Fontevraud, maisons à cuire, premier jour

l’abbaye de Fontevraud accueille un atelier avec Claude Ponti et Armelle Benoît, et moi je suis là comme blogueur !


note du 17 mars
Ce premier billet installé sur mon site, mais la suite des portraits, textes et coulisses de l’atelier Maison à cuire, à mesure des séances, est désormais hébergé directement sur site de l’abbaye de Fontevraud.

note du vendredi 9 mars
L’abbaye de Fontevraud n’est pas si près de chez moi, mais il n’y a qu’à suivre la Loire, et les noms connus de si longtemps dans Rabelais. J’y suis venu lire Rabelais, voir une expo François Place, écouter un concert de Vincent Segal... Mais elle est dans notre paysage comme un tenseur, lié à l’histoire architecturale (les gisants dans la nef), et l’histoire politique (son destin de prison ou d’avant-bagne).

J’ai évidemment un immense respect de lecteur pour Claude Ponti. Son oeuvre a accompagné mes propres enfants, je crois que nous n’avons jamais habité, depuis 20 ans, une maison sans des Claude Ponti par terre.

Alors quand Claude m’a parlé pour la première fois des maisons à cuire qu’il voulait réaliser avec la plasticienne Armelle Benoît, et que ce serait à Fontevraud, que ce serait travailler ensemble, évidemment que pas hésité une seconde.

Pourtant, si Claude et Armelle prennent en charge les groupes d’enfants venus du foyer des Tourelles, à Saumur toute proche, comment insérer l’écriture ? Et si Claude est familier du travail avec les tout petits, moi j’ai toujours travaillé plutôt avec collégiens, lycéens ou en fac...

Début février, un jour de neige et verglas, nous accueillons pour la première fois (l’équipe de Fontevraud et moi-même, sans Claude ni Armelle), trois groupes d’enfants du foyer, nous leur présentons les livres de Claude, visitons l’abbaye, et nous lançons un mini atelier à partir des Questions d’importance, puissant texte de Claude, qui n’est pas un texte d’édition jeunesse.

Ce mercredi 7 mars, premier atelier à Fontevraud avec les pains d’argile. Ce sera pour les 5 mercredis à venir.

Au programme : le 31 mars, inauguration à Fontevraud d’une expo Claude Ponti, qui a laissé Françoise Baudin et son équipe puiser librement dans ses réserves de planches originales.

Et conclusion le 23 juin, dans la nuit de la cité idéale, Armelle Benoît installant un four de cuisson en plein air pour les maisons réalisées par les enfants, qui resteront in situ tout l’été. Le programme de cette nuit blanche sera bientôt en ligne sur le site de l’abbaye de Fontevraud. Bien sûr la collaboration du musée fondé par Claude, le Muz.

Pour ma part, un mode d’intervention que je tente pour la première fois : dans l’expo, trois tablettes insérées au mur, avec en boucle mini-film incluant images, textes, lectures audio, mini-films. Notre atelier d’écriture ne vise donc pas la simple production de textes, mais directement la construction d’un objet web.

En attendant le blog qui sera proposé directement sur le site Fontevraud, images en vrac de cette première journée...

 


C’est un enfant de 5 ans, mais qui ne parle pas. Il comprend de façon très complexe. Et répond par une longue phrase faite d’inflexions sonores. Il a travaillé intensément. Il a commencé par ce personnage, pris à la boule de glaise comme le Golem, puis redressé : mis debout. Ensuite, sa maison a été constituée de ces formes éclatées, mais qui ont occupé systématiquement le territoire de la tablette de bois. Un Carnac de terre. Sa maison : le peuple qui occupe le territoire donné, avec au milieu cette silhouette dressée, qui veille.


Les outils proposés par Armelle et rassemblés par Halia sont tout simples : couteaux, fourchettes, cuillère, la terre comme si on allait la manger. Et comment lui reprocher, à J., d’insérer les outils eux-mêmes dans la composition ? Qu’est-ce qu’une maison ? Une émission, nous répond-il. Attention : non pas une émission de télévision, mais bien sérieusement une émission, ce qui émet – donc vers les autres. Et ça, c’est les piles, complètera-t-il. Pourquoi une maison si compacte ? Elle est là. Elle est fermée. C’est le soir. C’est une maison de pirates.


Même au bout de 20 ans (en partant du lycée Jacques-Brel, La Courneuve, en 1991) chaque séance d’atelier d’écriture je l’ai vécue comme un défi, avec évidemment le trac qui va avec. Claude et Armelle, pour ouvrir l’atelier maisons à cuire, ont seulement capelé un tablier et se sont mis à travailler, quasiment sans rien dire. Du coup, tout se passait tout seul, belle leçon pour moi. Je ne suis pas familier de ce travail – m’a surpris par exemple une évidence : pour les enfants, la maison commence par ceux qui sont dedans. Tous les intérieurs de nos premières maisons à cuire sont extrêmement complexes, avec personnages ou défenses, ou simplement une ampoule pour la lumière. Pour une des participantes du premier groupe, le groupe des tout petits, Armelle explique que le personnage doit sécher à l’écart de la maison, si on veut qu’ensuite on puisse le déposer et le reprendre. Elle partira en larmes : Je ne veux pas l’abandonner.


Longtemps, alors que les autres sont déjà au travail, elle se contente de galettes aplaties qu’elle marque d’empreintes de crayon : Je fais des gâteaux, nous répondra-t-elle. À quel moment le déclic ? Tout près d’elle, les maisons s’échafaudent. Soudain, sans que nous soyons intervenu, ni que nous n’ayons aperçu la transformation, les gâteaux sont devenus les éléments pré-construits de sa maison. Une maison avec murs, pignons et toits. Les formes, dedans ? Une maison de chenilles. Sloane et Killian. Et elles feront des papillons. Et des bébés papillons.


Pour les trois groupes que nous recevons, nos partenaires ont préféré des âges hétérogènes, et ça semble fonctionner. Et donc, avec les petits, nous avons 2 grands de CE1, Fabio et Umït, et le groupe ado de l’après-midi inclura des âges de 11 à 16, le troisième groupe aussi. Ils parlent et parlent, les 2 grands du premier groupe : ils se sont appropriés l’appareil photo, le petit enregistreur Zoom (Un YouTube...), et sont des rapides à l’iPad. Surtout, ils ont tout de suite compris, précisément, qu’on construisait pour l’iPad. Pour la terre, ils ont décidé de travailler ensemble.

Parmi les textes que nous avons slammés avec Fabio, moi lisant, lui m’accompagnant à la batterie sur l’iPad, celui-ci : moi j’ai aplati le TRUC et j’ai mis des petits TRUCS et j’ai enroulé les TRUCS pour faire des arbres et après j’ai plus qu’à faire des TRUCS et après j’ai plus qu’à faire les TRUCS nous on apprend des TRUCS.

Et parmi plusieurs textes riches et magnifiques que m’a dictés Umït, celui-ci, très bref, avec juste ce glissé de pronom : Parce que des fois y a pas de lit dans les chambres. Il y a juste des petites couvertures. Après on a demandé des lits à notre anniversaire. Maintenant on en a.


Autour de Claude Ponti et d’Armelle Benoît, l’équipe de Fontevraud : Françoise Baudin, Halia Smaïl, Emmanuel Morin. Et un autre défi : intégrer les moments vécus de l’atelier dans l’expo elle-même, mêlant la genèse de nos maisons à cuire à la genèse du travail de Claude.


Travail l’après-midi aves les plus grands. Parfait accord avec le foyer des Tourelles : les éducateurs et accompagnants retroussent les manches eux aussi. Et nous laissons les enfants petits et grands décider eux-mêmes de leurs traces, photographies.


Tout au long de la journée, Armelle et Claude travaillent directement à la table avec les enfants. Travail de question, d’appui, plus que démonstration. Mais une présence à égalité. Et les albums de Claude ne sont pas loin.


entre la droite et la gauche
entre les noirs et les blancs
entre le nord et le sud
entre les gars et les filles
entre la nouveauté et la vieillesse
entre les ténèbres et la lumière
entre un groupe et être tout seul
pourquoi ça existe la différence
sacha
pourquoi ça existe le mot existe
pourquoi les murs ont-ils des formes
pourquoi les lampes s’allument
pourquoi on grandit
dylan
pourquoi marche-t-on
pourquoi avant de naître on est des singes
pourquoi le vent existe
pourquoi la lune apparaît le soir
pourquoi on parle
que veut dire pourquoi
wilfried
pourquoi le vent est invisible
pourquoi les filles existent
pourquoi les portent ne s’ouvrent pas automatique
pourquoi le vent est invisible
pourquoi la lune est blanche
pourquoi le soleil est jaune
pourquoi nous n’avons pas les yeux de la même couleur
pourquoi l’école existe
pourquoi les guerres sont sanglantes
pourquoi l’hiver est froid
pourquoi les cauchemars sont terribles
pourquoi les filles et les garçons ne sont pas pareils
pourquoi les accidents existent
pourquoi la mort
jordan

responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 9 mars 2012
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