Clichy-sous-Bois nous-mêmes

"la rançon du mépris" repris dans les Inrocks


vous pourrez lire ci-dessous

 un texte rédigé le mardi 1er novembre par Leslie Kaplan, que nous sommes dès à présent quelques auteurs à signer, en la remerciant ;
 un premier commentaire personnel pour accompagner un syndrome évident de mimétisme, texte collecté le mercredi 2 novembre auprès d’un jeune apprenti mécanicien, en atelier d’écriture à Pantin ;
 une réflexion plus longue, ce dimanche 5 novembre, à l’intention du Neue Züricher Zeitung, merci à Barbara Villiger, qui l’a sollicité, et a pris sur son dimanche pour le traduire.
 deustche aufgebung (NZZ) : Die Ernte der Verachtung _ english translation : will appear soon on sign & sight

 ce même texte est à nouveau repris, le 22 novembre, dans le dossier rassemblé par Sylvain Bourmeau dans les Inrocks (je les en remercie), lire aussi le texte de Marc Kravetz
 vos propres contributions forum : "Ceux qui restent savent pourquoi..."

1 _ Leslie Kaplan, texte signé par plusieurs écrivains intervenants en Seine Saint-Denis

Nous sommes quelques écrivains actuellement associés, ou ayant été associés, à des bibliothèques en Seine-Saint-Denis pour travailler à des projets d’écriture et de lecture avec différentes villes du département.

En tant que citoyens et en tant qu’écrivains, nous sommes révoltés par vos propos de ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, concernant les événements de Clichy-sous-Bois. Il est inadmissible d’utiliser le langage, la langue, les mots, pour promouvoir des contre-vérités et tenter de créer des divisions imaginaires entre "racaille" et voyous" d’un côté et des soi-disant "vrais jeunes" d’un autre côté.

Insultes, incivilités : qui tient ce langage, Nicolas Sarkozy ? C’est vous. Un "vrai jeune", c’est quoi ? Un jeune selon votre idée, à vous, qui vit calmement dans une banlieue sans avenir, qui fait calmement des études qui ne l’amèneront nulle part, qui accepte calmement que personne ne s’intéresse à son sort ? Qui voit calmement tous les jours à la télévision des gens qui s’agitent en racontant n’importe quoi, juste pour se pavaner et signifier que le monde leur appartient, à eux ? Votre parlez de "racaille" et de "voyous".

C’est un langage de haine, fondé sur la haine, un usage mensonger et haineux de la langue et des mots, fait pour diviser, discriminer, fait pour entretenir des fantasmes agressifs, violents, et la peur, et les ghettos. Cet usage est bien connu, il a été pratiqué souvent, il produit des effets. On voit le regard pointé, le doigt pointé, l’arme pointée, on cible un ennemi, sans doute pour mieux atteindre son propre cœur de cible (électoral). On engage des poursuites contre ceux qui réagissent à cette violence ordinaire, comme le montre l’affaiire récente Brice Petit/Jean-Michel Maulpoix.

Nous nous insurgeons contre cet usage de la langue, contre ces intimidations. Dans une démocratie, les mots sont à la disposition de tous pour créer des liens, pour chercher ensemble, pour éveiller et rendre actifs. Vous faites tout le contraire. Nous ne l’acceptons pas.

Leslie Kaplan _ ce texte a aussi été signé par Olivier Adam _
Arno Bertina _
Jeanne Benameur _
François Bon _
Didier Daeninckx _
Arnaud Cathrine _
Suzanne Doppel _
Jean-Michel Espitallier _
Félix Jousserand _
Véronique Ovaldé _
Jean-Luc Raharimanana _
Jacques Rebotier

2 _ Clichy-sous-Bois, lycée Alfred-Nobel : souvenirs d’ateliers

Quant aux événements dont il est traité, mon collage d’un compte rendu presse ce matin (Le Monde, 3 novembre 2005) et ce qu’en écrivain hier matin, à l’atelier d’écriture avec les apprentis-mécaniciens du Cifap de Pantin, Ararat : un syndrome évident de mimétisme.

Et puis, dans mes archives, ce texte écrit par une lycéenne en classe de seconde, au lycée Alfred-Nobel de Clichy-sous-Bois, lors des deux années d’ateliers d’écriture que j’y ai menés, avec Sylvie Cadinot leur professeur de français, et la médiation du théâtre de la Colline :

Il aimerait partir, partir loin d’ici, s’enfuir,
découvrir un autre monde qu’il pense trouver meilleur,
un monde empli de paix et d’harmonie, avec des gens qui auraient des allures toutes aussi intéressantes les unes que les autres, avec des personnes
de nationalité et d’origine très différentes et variées
et ces personnes s’uniraient pour réaliser le même rêve,
celui de la paix.

Et puis ce texte, écrit un jour où on avait longuement parlé d’abord du Journal de Franz Kafka. Et maintenant, les filles de seconde à Alfred-Nobel, seules, elles pensent quoi, elles pensent comment ?

1
Dans ma chambre, sur mon lit. Allongée sur le dos face à l’ampoule. L’ampoule brille, mon œil ne s’en défait pas. Je la visionne, j’aime regarder l’ampoule translucide qui éblouit mes yeux. J’y reste des minutes qui me semblent des heures, des années, même toute une vie. Je la regarde sans m’en défaire, sans m’en lasser. Cela peut prendre du temps mais je la regarde, je pense à ce jour. À ce jour où... Devant cette ampoule je reste figée, je pense, je réfléchis au passé, au présent, au futur. L’ampoule est éteinte. À cet instant, je suis perdue.

2
Je suis souvent toute seule, le soir avant de m’endormir. La maison est calme, mes parents dorment. Je me couche en repensant à la journée que j’ai passée. Je regarde mon plafond qui en pleine nuit est intéressant. Il y a toutes sortes de motifs qui s’y dessinent. Les fenêtres des lampadaires des voitures qui passent s’y reflètent. Je m’amuse à les regarder et à essayer d’y reconnaître des choses. Ça me permet de faire le vide dans mon esprit et penser à autre chose. Des fois, je tends l’oreille, et il y a des petits bruits dehors, de la musique, des gens qui parlent. Ils ne parlent pas fort, mais comme la nuit est calme, le moindre petit bruit est amplifié. Je fixe mes yeux sur une lumière, puis tout doucement je m’endors.

3
Je suis toute seule, la nuit, dans ma chambre. Je suis allongée sur mon lit, les yeux ouverts. Je contemple le plafond, le même que quand j’étais plus jeune. Je ne m’en lasse pas, je me sens en sécurité. J’entends différents sons dehors, je crois que ce sont des gouttes de pluie, ça donne envie de dormir. Mon esprit est vide, pas une seule pensée ne vient détruire le silence qui règne dans ma tête. Mes yeux sont toujours fixés au plafond, soudain je ne reconnais plus ce plafond, je ne sais plus où je suis, ni où j’étais, ni qui j’étais avant aujourd’hui. Aujourd’hui, quel est ce jour, cette heure, cette année, ce temps qui passe. Je vois des choses qui se forment à travers mes yeux. Des choses que je ne comprends pas. Une grande ligne argentée qui s’ouvre comme une porte. Je rentre, mais je n’y vois rien, tout est noir, infiniment noir. Je suis un point au milieu d’un univers - mes yeux ne s’ouvrent pas.

4
Je suis dans ma chambre. J’ai allumé une bougie. Je m’assois sur la chaise, en face de mon bureau où est disposée la bougie. Elle est bleue, toujours bleue et encore bleue. Bleu de la couleur du ciel. C’est une petite bougie bleue parfumée. Je suis assise, et je la regarde. Je regarde cette flamme, je regarde le bleu, le jaune non. J’aime bien le bleu, la bougie aussi est bleue.
Après, je regarde la flamme, je regarde la flamme et regarde la flamme. Je la visionne une heure, deux heures, trois heures. Je ne pense à rien, je regarde le vide.
Je ne fais attention à rien. Il n’y a plus rien autour de moi. C’est calme, tranquille et serein. Ce n’est plus ma chambre.
Je ne regarde que la flamme, cela fait déjà longtemps. Ce bleu est ma couleur, j’en ai beaucoup, un grand stock. Une par une, je les allume.
Jusqu’à ce que ma sœur arrive et vienne à me déranger, elle éteint la bougie. Elle n’aime pas la bougie, elle allume la lumière. Je revois tout, je reviens à la réalité.

Les archives de cet atelier sont toujours en ligne : la beauté, quand elle me correspond, c’était 1999, la seconde année que je mettais en ligne de façon hebdomadaire et continue un atelier d’écriture : on retrouve l’archéologie du Net.

3 _ François Bon, la rançon du mépris

Comment pourrait-on prendre écart, venir avec une pensée raisonnable ? C’est l’exercice même de penser qui est mis en échec.

La première violence est bien ancienne, elle était continue, profonde. On parque les gens dans telle ville, et dans telle cité. On abandonne des territoires entiers à une misère de fait : les entreprises s’installent dans des communes qui refusent les logements sociaux, l’écart grandit encore. Cela va jusqu’à un terrible détail : quand on est de banlieue, on a ses universités de banlieue, à Nanterre, Créteil ou Villetaneuse, et il faut littéralement patte blanche pour s’inscrire à Jussieu ou la Sorbonne.

C’est le mépris contre lequel on pouvait s’efforcer de résister, se battre. La Seine Saint-Denis, le « neuf trois », ou le « trois cube » comme ils disent pour le département 93, est aussi un magnifique laboratoire de l’hyper-ville, des mélanges de musique, des transformations d’urbanisme, ou de la lecture jeunesse. Je crois que c’est le seul département en France à rémunérer des enseignants de philosophie pour travailler dans les collèges avec les adolescents de quatorze ans, ceux qu’on enverra ensuite dans les lycées professionnels ou les centres d’apprentissage, pour cette galaxie d’emplois dévalués qui sont à tous ceux-là réservés. Mais ces laboratoires sont une goutte d’eau dans l’océan du pire.

C’est des années que j’entends ça, chaque fois qu’avec des jeunes on travaille : les contrôles d’identité permanent, les fouilles musclées. Allez demander un travail ou même un logement quand sur votre attestation de domicile c’est les 3000 d’Aulnay ou les 4000 de la Courneuve. Et pourtant on s’obstine, on tente de rendre les frontières poreuses : la « dalle » d’Argenteuil n’est pas plus riche d’avoir voulu s’appeler Val d’Argenteuil, et maintenant carrément Val d’Argent. Mais on y a démoli quelques barres, et installé une avenue piétonne qui désenclave la cité via la gare du RER. A Saint-Denis centre, et souvent dans les villes de province, ces dix ans un travail considérable de mixité sociale a été lentement mis en place : qu’on relie une cité au centre-ville par un tramway, qu’on impose à l’office HLM d’accueillir des étudiants parmi les familles, et tout peut changer.

Tout pourrait changer. J’ai vécu à Bobigny, il y a quinze ans. Les vieilles couches ouvrières de la proche couronne s’étaient installées dans ces villes nouvelles, les couches plus jeunes, ceux qui travaillent dans les usines modernes, venaient aussi s’installer là, à portée de métro de la capitale. Mais les collèges et lycées ne suivent pas : on y place les enseignants en premier poste, énorme rotation, et malgré les tentatives, le ghetto s’installe et s’aggrave. Regardez Villepinte, ville pavillonnaire, protégée : elle a pris toutes ses couches moyennes à Aulnay, et Aulnay s’enfonce.

Clichy-sous-Bois est une ville qui n’a pas de centre. J’y ai fait travailler, toute une année, des lycéens (le lycée s’appelle Alfred-Nobel, on y fait un travail excellent, intelligent et solidaire) : entre le lycée et la cité, un Mac Donald, un champ pour le dressage des chiens, et une route à quatre voies. C’est une des villes les plus pauvres d’un département où la misère est la plus grande, dans le contexte d’un désengagement continu de l’état.

On insiste, parce que c’est vital. Parce qu’autre chose est possible, et que pas le choix : l’importation massive, dans les années 70, de familles et villages entiers du Maroc ou d’Algérie pour faire tourner l’usine Citroën d’Aulnay, l’usine Renault de Flins, ce n’est pas réversible. Sans le mépris, chacun trouverait sa place. Par exemple, l’arrivée dans ces collèges et lycées de toute une proportion de jeunes enseignants eux-mêmes issus de cette immigration, qu’est-ce que cela change ou détourne de la transmission ?
On lutte depuis des années, pied à pied. Pantin, où j’interviens cette année pour des ateliers d’écriture, a un « service municipal de la jeunesse » où une dizaine de personnes, eux-mêmes souvent nés ici et qui y ont appris, grandi, pratiquent l’aide individuelle au projet.

Mais on heurte à des murs. Oui, mépris affiché : pas d’égalité non plus dans la politesse. Et quand on heurte au bout de l’impasse, il n’y a plus que la peur. Je travaille depuis des années dans ces départements, parce que ce laboratoire de la ville est vital pour mon propre atelier d’écrivain. En juin dernier, en travaillant avec deux adolescentes du lycée professionnel (une suite de portraits, pour la chaîne de télévision Arte), ce sont des gamins de dix ou onze ans qui nous ont forcé à battre en retraite. Encore à Pantin, il y a 3 semaines, parce que nous avions accueilli à la bibliothèque une vingtaine de jeunes apprenties coiffeuses, leurs sœurs ou qui ressemblaient tant à leurs sœurs, la bibliothèque a été investie par cinq, puis dix jeunes, les cagoules sont sorties et nous, les « blancs », voilà qu’on nous assignait d’office d’être dans le camp du mépris. On n’a plus que l’envie d’en pleurer.

L’an passé, dans les justes manifestations des lycéens de Seine Saint-Denis pour des conditions de travail un peu plus décentes, quelques dizaines de types en cagoule, venus d’établissements encore plus en désarroi, s’en prenaient à ces jeunes mêmes, on cassait des vitrines, mais on leur extorquait leurs téléphones portables : c’est ce côté totalitaire, erratique, de la violence qui effraie.
Alors il y a le chaos, il y a de brûler des voitures qui sont forcément celles des parents, des amis, des voisins : la misère brûle la misère. On s’en prend aux écoles, aux crèches, aux pompiers. Il y a l’ombre d’un despotisme religieux qui s’épaissit de chaque nouvelle preuve du mépris.
On a eu beau tirer, toutes ces années, toutes les sonnettes d’alarme. On a eu beau, toutes ces années, faire savoir que tel ou tel autre chemin était possible, pour la ville, pour l’école. Non seulement les inégalités, le grand écart permanent, tout cela s’est aggravé, mais on a franchi la violation symbolique : la république se revendique du mépris par la bouche d’un ministre assoiffé d’ambition personnelle, et chargé de mordre sur l’extrême-droite un électorat qui marche selon cette peur. Parce que c’est aussi la frontière symbolique qui a été franchie, le débord est aveugle, et aussi massif que la misère.

Ce qui me peine encore plus, et tous mes amis enseignants, éducateurs, urbanistes, musiciens, et toutes nos amitiés de si longtemps ici constituées, c’est qu’il n’y a plus rien, même plus la culture politique qui était la nôtre pour résister, influer, changer. Le meilleur de notre travail ne compte plus : on est comme ces camions de pompiers pris sous les cailloux. Aucun de nous encore pour penser à la masse de dégâts, et ce qu’on en pourra reconstruire : il ne s’agit pas seulement de voitures brûlées. C’est ce que nous gardions de lien tissé, qui a brûlé aussi.

Et à ce jour, de service civil à état d’urgence via loi coloniale réactivée, ou cette ineptie de demander aux centres d’apprentissage d’accueillir les jeunes dès 14 ans, ou ces subventions qui réapparaissent sans qu’on sache alors pourquoi on avait tant voulu supprimer tous ces maigres moyens, ou les contrôles et l’humiliation qui continuent (on fouille à corps même les mômes de douze ans) les réponses - au moins dans l’ordre du symbolique - prouvent que rien n’est compris. On maintient lieu pour le ban.

pour le Neue Züricher Zeitung, le dimanche 5 novembre, merci à Barbara Villiger _ dernier paragraphe modifié pour les Inrocks, 22 novembre, merci à Sylvain Bourmeau


photo © NouvelObs

la discussion, vos contributions

pour des questions de mise en page, j’insère les ajouts forum dans l’article

1 _ Frédéric Griot _ site parl
et oui fo pa laissé passé ceu ki parl comme ça ceu ki parl com monsieu sarkozi fau pas les laissé

2 _ Alouette
Petite information : cette année le budjet des classes à projets artistiques est amputé de 41 %. Peut-être pour financer le manque à gagner de ceux qui payeront moins d’I.S.F. ? Même pas vrai. Alors quoi ? Et puis quoi encore ? Zappées les ZEP. Dégoût profond pour celui qui a zappé la moitié de son patronyme pour mieux dire " je le dis comme je le pense’. Qui t’écoute, Monsieur Sarkosy de ......a ??? Moi je brûle depuis longtemps, à l’intérieur et mes tripes sont aussi calcinées que ces bagnoles que tu vois, sur ton sofa, zapette à la main. Appelle-moi désormais "racaille" même si c’est une craie que je tiens à la main.

3 _ GTK
En 68 déjà c’était un peu la mode de brûler des voitures. Mais voilà, à l’époque, ce sont les étudiants qui avaient commencé. Aujourd’hui, ce sont les petits gars des lieux mis au ban de nos cités, ces lieux dont on dit qu’ils sont « sensibles » ou « difficiles » qui se révoltent parce qu’ils ne veulent pas crever tous seuls dans leur coin. Ils veulent du travail et un logement correct. Ils veulent surtout un avenir, vous savez ce truc dont on a tous rêvé, surtout quand on était jeunes, en 68... Alors si on les soutenait un peu, si on leur faisait comprendre qu’on est tous avec eux, ensemble, on y arriverait peut-être, à faire en sorte que le monde soit un peu moins dégueulasse pour tant de gens qui ne demandent qu’à vivre. Qu’on dise tous ensemble que nous aussi on n’enpeut plus de voir tant de misère et de pauvreté, tant d’injustices, ce serait mieux quand même que de faire porter la responsabilité de tout cet embrasement à seulement deux pères qui ont perdu leurs mômes dans un transformateur EDF.

4 _ "france de merde"
salut les poêtes de Paris-centre qui regardent les banlieusards se faire tout casser tout en ayant des super explications sur la misère des "djeunes" (misère avec des pompes à 150€ aux pieds d’ailleurs). Oui salut d’un ex banlieusard de Romainville : 3 vols avec agressions, insultes au moins hebdomadaires, dégradations de porte d’entrée/boite aux lettres récurrentes et terreur permanente et une omerta à faire passer un taxi corse pour un beau parleur...

Mais non, pour vous les gentils agressés c’est toujours les mêmes, les pauv’ petits jeunes qui s’ennuient, et les méchants colonialistes (stagiaires en CES) qui s’habillent pas en rappeur et qui rigolent même pas quand on leur crie "j’vais t’violer ta mère" du fond du bus...

si seulement ces crétins s’attaquaient à vos appart’s à vos bagnoles, ca serait bien plus rigolo, vous pourriez leur expliquer directement ce que vous avez lu dans la psycho-socio-ethno-lo-lo-gie que leur problème est social et inconscient... (et après vous vous rendrez compte que votre problème à vous est d’ordre maxillo-facial)

salut. un francais d’Irlande qui ne reviendra JAMAIS en France.

5 _ FB
ça tombe bien, j’habite pas Paris mais la province (Tours), et Pantin j’y "réside", et ça me plaît que ce soit ce mot là dont on se serve lorsqu’on commence dans un lieu précis une relation de travail : c’est la relation qui nous ancre

et la semaine dernière, précisément, chez Marmon Sports, carrefour des 4 Chemins, entre Pantin et Aubervilliers, un lieu qui rassemble le monde entier mais où personne n’ajoute "de merde", j’en ai acheté, des belles pompes : pas 150 euros, juste la moitié, et je suis très fier d’arpenter la ville en pompes qui en viennent

et il s’en perd, des coups de pompes au...

6 - Gilles
Des messages de même facture que « Clichi mové souvenir », se disputent l’indigence de certains forums grands public aujourd’hui. Rien de tel pour permettre à un Sarkozy de très mauvaise foi de prétendre qu’il « parle la langue que les gens comprennent... »

Venu sur votre blog via la découverte tardive (ce soir...) de « l’Affaire Brice Petit et Jean-Michel Maulpoix » , qui me donne particulièrement à réfléchir et m’incite à agir, j’ai beaucoup aimé votre texte « la rançon du mépris ».

Très éclairant pour ceux qui comme moi pressentent plus qu’ils n’observent depuis leur « France profonde ». Merci, continuez. Je ne pense pas que le lien patiemment tissé soit si fragile. S’il ne reste que quelques fils bien mariés, gageons que c’est à partir d’eux que se reconstituera la trame d’une société retrouvée, vidée pour un temps de ses mensonges.

7 _ Géraldine Collet
J’habite et je travaille à Pantin, une banlieue de la Seine Saint Denis. Pendant plusieurs années, j’ai parcouru le département pour mon travail, qui a l’époque était précaire ; Le Blanc Mesnil, Saint Denis, Villepinte. J’habitais alors aux quatre chemins, dans un rez de chaussée de la rue Josserand. Coup de pompes ce matin à lecture d’un texte venu d’Irlande. Merci F pour ta réponse. Ceux qui restent savent pourquoi.

8 _ Erwan Tanguy _ site sprechgesang
Maintenant certaines personnes ont gagné, croient avoir gagné, car plus de paroles possibles sans carte d’identité - si tu habites paris ne parle pas des banlieues ou d’ailleurs de ton petit confort bourgeois ect. Quelle logique fasciste - j’ose le terme.

Parce qu’il est plus simple aussi de fuir en Irlande plutôt que de tisser des liens sur le territoire. L’Irlande je m’en souviens aussi comme la destination des collabos bretons après 1945, quand ils se sont retrouvés interdit de territoires.

Mais qu’ils restent en Irlande alors, ou ailleurs, la destination des lâches a peu d’importance.

Pour précision, je ne vis pas à Paris mais dans un quartier rennais où il y a eu des incidents ce week-end - suis-je pour autant bien placé pour en parler ? De qui dois-je avoir l’autorisation ? Pourquoi ne devrais-je pas en parler même si je me trompe dans mes analyses ?

Je crois justement en la parole, mais pas la parole juste balancée comme ça, anonymement, dans un autre confort lointain (c’est si simple de renverser la critique), mais une parole qui reste ouverte, une parole qui parfois fait silence pour écouter les autres.

Parce que d’où on parle, on s’en fout.

9 _ Dominique M, Bagnolet

Chez moi en Seine-Saint-Denis.

Square du 19 mars 1962. D’ici on voit Paris, le 20e, on voit loin vers Montparnasse.

Plus près, l’égise devant les immenses tours Mercuriales noires.

Fumées. Des gamins courent. En contrebas deux bandes s’afrontent. Ils ont piqué les extincteurs du parking souterrain d’à-coté et les balancent dans les buissons. Allusions à l’actualité, les combats d’A., les voitures brûlées de S. Ils rient en se canardant de terre, ils bousculent les poubelles.

Plus bas en arrivant j’apprends que la nuit, ici aussi, ça a brûlé. Un autocar, des voitures, une classe. On en parle, tristement.

Le soir, les sirènes obsédantes de la police. On guette s’ils ne s’approchent pas trop, s’ils ne s’arrêtent pas, surtout, qu’ils ne s’arrêtent pas ici.

Vers minuit, l’hélico brise mon premier sommeil. Les hélicos, d’habitude c’est le jour ; passent, repassent, transbordent, surveillent assez haut, bien au-dessus des Mercuriales. Mais là ! Il fait noir. Il est tout près, il stationne au-dessus de la cité, il fouille le noir de la cité. On l’emporte pour la nuit dans son sommeil malmené.

La gare routière grouille de monde vers 19H. Le soir entre chien et loup, de belles couleurs sur le ciel et le béton de l’Echangeur.

Le bus 76 est arrêté. Vide. Un agent vert-bouteille refoule ; ce soir pas de bus.

Il ne grimpera pas sur le Plateau, ordre de la Direction.

Le 76 est parisien. Pas nous.

10 _ JMCM
Dure semaine.
A la PMI on a peur.
Les familles aussi.
Les bandes rôdent sous nos fenêtres.
On verrouille nos voitures de l’intérieur. C’est idiot. On le sait. On le fait quand même.

Ce soir à cinq heures y’avait des bouchons partout : chacun essaie de rentrer chez lui avant la nuit. J’ai mis deux heures pour rentrer à Montreuil.

Après demain j’ai trois visites à domicile : Sarcelles, Épinay et Aubervilliers. Le domicile, c’est là qu’on est le plus exposé, surtout quand, comme pour Épinay, c’est une première visite. Avant, être reconnu de la PMI était une protection. Mais aujourd’hui, non. Cette nuit à Villepinte c’est la mosquée qui a flambé. Et les jeux pour enfants du parc.

Quand la petite Sarah est angoissée, elle mord. Surtout ceux qu’elle aime.
Quand Médée fut blessée à mort par la trahison de Jason, elle a tué ses enfants.
Quand certains de la banlieue sont au désespoir, ils abîment le proche et le précieux.
Il ne se passera rien à Neuilly, ni à Auteuil, ni à Passy.
C’est ici que ça brûle. Et que ça brûlera.
Que peut-on opposer à la barbarie ?

Hilflosigkeit.

11 _ Géraldine C.
Ami d’Irlande,
Faut-il que je m’excuse d’être prof... et de gauche !!! Et que je taise. Faut-il décliner son C.V et son arbre généalogique pour avoir le droit de dialoguer, ... le droit de cité ! Faut-il donner son cycle menstruel pour être bien certaine que le propos sera entendu ? Quels reproches faudra-t-il encore recevoir, retenir, pour que ta souffrance se soulage, un temps ? Ce soir, les hélico tournent. Les élèves ont dû quitter l’école plus tôt. Aujourd’hui, ils m’ont dit que Dominique De Villepinte (et oui, c’est comme ça qu’il l’appelle avec une naïveté absolue) allait parler. Leur parler...Et oui, j’ai peur. Peur qu’un gamin se prenne une balle perdue. Peur aussi pour le jeune flic qui ne veut pas être ici et que l’on a mis en poste là, parce que c’est comme ça avec la fonction publique. Mais ne pas céder. Fermer le poste. Continuer ce pourquoi on est là. Parce que les gamins n’ont pas choisi de vivre là non plus. Partir... certainemenent, un jour, mais pas avec la colère que tu exprimes, ici, sur ce site, loin du pays dont seule la langue semble nous rapprocher. Good evening and take care of yourself.

12 _ Erwan Tanguy
à "l’ami d’Irlande"
Ma remarque montrait juste qu’il est simple de critiquer l’autre, celui qui vit à Paris et qui regarde ça de loin, celui qui vit en Irlande et qui regarde ça de loin, et aussi celui qui vit où ça se passe et qui malgré tout voit ça de loin, parce que les images à la télévision ne reflètent en rien la réalité des différents quartiers touchés, qu’ils soient en banlieue parisienne ou en province.

Il ne s’agit pas non plus de faire silence, que ça se passe sans rien dire, rien faire, je crois qu’il y a beaucoup de personnes qui sont conscientes que la gauche a aussi ses responsabilités, qu’une manière d’envisager la politique en France s’écroule devant nos yeux et qu’aucune personnalité politique dans les médias semble capable d’y répondre - sans doute n’ont-ils pas été formés pour le changement mais pour gérer un système inerte. Malgré tout cela, votre haine n’a pas sa place, même si vous avez des raisons de haïr, car elle ne propose rien, elle répond juste à la langue violente du ministre de l’intérieur, et aujourd’hui il s’agit d’être au-dessus de ces langues de haine.

Mais qui suis-je moi pour parler ainsi, un français de merde, qui regarde les camions de pompiers vadrouiller dans mon quartier populaire, qui regarde les enfants dans la cour de l’école en bas de chez moi, qui aimerait que ces enfants là ne subissent pas trop la violence de leurs ainés. Je n’ai pas de solution, je ne fais qu’écrire, et votre haine me désole car je sais que nombreux sont dans cette haine là, qu’il sera difficile de renouer le dialogue, mais faire l’autruche c’est la mort, je ne crois pas qu’au fond tout le monde soit partant pour mourir, il ne reste donc que la possibilité de construire.

13 _ JMCM
"Aucun de nous encore pour penser à la masse de dégâts, et ce qu’on en pourra reconstruire : il ne s’agit pas seulement de voitures brûlées. C’est ce que nous gardions de lien tissé, qui a brûlé aussi. J’ai peur."

C’est ça. C’est tout à fait ça. Ce ne sont pas que des poubelles ou des voitures qui partent en fumée. Chez les "gens de terrain" quelque chose est abîmé. Je crois que je commence à ne plus "y croire". La tâche est trop grande.

Fatigue.

14 _ Régis Duffour
A peine les quartiers semblent recouvrer le calme, le MEDEF se manifeste. N’est ce pas une provocation ? Une énième provocation après le discours d’un président qui prétend poursuivre l’effort entrepris, après les mots de Sarkozy qui font suite à ceux prononcés par Douste-Blazy « il faut que la rue devienne un enfer pour les SDF et les prostituées ». On peut toujours ne pas faire de politique, mais force est de constater que les prétendus efforts du gouvernement ressemblent à une entreprise de casse. Ça tire tout azimut sur les démunis.

A peine les quartiers semblent recouvrer le calme, le MEDEF frappe. Pour combler le déficit des ASSEDIC, le MEDEF a deux choix. Soit augmenter les cotisations d’un point (ce qui dégage 5 millliards) soit taxer les allocataires (les pauvres donc) et en l’occurrence baisser l’allocation de 24 à 20 mois pour les uns et de 7 a 6 mois pour les autres (total 3 milliards). Evidement ils choisissent la deuxième solution. Ce choix répond à une idéologie. C’est de diminuer l’emploi et d’en rendre responsable les pauvres.

Nous qui soutenons les émeutiers sans pouvoir rien faire, il me semble que nous sommes dans une phase d’intense humilité, de frustration et d’impuissance. Je crains qu’un nouveau pêché d’arrogance des pouvoirs publics ne rallume le feu aux poudres et ils en sont capables. Alors nous qui sommes confrontés à la précarité, chercheurs, intermittents, étudiants, chômeurs, salariés que ferons-nous ? « La mort ce n’est pas ne pas pouvoir communiquer, c’est ne pas pouvoir être compris. » disait Pasolini. Et nous avons l’impression qu’ils savent ...

15 _ Marie
Tellement triste et choquée.

Avant de l’être des mots de N. Sarkozy, triste et choquée parce que, dans les collèges dits sensibles, il semble déjà se perdre ce qui s’y essayait tout doucement (ateliers d’écriture, projets artistiques et culturels), choquée encore parce que mes collègues (et camarades), après avoir cru à l’égalité des chances, à l’heure où leurs enfants entrent au collège tordent la carte scolaire pour éviter à leurs petits les collèges sensible de nos petites banlieues, choquée chaque fois que celui qui possède la chance des mots n’en fait pas partage. Choquée infiniment des paroles de N. Sarkozy. Et honteuse.

Serait-il possible d’élargir la pétition de Leslie Kaplan à tous ceux, écrivains, professeurs, éducateurs, militants, qui oeuvrent dans les quartiers sensibles ? Merci.

débat clos, de nombreux autres forums traitant ces thèmes


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 22 novembre 2005
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