Stones, 6 | Nellcote, Keith et la marine

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


Menton, an Italian town just inside France...

Keith Richards, Anita Pallenberg et Marlon s’installent le 6 mai 1971 à Nellcote, près de Nice, mais le camion studio des Rolling Stones, ainsi que Watts, Wyman, Taylor, plus Bobby Keyes et les autres, ne seront là que début juillet pour enregistrer ce qui deviendra Exile on main street.

La fin très sombre de Nellcote, les dealers, les flics, les tensions et l’interdiction de séjour qui suit, en fait un pic dans leur histoire, et ce disque monolithique très noir, qu’ils fignoleront à Los Angeles début de l’année suivante – mal reçu mais pour nous un sommet – en sera la récompense à jamais liée aux abîmes.

Reste qu’on fait souvent trop peu la différence entre le folklore de ces vacances au soleil, les 2 mois préalables, avec la vie qui vous sourit, le soleil et le fric, le piano à queue dans la lumière de printemps et les reflets de la mer, la présence de Gram Parsons, et la plongée progressive dans l’héroïne qui accompagnera les sessions d’enregistrement au sous-sol.

... no passport, right past Monte-Carlo at the sun’s coming up...

La géographie de Keith, pour ce qui ne concerne pas l’Angleterre, New York et Nassau (à vérifier) est hasardeuse. En tout cas, pour la France. D’où ces deux histoires de mer, pour pirate anticipé.

Ainsi, parce qu’on est tout près de Saint-Tropez et Monaco, qu’on roule Ferrai ou Jaguar, quand on loue un bateau pour aller faire joujou sur la mer c’est un Riva, la marque italienne la plus prestigieuse qu’il achète – étrave pointue, bois vernis, puissance de la double hélice.

Dans son autobiographie, Life, Keith présente son fait de gloire. On est loin avant Schengen, l’Europe a des frontières. De Nellcote, après la nuit blanche on s’embarque au matin dans le soleil levant (l’aube pour Keith est toujours un soir), on fait un grand écart jusqu’à perdre de vue la côte, et on pique tout droit sur Menton, où on s’attarde aux terrasses, on achète ses cigarettes et quelques bouteilles. La gloire de Keith ? Ils font tout ça en Italie, et jamais les douaniers ne les ont embêtés.

... just pull up at the wharf and have a nice Italian breakfast...

Très bien, Keith, très bien. Sauf que Menton est en France, l’Italie c’était un peu plus loin. Keith a su respirer Marseille  : I’ve hung in Marseille... the capital of a country that embraces the Spanish coast, the North African Coast, the whole Mediterranean coast, mais quand il se souvient du fait réel de l’escale d’un porte-avion américain à Villefranche, avec les jeunes gars à l’accent du Texas ou du Nevada qui envahissent tous les bars, faut-il le croire quand il dit que depuis le porte-avion on lui lance un sac de marijuana ?

... all these sailors who were glad they weren’t in Vietnam... and they threw us a bag of weed. And in exchange we told them which were the best whorehouses in town : toujours se méfier, à rapporter la légende de Keith Richards, que c’est lui-même qui a construit la route.

Ainsi, l’autre histoire, il n’en parle pas dans Life, ou juste de façon détournée, disant qu’Anita Pallenberg préférait ne pas embarquer dans le Mandrax, puisque Keith n’embarque jamais de carte avec lui, et qu’elle reste à guetter the distress flares as we ran out of petrol.

Quand on commence les enregistrements, finie la période Riva, et Keith s’en désintéresse (il le fera convoyer plus tard à sa maison de Nassau) : on se contente d’un Zodiac, c’est lui qu’on baptise Mandrax. Ce début d’après-midi, on est là à s’amuser à faire des ronds dans l’eau et des effets de sillage – Keith a toujours aimé les mécaniques –, et panne d’essence. La côte n’est plus qu’un trait à l’horizon, qu’est-ce qu’on a l’air malin. Un pêcheur accepte de les prendre en remorque, puis leur verse deux litres d’essence dans le Mercury du hors-bord, ils peuvent rentrer à Nellcote.

Le type est sympa, et il leur a bien rendu service, sans se formaliser des cheveux longs et du fait qu’ils ne parlent pas un mot de français. Keith lui en est reconnaissant. Il n’a pas d’argent sur lui, et le type de toute façon n’en aurait pas voulu : politesse élémentaire de la mer.

Keith décroche sa montre, et lui en fait cadeau, souvenir dit-il, puisque le mot vaut pour les deux langues. C’est une Rolex. À cause de ça, que l’histoire est connue. Quelques jours plus tard, du Zodiac, on ne retrouvera que le cadenas et un morceau de la chaîne.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 17 juillet 2012
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