans la grande charrette monde avec tous les autres.

On apprendrait en quelques semaines leurs noms. Marc Tobaly avait cette élégance de guitare qui appartenait aux grands de là-bas, il jouait plein son et avec des biscotteaux, Jo Leb rugissait sous une tignasse parfaite, le bassiste on lui laissait son surnom, Petit Pois, pour que ça soit comme un copain, et le batteur qui avait pour nom Jacky Bitton c’était pour marquer au fer rouge le made in France.

Est-ce que c’était trop tard ? Ils ont tout fait comme il faut. Les tournées au Danemark comme les Led Zep d’avant le premier disque, et la première partie du Led Zep (ou de Johnny) parce que c’est la bonne école. Ils sont allés à Londres se mesurer aux studios d’origine, puis aux États-Unis enregistrer.

Et même là, dans ces quelques notes, l’énoncé de leurs noms, ou chuchoter intérieurement celui du groupe, c’est ce feulement qui revient, et cette fraternité dont pourtant ils ne savaient rien.

On savait tout ça, et leur 45 tours Come along, en mars 1969, venait d’un coup faire le basculement officiel : un vrai succès, à la taille des autres, une preuve. Ce début 1969, on avait le premier Led Zep, le Double Blanc des Beatles, et compile des Sones Through The Past Darkly avec la pochette en hexagone.

Je le réécoute pour la première fois ce matin. L’oreille se souvient de tout, le moindre éclat de riff, et quand j’écoute beaucoup d’images reviennent, à distance, insaisissables.

Et puis tout cela s’effriterait. Le départ du chanteur c’était un coup de bistouri sur le groupe lui-même. C’est une alchimie : si le groupe est ensemble, nous on peut se joindre. Si ça se défait, c’est nous qui sommes abandonnés les premiers.

Est-ce que ce qui manquait c’était juste un effet d’échelle : le facteur quantitatif qui sépare les publics anglophones des publics francophones ? Question qui me hante lourdement pour le livre numérique.

Marc Tobaly a continué, voir son site web et la façon dont il présente son autobiographie. Quant à cette apparition télévisée, c’est tout le contexte qui revient avec eux.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 6 septembre 2012
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