les six aveugles et l’éléphant

le numérique et les fables, chez Bibliomancienne


On ne pourra pas utiliser un modèle unique, un tout-inclus, un « prêt-à-lire-numérique » qui ne conviendrait pas aux changements, à la réalité des pratiques et à la complexité qui en découlent. Nous sommes condamnés à créer.

A une semaine de journée stimulante, la Fabrique du numérique, aucun des participants pour s’être senti éloigné des discussions qui s’en sont ensuivi, chez les organisateurs, René Audet, Eric Duchemin, Clément Laberge, mais bien sûr chez les participants, liste ici.

Je voudrais juste en signaler deux : la fabrication d’une mythologie, par Karl Dubost, et Manifeste pour un pluralisme littéraire, par Marie D. Martel, bibliothèques de Montréal (blog Bibliomancienne), pour sa capacité à prendre écart et remettre en perspective quelques tenseurs essentiels.

Et ajout d’un petit avertissement avec sourire, via cette fable des six aveugles et l’éléphant qu’elle dit bien connue, mais moi je ne la connaissais pas, alors voilà... (Version de John Godfrey Saxe, d’après les Udana.)

On tâchera de s’en souvenir, collectivement ! Reste l’Éléphant.

et pour ceux que ça intéresse, de quoi rêver un peu : books in the age of the iPad

 

C’étaient six hommes d’Indoustan
Qui aimaient à apprendre
Ils s’en vinrent voir l’Éléphant
(Même si tous six étaient aveugles)
Et que chacun par l’observation
Puisse se satisfaire l’esprit

Le Premier qui approcha l’éléphant
Il lui arriva que ce soit
Par le large et solide côté
Il se mit à crier :
« Par Dieu, mais l’Éléphant
En gros c’est un mur ? »

Le Deuxième, palpant la défense
S’écrie : « Ho, qu’est-ce cela
Ainsi rond et lisse et aigu ?
Je crois que pour moi c’est clair
Cette merveille qu’est l’Éléphant
Ressemble vraiment à une épée ! »

Le Troisième à approcher l’animal
ll lui arriva de saisir en main
La trompe ondulante
Ainsi proclamant audacieusement :
« Je vois, remarque-t-il,
L’Éléphant c’est un genre de serpent ? »

Le Quatrième avait tendu ses mains avides
Et trouva devant lui le genou :
« À quoi ressemble cette merveille
C’est vraiment clair que l’Éléphant
Est une variété d’arbre. »

Le Cinquième eut la chance de toucher l’oreille
Et dit : « Même l’homme le plus aveugle
Peut attester à quoi ceci ressemble le plus :
Me réfute qui peut
Cette merveille qu’est l’Éléphant
Est la feuille d’un éventail. »

Le Sixième pas plus tard avait commencé
Par tâter à tâtons,
Puis, attrapant la queue fouettante
Qui lui tombait à portée :
« Je vois, remarque-t-il, l’Éléphant
N’est qu’un genre de corde ! »

Ainsi ces hommes d’Indoustan
Disputaient fort et longtemps
Chacun dans sa propre opinion
S’entêtant rigide et fort
Et si chacun avait partiellement raison
Tous avaient tort.

Ainsi dans les guerres théologiques
Les disputants souvent je crois
S’enferment dans leur ignorance
De ce que l’autre veut dire
Et inventent ce qu’il en est d’un Éléphant
Qu’aucun d’eux n’a compris.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 6 mars 2010
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