les jours paperasse

aucun intérêt en fait


Juste pour répondre à un autre aujourd’hui accroché à son bureau.

En principe, le lundi c’est le jour des paperasses, mais là ça fait trois lundi au moins que c’est en retard, alors ça prend des proportions critiques. C’est pas très facile, pour nous plumitifs, en cinq ou six ans, la dérive qui faisait qu’autrefois on nous laissait jouer dans les coins, et maintenant l’obligation de rendre des comptes comme un artisan plombier (j’ai un très bon rapport avec des artisans plombiers).

Il y a deux mois, pour m’améliorer, j’ai acheté au supermarché un tableau blanc effaçable, et avant-hier j’ai fait la liste ordonnée de tout ce que j’avais en retard, c’est classé en | urgent | écrire | courriers | ateliers | projets.

Quand j’ai fait quelque chose appartenant à la liste, je l’efface, c’est commode. Mais je n’en ai pas beaucoup effacés.

Urgents : l’Agessa, formulaires 2004 mal remplis, il faut dire qu’on touche des notes de droits d’auteur parfois de 60 euros ou ce genre, il faut retrouver 40 justificatifs, j’ai encore 20 jours, sinon c’est clair, je devrai repayer la cotisation sociale déjà payée, à l’aide... Ecrire : article promis pour les 10 ans de la disparition de Marguerite Duras, note sur le très beau Quarto Balzac pour la Quinzaine Littéraire (c’est moi qui ai demandé à Bertrand Leclair, qui a demandé à Maurice Nadeau), travail sur une série de photos de Bruno Serralongue (et contrat + facture à renvoyer au CNAP : j’ai essayé, mais c’était tellement compliqué, histoires TVA etc que j’ai remis dans la pile). Courrier : deux lettres gardées précieusement, reçues de Julien Gracq et Jacques Dupin, répondre mais ils n’ont pas d’e-mails... Puis rédiger le projet Ircam avec Huynh|Jodlowski, l’idée de docu qui nous travaille avec Fabrice Cazeneuve pour les beaux jours.

Et puis voilà, la pile de papiers a beau s’élever plus haut que l’ordi, je me remets à tumulte ou je réouvre ma doc sur Led Zeppelin qui n’avance pas assez vite (enfin si : il y a 400 pages d’écrites, mais pas comme je veux, il faut tout reprendre au microscope, vérifier, démultiplier les sources).

C’est aussi que je suis beaucoup dehors : mardi à Malakoff stage enseignants (sur Rimbaud), mercredi à Beaubourg (dialogue avec Pierre Bergounioux), vendredi à Pantin pour la classe des électro-mécaniciens (si belle séance ce vendredi à partir de leurs trajets du matin : c’est aussi sur le tableau blanc, case des choses à recopier et mettre en ligne).

Ces jours-ci c’était ça ma position d’écriture : dans le jeu des chamboulements de pièces dû au départ d’un des enfants, avoir gardé dans celle-ci ce lit un peu boiteux, où je pose la guitare et les bouquins en cours. Ces jours-ci, je faisais comme il y a un an au sortir de l’hôpital, allongé sans ouvrir les volets et sans plus d’heures, calé par les bouquins et l’ordi directement sur le lit. Hier en écoutant The Cure, les plus vieux, 5 heures d’affilée, et là sur les enceintes, parce que je l’ai eu tout à l’heure brièvement au téléphone et que c’est un géant d’aujourd’hui, Serge Teyssot-Gay, le Sergio du Désir Noir...

J’apprenais hier soir via cette vidéo de Romain Verger qu’Henri Michaux, que je voisine depuis un mois , sur ce lit justement, pour relecture chronologique et intégrale (ce que je n’avais jamais fait pour lui) gardait un jour par semaine, de préférence le dimanche, sans parler ni manger. Qu’il était extrêmement attaché à ce que ces heures closes et silencieuses, dans leur continuité, lui apportaient. Sur la même vidéo, comment il reçoit en 1980 la jeune étudiante, assis sur un tabouret, hiératique, dans une pièce entièrement blanche.

Que je me lamente ? Non, je constate. Cet après-midi, probablement que je serai encore à faire des essais de ce micro Sennheiser qui a plus de 30 ans et qui me surprend tellement (en ai acheté deux sur eBay, mais celui-ci c’est le plus vieux). Ou bien encore à bricoler telle page plutôt que m’atteler à la liste des choses en retard : si la seule vérification qu’on peut faire que l’écriture c’est sérieux, c’est que ça vous repousse tout le reste en arrière. Et que la seule invention y est dans l’inaction, Michaux vous le dira en -if c’est bien plus explosif...


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 décembre 2005
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