Stones, 32 | Mick Jagger et Carrefour à votre service

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


Quelquefois, dans les pelotes difficiles à démêler, on peut prendre un seul fil et tirer, un certain nombre de ramifications vont surgir.

Par exemple, résumons crûment : le marché du CD a décru de moitié en dix ans. Dans l’économie d’un groupe comme les Rolling Stones, et la trentaine de sociétés que cela représente (un certain nombre à Amsterdam pour raisons fiscales, d’autres à New York ou aux Bahamas), les droits dérivés entrent quasiment pour un tiers, et ce n’est pas spécifique aux Stones.

Cela n’empêche pas de le faire intelligemment : par exemple, en lançant cet hiver le site StonesArchives, avec téléchargements de concerts entiers pour 7 dollars (exceptionnel Brussels Affair 73, magnifique Hampton 81, violent L.A. Friday 75, tous remixés) : Mick, son iPad sur les genoux, a compris l’économie du web. Avec rançon pour nous : les droits vendus à Allen Klein restant détenus par ABKCO pour jusqu’à 1971, les perles et trésors des Stones première période c’est toujours nos échanges sous le manteau.

Ce qui vaut pour les Stones vaut pour les grandes compagnies : la riche Universal achète à bon compte les droits dérivés de Michael Jackson quand il est aux abois pour procès, investissement dormant. Quand il meurt, c’est l’explosion. Quoi faire des bénéfices ? On offre une somme correcte aux Rolling Stones, durs en affaire mais qui ne savent pas trop commercialiser ce marché spécifique, et hop, quelques gigas à télécharger, on peut y aller. Réservez pour Maïté, comme on dit en cuisine.

Il n’y a pas d’a priori Rolling Stones sur la pub de consommation. Lors de la première tournée américaine, devant les salles vides, avec l’hostilité générale, ils enregistrent un Rice Crispies de 27 secondes pour les céréales Kellogs, vous l’avez ci-dessus si vous ne connaissez pas, morceau d’anthologie. On se fera sponsoriser par les amplis Vox, une autre période c’est la firme Chrysler qui leur offre des 4x4, ou Kodak des caméras Super 8. Il y a aussi ces jouets en plastoc, un kazoo pourquoi, mais un harmonica qui fait des vraies notes, c’est collector aussi.

Plus tard, à notre grande surprise, Mick autorisera Bill Gates à utiliser Start Me Up : on peut difficilement penser que c’est l’appât du gain. Un contact direct entre les deux hommes ? Ils sont assez complexes et atypiques tous deux pour ne pas l’exclure : à ce niveau, quand on se croise, on se trouve.

Mais bon : en mars dernier, alors que tout bruissait des fastes du 50ème anniversaire des Stones (on croyait sérieusement qu’ils se rabibocheraient pour un concert ou une tournée, c’est en cours, mais pas gagné), Universal couvre les murs du métro parisien de gigantesques affiches où les Stones se mettent au service d’un épicier bas prix. Là non.

J’ai sur le coeur la façon dont j’ai été traité cet hiver par la compagnie Universal, aussi cynique que tout coffre-fort culturel. Maison qui m’était indifférente malgré quelques copains artistes chez eux (ils leur trouvent des soirées privées grassement rémunérées, ça compense l’écroulement du disque), convoqué en décembre dans leurs kitchs et fastueux locaux près du Panthéon pour un projet qui paraissait plus qu’intéressant, qui impliquait qu’on lâche tout le reste pour s’y coller quatre mois durant (je l’ai fait – en plus, quelle plaie cette réunion, tous les trains avaient été supprimés à cause de l’agression grave d’un contrôleur, compte tenu de l’enjeu financier, à mon échelle de père de famille saltimbanque, j’avais fait l’aller-retour en voiture), projet pour pour lequel ils prétendaient disposer de l’aval des Stones eux-mêmes et puis quand ça se révèle du toc même pas un mail gentil ni un petit coup de fil d’excuse [1]. Soit ce M. Pascal Nègre est mal entouré, soit éduquer à la goujaterie fait partie de son managering, c’est très moderne – il faut dire que de leur hauteur un plumitif ça doit leur sembler quelque chose du genre prestataire de nettoyage, la dame qui vient à 5h du mat et repart quand eux ils arrivent. Il ne faut pas que ce soit trop littéraire, hein, déjà c’était leur grande peur.

Donc c’est tout pour aujourd’hui, mais c’est quand même à rechercher : utiliser les images et logo sous copyright Universal, parce que rachetées en lot aux Stones avec le bénef de la mort de Michaël Jackson, et les refourguer à un épicier en gros qui veut s’afficher dans le métro, est- ce que c’est (mais ce serait la première fois) que Mick aurait laissé un trou dans le contrat, possibilité de brader l’imagerie Stones sans son autorisation explicite au cas par cas, ou bien qu’ils lui ont fait avaler la couleuvre en lui montrant le chèque et lui dissimulant que c’était pour vendre des boîtes de cassoulet et des surgelés sans marque ? Doit l’avoir amer, Mick qui sait tout de ce qui les concerne et se venge froid, tant pis pour M. Nègre.

[1En reste quand même une amitié, E. B-C., et la fabuleuse permission, pendant plusieurs semaines, d’un accès direct au catalogue de toutes les agences photographie de presse. Probablement d’ailleurs que la démarche de ce feuilleton, sous une forme proche de ce qui s’écrit ici au jour le jour, aurait été la base de la proposition pour l’application iPad accompagnant le livre de goodies projeté, dont il me reste au moins une luxueuse et jouissive maquette PDF.


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1ère mise en ligne et dernière modification le 13 août 2012
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