Stones, 42 | Eighty One Flight Rock (Hampton)

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


Merci aux fidèles qui m’ont accompagné tout cet été. La contrainte de l’écriture quotidienne est toujours positive, ça m’a embarqué ailleurs qu’où je croyais, et sous des formes différentes de ce que je croyais. Ça donne d’ailleurs des idées, on en reparlera en octobre.

Il me reste une poignée de textes à composer, le point d’arrivée aux 50 est très précis et déjà écrit. Mais grosse besogne de rentrée, notamment pour publie.papier, ça se fera non plus au rythme quotidien mais comme ça, au gré d’une vraie envie de réaliser, et de pas boucler trop vite non plus.

Comme vous le savez probablement, les Stones étaient à Paris en studio la semaine dernière (et, accessoirement, que Wyman n’y était pas, alors qu’ils ont paraît-il répété ensemble en juillet). Quoi pour faire on ne sait pas encore, mais probablement une annonce imminente. Cela irait jusqu’au concert ? En tout cas, s’ils ont fait long feu pour le 12 juillet, il semble bien qu’une annonce soit dans l’air...

Au cas où : comme j’ai tout écrit ici dans Tiers Livre, finalement, mes domaines stones50.com et rolling50stones.com sont à vendre – faut vivre !, m’écrire si intéressé.

 

Et pourtant, qu’elle avait mal commencé, cette année 1981. On en tirerait presque la conclusion que la brouille qui séparera pour 3 ans Mick et Keith, de 83 à 86, avait déjà commencé, que ce n’était plus rattrapable. En même temps, comme une assomption : parce qu’ils surplombent l’abîme à venir, une musique euphorisante, une technique comme jamais (et même : jamais plus).

Sans savoir à quoi ça tient. Peut-être à la nature même des musiques, le retour à la rapidité nerveuse grâce à Tattoo You, album desséché, raclé, où Start Me Up donne la couleur à l’ensemble. Peut-être à l’évolution même des techniques, sur la scène, le progrès des guitares ultra-légères et faites spécialement pour eux, ou les micros HF, je ne sais pas.

En tout cas, que l’année commence mal... Même s’ils se sont retrouvés pour des vacances à la Barbade en février, Mick avec Jerry, Keith avec Patti, en avril et mai c’est quasiment seul que Mick, avec Bob Clearmountain, procède au mixage de ce qui va devenir Tattoo You. Un album complet des Rolling Stones sans qu’ils se soient retrouvés pour rien enregistrer de neuf. Des maquettes qui datent soit de Some Girls, soit du pauvre Emotional Rescue, un creux de vague, qui explique peut-être la difficulté à retendre les fils. Des maquettes hétéroclites, auxquelles il faut rajouter des éléments, ce dont Richards s’acquitte de mauvaise grâce. Explication : It started to seem a bit chaotic. In actual fact, Mick pulled it all together. He did a great job in organizing it. It was up to Mick because it was Mick’s contributions that weren’t recorded. What was missing ws Mick’s normal contribution to a Rolling Stones track - the vocals. Traduction : tout est de la faute de Mick qui ne se pointait pas aux répétitions, le boulot qui manque c’est ce qu’il aurait dû faire et qu’il n’a pas fait.

Sauf qu’ils ne supposent pas que ce morceau enregistré une première fois en 75 à Munich, puis repris en 78 à Paris, et laissé tel quel dans les placards à vieille bande, deviendra sous le nom de Start Me Up un succès comme ils n’en ont connu que trois à cette échelle, Satisfaction, Jumping Jack Flash, Brown Sugar.

Le désaveu de Richards est manifeste. Le 24 mai il convoque à New York par télégramme Watts, Wyman et Wood. Mais quand ils arrivent, le 26, lui il n’est plus dans son appartement new yorkais, mais parti en Floride. Jagger fait écouter à Watts et Wyman là où il en est de Tattoo You. Le 29, arrivée de Wood (que Richards avait prévenu de son absence le 26 ?). On doit planifier la tournée, préparer le matériel promotionnel. Le 5 juin, Bill Wyman excédé repart en Angleterre. Le 7, en pleine nuit, un Watts ivre-mort l’appelle pour lui dire que les Stones c’est fini, qu’il ne supportera plus d’être traité comme ça, qu’il ne participera pas à une nouvelle tournée.

Quelles tractations, quelles pressions, pour qu’un mois plus tard, les 28 et 29 juin, ils soient tous autour d’une table, et filment les clips vidéo d’accompagnement, puis annoncent les 30 concerts de la tournée ?

Le miracle sera peut-être dû à Albert Grossmann, le producteur historique de Dylan et Janis Joplin, qui a transformé son domaine de Woodstock en lieu à louer pour musiciens, avec espaces de vie protégés et scène grandeur réelle pour répéter. Ils vont y rester 6 semaines. Pas de choeurs, mais juste Ian McLagan l’ex Small Faces au piano avec Stu qui jouera tous les rocks, et le saxophoniste Ernie Watts pour essayer de faire oublier Bobby Keyes tricard. Quand on n’a pas joué ensemble depuis 2 ans, il faut tout réapprendre. Et ils s’ouvriront à un concept qui va leur rafraîchir le plaisir, et deviendra celui des prochaines tournées, avoir à disposition une cinquantaine de morceaux, et pouvoir chaque soir, en chaque ville, décider au dernier moment lesquels on va jouer. Ce que dit très bien Watts : ...for something like eight to twelve hours a night. It took six weeks to do it this time. We just play virtually everything we know. You’ve got to remember that with our band the way it is NOW, this is NOT how it was when we first started. Now we don’t work live sometimes for a year... With the Rolling Stones you keep your chops going, really. The rehearsals are to learn songs but it’s also to... well, the way I do it is just to get things together to play. Ajouter avec respect que Bill Wyman s’est acheté son premier ordinateur et qu’il y passe ses heures non requises.

Ainsi, dans les perles que contiennent les 4 CD bootlegs dits Woodstock Tapes, avec pour se chauffer de vieux rocks basiques comme Sweet Litlle Sixteen ou Something Else (seul enregistrement connu ?), cette version dépareillée de It’s Only Rock’n Roll, alors qu’ils ne le reprendront pas sur scène cette fois-ci.

Woodstock Tapes, It’s Only Rock’n Roll (rehearsal)

Le 1er septembre, apparition surprise à Worcester, tout près d’où habite maintenant Keith. Tiens, je n’ai pas ce bootleg-là (appel à la populace...). Puis l’Amérique, avec Buffalo pour lancer, 2 fois Chicago, et une pleine semaine à L.A.

L’album qui suit la tournée, avec une pochette médiocre, et un titre ambigu, Still Life : « nature morte », ou « encore vivant » ?, fait à la manière de l’époque, bien rustiné d’overdubs, ne rend pas compte de la tournée, parce qu’il manque la sauce, que nous redonnent les bootlegs. Ainsi, dans le Hampton 81, ces curieuses onomatopées que lance Jagger avant chaque morceau (shoubidou avant Shattered) pour se mettre dans les rails. Ou la petite chanson happy birthday to you quand dans le band announcement il arrive à Richards. Ou quand, une fois de plus, avant de lancer le Welcome Virginia, il fait semblant de ne plus se souvenir de la ville et lâche toutes celles de la tournée...

J’avais au moins 3 bootlegs de cette tournée (dont la fois, à Dallas ?, où Mick Taylor les rejoint sur scène pour 3 morceaux et que Richards lui tourne ostensiblement le dos, vexé que l’autre se la joue vieille gloire, comme s’il y avait une autre vieille gloire que lui-même.

Pour ce 50ème anniversaire, Jagger a prouvé sa compréhension d’Internet en lançant ce site StonesArchive.com avec une suite de concerts historiques, (Brussels Affair 73 raclé à l’os, L.A. Friday 75 noir et rauque, à télécharger pour 7€ seulement. Laissez-vous aller pour Hampton 81. Une sorte d’euphorie de fin de tournée. Mais, avec 30 concerts derrière, jamais ils n’ont été aussi synchro : écouter le travail de Ron Wood en soubassement rythmique de la guitare de Keith. Si ses solos sont toujours aussi prévisibles, ce travail-là fait comprendre la réelle machine rythmique des Stones. Et comment Bill Wyman, avec un son à sa mesure, est un grand bassiste – l’écouter dans Twenty Flight Rock :

Hampton 1981, Twenty Flight Rock

Comprendre aussi qu’un des éléments-force des Stones, c’est la possibilité qu’à tout moment ça se plante, même à cette échelle. Dans Black Limousine, double CD historique mais qui compilait plusieurs concerts, toutes les intros sont réussies. Mais comparez, ci-dessous, la mise en route de Keith dans le Under My Thumb de Hampton, par rapport à celle de Black Limousine : objectivement ratée, et plus Keith essaye de se rattraper, plus il se plante, au moins jusqu’au plein accord à 1’’48 – mais après, évidemment, c’est Keith...

Under My Thumb, intro réussie
Under My Thumb, intro de Hampton...

Et pour la fin, ajoutons ce type qui, dans le bis de Satisfaction, dans le délire des baudruches grimpe sur la scène et s’en prend à Jagger, se prendra (à 1’08, mais vaut le coup d’être regardé entier) la Fender de Keith en pleine poire avant qu’il recommence à jouer. Rock’n roll is on the road, folks... Allez, l’année finit pour les Glimmer Twins mieux qu’elle n’a commencé, je vais bien vous retrouver ça sur You Tube et moi j’écrivais mon premier livre. Une belle page de photos ici pour Hampton.


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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 août 2012
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