sans logement tout le monde

un autre mode d’urbanisme, pas moins pertinent


Sans logement ne signifiait pas sans abri.

Dans cette grande ville, on avait soigneusement tout étudié. Dans la journée, les bureaux, les commerces, les hôpitaux, écoles et toutes activités. Mais à quoi servaient-ils, finalement, ces appartements qui encombraient le pourtour des villes ? On les construisait tous pareils, la vie y était triste, et, quand ceux qui les habitaient s’y réfugiaient, la ville était vide. Et pour faire quoi ? Se nourrir ? Les galeries souterraines fournissaient largement à tout désir, toute variété. Prendre soin de son corps, le laver, le baigner, le muscler ? La ville y pourvoyait, en général à quelques étages des bureaux. Se distraire, regarder la télévision ? Facile. Restait évidemment la famille, le couple, l’amour : pas question de noyer cela dans la ville. Mais c’était déjà, depuis si longtemps, des heures si compartimentées. On avait adapté les hôtels en surnombre, et chacun disposait par son entreprise de clés d’accès valables deux heures ou même un peu plus, et avec tellement d’avantages. Dans cette ville, on était finalement satisfait de l’expérimentation. Des parcs avaient remplacé les anciens immeubles. On trouvait que désormais, ici, on socialisait mieux, on déambulait plus. Finalement, on se cloîtrait beaucoup moins, on achetait plus.

Et qui se plaignait d’être désormais débarrassé même du sommeil ? Ce qui mangeait le temps, avant, c’était le temps de transit. Maintenant, c’était où on voulait. On s’installait là, tout confortablement. Le matin, on entrait dans ces établissements avec cabines, on y prenait soin de votre linge. On avait oublié la notion d’objets personnels. On se connectait où on voulait, on disposait chacun de l’accès à sa banque virtuelle. On avait sur soi l’appareil informatique à tout faire : vous vouliez retrouver un proche dans la ville, c’était facile. Vous vouliez vous isoler là, tranquillement, pour quelques heures de repos ? Rien de plus facile.

Comment comprendre la réticence qu’offrent d’autres villes modernes pour ces nouveaux usages : ils sont, dit-on ici, la quintessence de la ville. Au point d’avoir beaucoup de mal, lorsqu’il leur arrive de voyager.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 22 novembre 2008
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