comment j’ai téléchargé mon propre livre à la Fnac

format epub sans justif de fin de ligne et Windows only : copie à revoir !


Avis : à 10 jours de la mise en ligne de ce billet, et compte tenu du nombre de consultations, de mails privés, et de prolongements, lire Fnac et téléchargement, suite.

FB

Evidemment, il fallait que je fasse le test, et même un test raté vaut bien 18 euros.

Du moins : la preuve qu’une toute petite structure dans l’esprit web 2.0 est plus forte qu’un mastodonte qui ne comprend rien au web, ça vaut bien 18 euros. La Fnac, à grand renfort de publicité, met en vitrine la version numérique de mon Bob Dylan, mais ce qu’elle propose pour 18 euros (et qui sera disponible à moitié de ce prix en livre de poche en avril), est un monstre présenté sans typographie, avec des liens hypertextes en bleu souligné, pas de justif (alignement à gauche : rédhibitoire pour la lecture longue, alors que la différence entre le Sony et les précédents modèles de liseuses, c’est bien de vous permettre de lire aussi bien et longtemps que sur livre papier), tandis que les textes que nous proposons à 5,50 euros sur publie.net exploitent bien plus à fond l’outil numérique qu’est le Sony Reader.

Et qu’il ne faut pas jeter le Sony avec la plate-forme Fnac. Simplement, que les mastodontes épiciers devraient comprendre qu’une des obligations du web, c’est la participation de l’usager et son respect. Sinon, on se plante.

C’est une vieille tradition dans l’édition, pourtant : on réimprime votre livre, vous recevez un exemplaire de justif. Vous êtes traduit à l’étranger, vous recevez un exemplaire de justif. Vous êtes repris en poche ou en club, exemplaire de justif. On vous met en vitrine à 18 euros en fichier epub impraticable, on se garde bien de vous en proposer un.

Pourquoi c’est moche ? Parce que la logique des commerçants, c’est de privilégier la gestion des copyrights (les interdits de recopie) sur ce qui devrait être le premier principe : une typo numérique qui soit au niveau de celle du livre. Essayez les textes gratuits sur publie.net, vous comprendrez la différence.

Pourquoi on a le droit de le dire ? Parce que nous sommes un petit nombre à dire ceci : l’éventuelle chance numérique pour l’édition traditionnelle, ce n’est pas de transposer le livre papier sous format numérique et nous donner à choisir, ce serait de les associer.

18 euros pour ça, pas d’accord (et pourtant le livre est bien, si si !)

Par exemple, le même jour où la Fnac lance (et je toucherai 11% du prix HT du téléchargement, ce qui est un autre problème : sur publie.net, on a décidé coopérative à 50% pour l’auteur, 50% pour la structure – même avec un texte proposé 5,50 euros, moins 90 cts TVA, en attendant qu’on migre tout ça au Canada, on rémunère plus l’auteur que ce j’obtiens sur un téléchargement Fnac) ma bio Dylan en epub, le responsable de Sony France présente à Tokyo, devant l’ensemble des développeurs du groupe, une recherche sur le principe suivant (sur une idée de François Pachet, enrichissements suggérés par FB, traduction japonaise Toshihiro Kokubu). Explication :

Ça y est, vous avez pris en main votre PRS-505 ? (apparemment, des dizaines et dizaines de personnes, je le constate, s’en sont procuré ces dernières semaines – sauf qu’ils les commandent à Londres, dans votre boîte à lettres en 48 heures pour 50 euros de moins que le prix français, encore une incongruité : comment faire confiance, si même à ce niveau on affirme le mépris du client ?)

En bas de l’écran, une petite barre noire d’affichage. Elle comporte le niveau de charge de la batterie, mais c’est ma pomme (pas mon Mac, moi) qui ai signalé aux amis du centre de recherche Sony ce que m’avait d’abord signalé Olivier Guéry, blogueur, par ailleurs kiné avec beaucoup de déplacements, auquel j’avais rapporté de New York, en juillet, sa propre Sony : une bleue. Un petit software, non pas issu de Sony mais de bidouilleurs, permet de rentrer dans la petite barre noire et d’y afficher l’horloge interne de la machine.

C’est simple, mais Sony n’y avait pas pensé : quand vous lisez dans les transports, quand vous lisez le soir tard au lit, et je vous assure que la Sony c’est formidable pour ça, c’est quand même confort de savoir l’heure qu’il est, quand l’appareil que vous tenez le permet. Alors on a eu cette idée : puisque la barre noire indique le niveau de batterie, d’ailleurs peu utile vu la faible consommation de l’appareil, votre numéro de page et le nombre de pages de l’ouvrage, pourquoi ne pas y ajouter une mini icône surgissante IMG si le texte inclut des images, et une mini icône surgissante SON si le texte est relié à des sons ?

Stones en studio : image surgissante pour les enrichissements Sony

Et François Pachet, senior researcher maison (passionnantes, leurs recherches, dans une discrète maison parisienne derrière la rue d’Ulm, sur la reconnaissance de langage, sur la constitution langagière en présence d’objets inconnus de robot à robot, mais aussi modélisation de la prolifération cancéreuse, de la propagation climatique etc...), a installé le petit soft suivant : s’il y a 3 images associées au texte, on affichera 1, 2, 3 à côté de l’icône IMG apparaissante, vous appuyez sur la touche 1, 2 ou 3 et l’image surgit au premier plan devant le texte, vous relâchez, elle s’efface sous le texte. Les chiffres 4, 5, 6 s’affichent près de l’icône SON, une pression sur la touche correspondante déclenche l’extrait audio dans la prise casque. Problème de droits y afférant ? Sur le Reader, il peut s’agir de mini extraits, on n’alourdit rien, on reste dans le droit de citation, l’extrait est inclut dans le PDF (nous avons travaillé avec des PDF enrichis via Acrobat 8). Si on est sur l’ordi, puisque Sony refuse pour l’instant le choix du Reader communiquant, on pioche l’extrait dans l’incroyable réservoir de streaming parfaitement légal qu’est deezer.com.

Pour la communication devant les instances Sony, il fallait un texte japonais, ça tombe bien, ma biographie des Stones a été traduite en 2003/2004 – j’en suis très fier – par Toshihiro Kokubu, Toshihiro m’envoie le passage correspondant à Not fade away, qui a été une bascule dans le début des Rolling Stones. Quand on ouvre le PDF, choix sur le Sony Reader entre la version française et la version japonaise. Puis, à mesure qu’on entre dans les 12 pages de l’extrait, une dizaine de photographies d’archives de ma collection, les versions de Not Fade Away par Buddy Holly ou le regretté Bo Diddley. Mais aussi une chanson des Ronettes de Phil Spector, qui dirige l’enregistrement, et de Gene Pitney, qui débarque en pleine nuit et les fait tout recommence. Et puis Not Fade Away dans la version Stones originale, mais aussi comme ils la jouent en public 30 ans plus tard au Paradiso d’Amsterdam. Et comme il s’agit de démo, on s’est aussi permis la simulation de vidéos YouTube d’époque associées en paratexte...

Voilà comment, hier après-midi, publie.net a fait rêver Sony, on vous tiendra au courant des suites – j’aurais bien fait le voyage pour porter moi-même le PDF à trésors (archive .rar de 7,7 Mo)...

texte japonais de ma bio Rolling Stones (trad Toshihiro Kokubu), avec les enrichissements prêts pour l’affichage paratexte en démo Sony Reader

Oui, le PRS-505 est un terminal dédié, qui concurrence le livre et non l’ordinateur (il présente une ergonomie de lecture qui fait oublier le livre, le fait préférer au livre, ce dont l’édition n’a pas encore complètement conscience – mais, et même si le 700 qui sera commercialisé tout bientôt présente une interface tactile de prise de notes, fondamental, la liseuse ne remplace pas l’ordinateur : seulement, l’ordinateur, même le meilleur, ne vous permet pas la lecture dense), le PRS-505 peut nous autoriser des concepts d’édition numérique qui ne sont pas le texte illustré, mais une pratique de lecture enrichie beaucoup plus complexe, même dans l’espace de son écran de 6".

Je reste une seconde avec les amis de chez Sony. D’abord j’assume le mot amis : parce qu’on vous accueille, mini usager, et qu’on vous écoute. Et pas impossible, via leur intermédiaire, de poser des questions à Adobe ou Firefox, qui sont aussi des entités avec visage. La question du PDF reflowable (gros défaut du Sony : sur PDF vous avez droit à 3 formats, L, S et M comme dans les fringues, mais si vous commutez le texte est illisible, tandis que le précédent soft avait une option "enlever les marges" qui permettait de grossir discrètement le PDF...), ou la gestion de la bibliothèque embarquée...

Parce que voilà la discussion qu’on avait : comment Sony peut-il proposer un appareil aussi performant, qui s’intègre aussi vite dans les usages personnels, et se préoccuper si peu du soft embarqué ? Ils n’en fournissent même pas de version Mac, sur la boîte c’est bien marqué Windows only. Peu importe, on a l’excellent logiciel Calibre qui fait le travail.

Mais prenez la page d’accueil : la fonction Catalogue, impossible sous Calibre. La ligne Derniers bookmarks, relativement inutile. Alors pourquoi ne pas installer, dans le menu d’accueil, une ligne Textes personnels ? Fondamental : nous chargeons sur la Sony des dizaines de textes qui nous sont utiles. Textes en cours, notes pour les conférences, ou, dans l’édition, manuscrit ou épreuves à relire. Mais il nous faut les mêler à la bibliothèque, le bureau et les rayons de livres se mélangent.

Et d’urgence, une ligne Articles & flux : vous branchez la Sony sur votre ordi, un clic sur Calibre ou Feedbooks, et la sélection de vos flux rss préférés, ou thématiques, génère en quelques dizaines de secondes un fichier epub (pour cela, l’epub est parfait), et dans le train, sur votre canapé ou n’importe où (qu’on cesse de nous dire que l’eBook c’est « pour lire à la plage »), vous lisez votre veille Internet hors ligne, avec le confort de la lecture dense.

C’est là où je voulais en venir. Discussion avec les responsables Sony France : ce qui les a fait retarder la mise en place du PRS-505, c’est le peu de disponibilité de livres numériques, il leur fallait attendre les 1000 titres en ligne que propose depuis hier matin la FNAC.

Rimbaud numérique sur publie.net : pas le droit d’être moins bon que le livre

Non ! Allez sur le site Fnac, c’est l’éternelle serinade : nos meilleures ventes, nos coups de coeur ou le slogan vous allez dévorer nos livres. Non : on ne dévore pas. On a besoin d’un appareil qui soit, slogan FNAC, agitateur de curiosité. Les trucs dont on a besoin dans son cartable, ou en intervention. Ce n’est pas mon Dylan, qu’ils auraient dû numériser, mais mon livre sur les ateliers d’écriture Tous les mots sont adultes, plein d’outils à copier/coller.

Moi, j’aurais proposé, tenez : la traduction neuve de Saint-Augustin, Les Aveux par Frédéric Boyer, il y a 1 an, chez POL. Le livre coûte 22,80 euros sur le site Fnac, on pourrait proposer dans le dossier numérique les anciennes traductions historiques (et libres), mais pourquoi pas le texte latin, pourquoi pas l’iconographie, pourquoi pas d’autres textes associés (extraits de Chateaubriand et tant d’autres). Et les libraires retrouvent ici une belle carte à jouer : si on achète le livre dans leur réseau, le code-barre déclenche automatiquement un code d’accès sur le ticket de caisse, vous rentrez chez vous avec le livre papier, et vous avez accès gratuit au dossier numérique, y compris une version numérique du texte qui vous permettra de poursuivre votre lecture dans le train, ou sur votre iPhone.

Côté publie.net, on travaille à cela avec Verdier : d’ici quelques jours, une version exclusive payante (mais au prix livre de poche, pas au prix « papier moins 20% » que veulent nous imposer les éditeurs, concept proprement délirant, mais tout simplement parce qu’ils gagnent leur vie sur la diffusion, camions et cartons...) Sony de mon livre Mécanique, paru en 2001, mais toute personne qui dispose chez elle du livre papier – donc sans concurrence déloyale à la librairie – n’aura qu’à rentrer un petit mot de passe pour disposer, gratuitement, de la version numérique.

Vous voyez, ça fourmille, c’est très excitant. Mais, le principal de tout ça, c’est le confort de la lecture. Disposer sur le Sony eReader du même niveau de lecture que les livres papier, c’est le premier respect dû au lecteur, et, décidément non, les 18 euros que je viens de payer pour voir ce que la Fnac a fait de mon livre, ce n’est pas du respect. On ne revient pas à une typo non justifiée, 300 ans après Aldo Manuzio, et pas possible de lire comme ça un livre de 380 pages. Et ce n’est pas honorer le numérique que proposer du texte au kilomètre, alors que l’outil permet d’associer des images, du son, des textes complémentaires (ils m’auraient demandé, j’aurais pu fournir des tas d’archives libres de droit, on aurait au moins eu, pour les 18 euros, quelques bonus tracks... Voyez ce que Lou Reed a donné à Fiction & Cie pour la parution papier de sa traduction...). Pour l’édition web, la permission mais l’obligation d’une autre interactivité auteur/lecteur, donc avec l’auteur, et de notre côté on est partant, encore faut-il qu’on nous le demande ! – sinon, c’est mort.

Alors, c’était ça, notre récente discussion avec Sony : – Mais alors, vous avez quoi, dans votre Sony ? Voir ma réponse d’il y a 1 mois. A ce jour, sur la mienne, 180 titres (elle en tiendrait allègrement 6 fois plus). Des eBooks gratuits ? Oui, quelques-uns, de chez FeedBooks, eBooksgratuits (chez les deux, il y en a d’excellents, et quelques pirates), ou venus du Québec, où on trouve d’excellents livres sous droits qu’on n’aurait pas le droit de diffuser en France. Mais les gratuits ont vite leur limite : traductions obsolètes (Don Quichotte par Viardot, on a mieux...), préparation éditoriale à la louche (césures, coquilles).

Effectivement, la non-pertinence de l’offre a déjà créé, pour le Sony, un discret monde d’échanges tournants. J’ai tout Beckett dans ma bibliothèque papier, et une bibliothèque numérique Beckett (ou Claude Simon, ou Saint-John Perse) assez considérable sur mon Reader : j’ai le droit, étant détenteur des livres papiers, de m’en constituer copie privée. Et le droit moral, parce que si on me proposait aujourd’hui un Gracq ou un Michaux numériques payants, je m’y précipiterais – parce que j’en ai besoin.

Mais la justification du Sony, c’est aussi de lire des articles, des flux, des mémoires transmis par des étudiants, des manuscrits qu’on va éditer etc. C’est la pertinence d’une bibliothèque numérique libre de droits qui ouvre un immense plaisir de relire. On n’emporterait pas en vacances tout son Nerval, tout son Montaigne, tout son Maupassant, son Rimbaud, son Baudelaire... Gallica, à la BNF, avait mis en ligne il y a quelques années, en mode texte pour une fois, la totalité de l’ancienne collection Garnier « jaune » : je l’ai entièrement transférée sur Sony.

Gens de la Fnac : La Mer, de Jules Michelet, un des plus beaux livres de langue française, téléchargez-le sur publie.net, vous verrez la différence. Mais, ô gens de la Fnac, puisque je sais que vous passez là, une proposition : avec notre nouvelle interface, en 1 clic vous rajoutez à votre base, à 5,50 euros, 10% du prix HT pour vous (et même, je veux bien négocier), 3 de nos best-sellers : Olivier Rolin, Bernard Noël, Eric Chevillard... Et, pour me faire plaisir et me récompenser de vous en donner l’idée, vous m’ajoutez Michaël Glück ou Michèle Dujardin parce que c’est beau et urgent, et le Dominique Dussidour parce qu’il est accompagné d’un livre papier – vous restez à l’écoute ?

D’accord, la balle est dans le camp d’Adobe Digital Editions – quand l’epub sera mûr, on basculera tous. En attendant, nous on préfère le multi-formats sur mesure. Et, du coup, le boulot de la petite planche à voile publie.net est plus avancé que celui du grand cargo Fnac : proposez mon Bob Dylan en epub si vous voulez, mais ajoutez donc à votre catalogue quelques textes publie.net : on est prêts, éditorialement, juridiquement, techniquement, alors chiche ?


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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 octobre 2008
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