description de mon Atari 1040

comment ne pas se souvenir de son premier ordinateur


Mon premier contact avec les ordinateurs remonte à l’Ensam Bordeaux, 1972 : grosse installation avec cartes perforées et langage Fortran pour tailler les engrenages, plus besoin de calculer la courbe des cames. Puis rien avant 1979 : petits microprocesseurs sur circuit imprimé avec une série de diodes et la possibilité de les programmer, ce truc gros comme un paquet de cigarettes allait remplacer les armoires électriques lestées d’ampli op, diodes et thyristors qui nous faisaient vivre – aucun rapport avec la littérature. Cette même année, chez les oncles et tantes à Orsay, dans leurs garages, ces messieurs ont un club de fabrication amateur d’ordinateurs personnels, mais c’est plutôt l’astronomie qui les intéresse. La vraie découverte, c’est chez les N*** , à Berlin, dans le bureau encombré de livres et de papier, au centre, l’Atari 1040. Et ma vraie surprise naïve : mais où est le papier ? J’en commande un dès notre retour, en septembre 1988, il est livré à domicile, un carton pour le moniteur, un carton pour ce clavier plat et effilé, où on enfournait la disquette sur le côté. Pas de disque dur : on allume le moniteur et le clavier, on glisse la disquette système, puis, quand c’est chargé, la disquette avec le traitement de texte. Quand le traitement de texte est installé, on glisse la disquette avec les documents personnels, et au travail. Je me dote aussi d’une imprimante à aiguille, bruit infernal, et papier en rouleau avec perforations pour le découper en pages (tiens donc). Le traitement de texte est merveilleux : il s’appelle Le Rédacteur, il a été initié par des étudiants de Toulouse à la requête de Libération, qui est le premier à demander à ses journalistes l’envoi numérisé des articles. Il y a des fonctions que je n’ai jamais retrouvé depuis lors, tout simplement parce que logiciel construit en fonction d’une usage non bureautique : affichage des mots les plus fréquents et leur pourcentage (si vous mettez trop de « même » ou de « alors »), ou bien la longueur moyenne de la phrase (et non pas le correcteur dit grammatical de Word qu’il nous faudrait plus tard systématiquement débrayer à cause des messages : « phrase trop longue »). On a la possibilité de construire facilement des fonctions supplémentaires, par exemple je suis très fier de mon petit script « inverser avec le mot précédent ». Pendant cinq ans je transporte l’Atari dans un sac de voyage, les disquettes dans une petite boîte en plastique. On se familiarise avec l’axiome (toujours pertinent) : jamais une ressource numérique sur un seul support, donc dans le portefeuille une disquette en double. Je le complète en 1990 d’un disque dur aussi lourd que la machine, et qui me semble tellement infini que je l’appelle « Océan », il accepte 20 Mo de données (pas loin de 25 disquettes !). Définitivement, la jolie disquette en couleur dans son étui vaut mieux que l’impression aiguilles sur son papier pour tiroir-caisse. Mais les grandes armées internationales arrivent : chez Didier Daeninckx, je vois mon premier Mac Classic, le petit cube avec l’écran minuscule, mais disque dur intégré, et clavier limité à sa propre fonction. En 1992, à Stuttgart, maintenant les marchands d’informatique domestique ont pignon sur rue, dans une vitrine je tombe en arrêt devant un ordinateur portable, mais c’est bien trop cher. Je craque début 1993, rapporte de la Fnac Montpellier un PowerBook 45 (disque dur de 45 méga-octets), et commande le traitement de texte Word par correspondance, changement d’ère. Atari cherche une autre niche, celle des jeux et de la musique. Des amis musiciens ont conservé le leur, au cas où il leur faudrait lire d’anciennes archives. J’ai gardé mes disquettes, mais l’Atari 1040 a été volé, un soir, à la Boutique d’écriture de Montpellier. Plus tard, par le biais d’un réseau international d’amoureux du 1040, j’entrerai en contact avec Giorgio Gomelsky, qui a été un acteur d’importance dans le tout premier lancement des Rolling Stones. La seule image de l’Atari 1040 sur son carton provoque en moi, outre un souvenir auditif extrêmement précis de l’insertion disquette, des abîmes d’émerveillement un peu nostalgique.

 compléments : histoire de mes machines à écrire ;


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 14 novembre 2010
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