campagne électorale, 15/15

de la grande reconversion


Les bâtiments ministériels ne manquaient pas. On avait déménagé je ne sais quelle administration inutile concernant la culture ou la recherche scientifique, pour installer le comité de reconversion et réservation.

Il fallait se présenter à son tour, on recevait la convocation par ordinateur, et peu importe votre fonction ou votre grade. Mais attention, il n’y avait plus d’amis, plus de copains.

Autant dire qu’on ne s’embarrassait pas de paroles inutiles. Chacun regardait droit devant : on sait que c’est là qu’est l’avenir.

On n’avait jamais entendu quiconque se plaindre, dans notre beau pays. Cinq mois ministre, retraite à vie. Pour les hauts gradés, conseil constitutionnel, académie française, tous les empiloirs à momies faisaient un effort pour en prendre quelques-uns.

Les sociétés privées surtout fournissaient. C’est pour cela qu’on avait monté ce comité. Elles avaient la liste des interstices et pantoufleries officielles, mais c’était déjà largement encombré : on aurait dit, ces cinq ans, qu’il avait passé son temps à les remplir. Le comité recevait donc les propositions chiffrées des entreprises, avec le profil souhaité (en gros, puisque de toute façon ils s’en fichaient un peu).

Collusion politique ? Même pas. Ils savaient bien estimer de façon trébuchante ou juridiquante les cadeaux qui leur avaient été fait. Il y a longtemps que la tradition voulait ça. Pour eux, un balancier. Ils compteraient pareil avec les nouveaux, se débarrasseraient alors discrètement des anciens nouveaux pour faire place aux nouveaux nouveaux. Ils voyaient juste le quota, et que ces relations pouvaient toujours servir.

Restait ce moment, pas très agréable. D’autant que ça concernait, on l’a dit, tous les étages de la hiérarchie. Nom, âge, position ? Responsabilité actuelle ? Capacités à tenir éventuellement un semblant de métier ? Voulez-vous cocher dans votre spécialité ? Avocat d’affaires ? Non, mais franchement, vous n’avez pas plus original ?

On redescendait en général à pied par l’autre escalier. La réponse était promise dans les deux mois.

 

Photographie garantie site UMP, 03/03/2012, pas d’autorisation à demander.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 mars 2012
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