(ça fera plaisir aux Américains, enfin : certains)
Les jours raccourcissent. Un vent froid balaye les feuilles mortes, et le matin parfois les vignes sont couvertes de gelée blanche…
Qui dira que monsieur le journaliste américain n’aime pas la France, ne vient pas ici avec ses cordes les plus sensibles, la meilleure volonté du monde, et une capacité poétique que c’en est presque du Walt Whitman ?
L’année culturelle française, bien sûr c’est la foire d’empoigne des 683 romans de la rentrée, on a la gueule de bois tellement on sort d’en prendre : durée de vie moyenne d’un livre en lbrairie 56 jours, la plupart des romans de rentrée ont déjà été évacués, seulement voilà – et si la littérature était ailleurs ?
There is one problem. All of these mighty oaks being felled in France’s cultural forest make barely a sound in the wider world. Once admired for the dominating excellence of its writers, artists and musicians, France today is a wilting power in the global cultural marketplace. That is an especially sensitive issue right now, as a forceful new President, Nicolas Sarkozy, sets out to restore French standing in the world. When it comes to culture, he will have his work cut out for him.
Pauvres Français : ils prennent au sérieux leur culture. Personne pour prendre la culture autant au sérieux que les Français. Moi je le sais pour Bob Dylan : « Ça vous a appris quoi, le rock’n roll ? – Carelessness, s’en fiche… » J’aurais même tendance, personnellement, à prendre ça au sérieux aussi pour la littérature : garder du bruit, garder du brut – l’écriture en ligne m’aide aussi à ça. Et toutes nos petites villes, c’est-y pas mignon, qui ont chacune leur orchestre, leur petit festival et le quatuor à cordes dans l’église du samedi soir : moi j’ai plutôt pitié, quand je vois la façon dont sont traités dans ce pays les musiciens du classique, et la façon dont fait de ceux qui s’obstinent à Scelsi ou Bartok des espèces de musée vivant, bon à jouer en tenue dans une église à courants d’air. Et puis, les plus contemporains de nos contemporains, on sait bien que c’est plus facile de les croiser à New York, Barcelone ou Berlin (trois villes où je n’ai pas de problème pour trouver où m’héberger), ou même à Bruxelles maintenant, qu’à Paris intra-muros : seulement, monsieur l’Américain, vous êtes sûr que c’est de la faute aux artistes ? Global cultural marketplace : et si le contemporain, littérature ou musique ou image, il fallait le chercher ailleurs que dans le (global market ? Frontpage news all-over the country : ben oui, et que nous aussi on en souffre, tout le monde qui parle de la même chose. Seulement, le tout le monde, ça veut surtout dire les journaux, rien que les journaux, et tamis supplémentaire pour la télé : mais peut-être qu’il y a déjà un moment que, pour survivre, on écoute autre chose, on cherche ailleurs. Cher monsieur l’Américain, vous n’étiez pas aux Petites Fugues, ce week-end ?
Je crois que c’est là que j’ai fait le copier/coller : il y a 15 ou 20 ans, quand j’ai commencé de publier (je suis désolé de compter, moi j’ai plutôt l’impression que le temps s’est arrêté à mes 30 balais), publier à l’étranger c’était une curiosité partagée. Je me souviens de Colette Olive (Verdier), dans les allées de Francfort, pas celles des carnets de chèque, celles des « petits » éditeurs et qu’on fonctionnait par échange de droits. Jamais le souvenir, pour Manholt Verlag à Brême ou Van Oorschot à Amsterdam, que les droits d’auteurs aient dépassé les 3000 francs. Mais après, Suède, Danemark, Italie, Pologne, c’étaient des rencontres dans des librairies, ou les Instituts français devenus maintenant usines à cours de langue business style. En 15 ans, les livres traduits le sont dans tous les pays simultanément, mais ça ne concerne plus que le même noyau extrêmement restreint de livres. Alors oui, facile, amis américains, citez les grands noms : Molière, à la figure raclée sur le bouton doré d’un duc (relire le monologue avec les 47 boutons à prononcer chacun d’un ton différent, pour se venger), Balzac qu’on prenait pour un jean-foutre de langue floue à côté de Dumas et des autres, et Flaubert : Flaubert à qui n’a pas manqué son audience abroad, réputation de l’autre côté de la mer. Flaubert qui aurait été célèbre en Amérique ? Il est marrant le gars, ferait mieux de le lire, Gustave. Ah, que la rhétorique est belle : on en a eu, des prix Nobel, mon bon monsieur, mais que voulez-vous, le dernier français était chinois… Et pas de quoi être fier pour répondre, quand on se souvient la façon dont en France avait été accueillie la nouvelle que Claude Simon avait reçu le Nobel… Ou combien on est à promener notre Saint-John Perse dans nos poches. Alors qu’en France 30% de toute la fiction publiée est traduite de l’anglais : valeur universelle, monsieur l’Américain, ou juste le merchandising de l’édition marchande ? A l’Olivier, chez Albin avec Francis Geffard, ou sur la table de Claro, traducteur, je sais bien que la littérature américaine qui me percute est bien peu différente, audience comprise, à ce dont nous sommes, nous aussi, en recherche…
Tiens, identique schéma à répétition : deux noms pour faire gentil, et puis on tape. Qu’il se prenne dans la figure, je le souhaite, un peu de la vie américaine décrite par Raphaël Nadjari, marseillais à New York. Ses copains de Sonic Youth ne se posent pas ces mêmes problèmes. Moi, c’est plutôt ce brassage-là, qui m’intéresse. Requiem for a dream, avec la grimace d’Hubert Selby juste en arrière, bien plus notre pays que cette routine des magazines, dont le premier critère, heureusement, c’est qu’on l’oublie à la semaine, le syndrome frappe ici aussi. Tandis que Proust, ah ce titre In search of lost time, petits Français en quête de leur âge d’or perdu, nous on continue de le travailler. Quant à Ratatouille, désolé, je n’en avais même pas entendu parler.
Je vous suggère, monsieur l’Américain, d’aller visiter en détail, pour les derniers mois, le blog de Jérémy Liron : artiste ayant terminé ses études aux Beaux-Arts Paris il y a deux ans, mais continuant d’y fréquenter quelques jeunes artistes américains ou israéliens ou japonais (ah, le café d’en face). Depuis deux ans, s’obstinant à des résidences itinérantes, Valenciennes, Evreux, actuellement Montluçon, logé plus 480 euros par mois : ben voilà, moi c’est plutôt au travail en cours, que je jauge l’intérêt de l’artiste. Et si je relis ce qu’il en a été pour Hélion, Chaissac, et même quelques forts de maintenant, comme le haut Christian Boltanski, non, franchement, c’est la grille de lecture qui ne va pas : sur ce terrain-là, et sans grossièreté facile, on reste concurrentiel…
Et vous, vous sauriez citer un musicien français, à part Johnny Halliday ? Au ouais, c’est pas des pop-star, on sait pas faire des pop-star : encore mieux, nos pop-star n’arrêtent pas de se faire passer pour le contraire... Je préfère aller me réécouter cette émission radio où Bob Dylan parle de l’importance pour lui, dans les années 50, des chanteurs américains qui traduisaient et adaptaient Azanavour. On lui fait quoi, la liste des musicos de chez nous qui tournent avec les gros bras de chez lui ? Seulement, on doit pas écouter exactement la même chose.
Le profil culturel français amoindri… La politique protectionniste de promotion des artistes locaux…
C’est nous qui civilisions… Et même, au temps des Lumières : qu’on y est arrivé un petit peu… Un rôle positif… Et qu’est-ce qu’ils vont comprendre, ses lecteurs, de l’infâme décret réhabilitant les exactions coloniales ? Et que c’était la même clique Sarkozy dont il s’amuse soigneusement à manipuler la phrase où nous autres (rappelez-vous la déclaration de juillet de Christine Lagarde, ministre de l’économie, sur le rôle des idées), on serait comme la Tour Eiffel à Noël ?
Whether such efforts will have much impact on foreign perception is another matter. In a September poll of 1,310 Americans for Le Figaro magazine, only 20% considered culture to be a domain in which France excels, far behind cuisine. Domestic expectations are low as well. Many French believe the country and its culture have been in decline since — pick a date : 1940 and the humiliating German occupation ; 1954, the start of the divisive Algerian conflict ; or 1968, the revolutionary year which conservatives like Sarkozy say brought France under the sway of a new, more casual generation that has undermined standards of education and deportment.
Merci le Figaro Magazine d’avoir été demander à 1310 Américains — où, comment, pourquoi, lesquels ? – de dire ce qu’ils pensent de la culture française, plus camembert et Irak… Foutoir, foutaises : carambouille ordinaire de l’écriture magazine consommable, ou déréliction de toute pensée, oh Marcuse, pourvu que ça abonde ? Et quel rapport avec la soi-disant augmentation des budgets culture ? On a plutôt l’impression, recentrements, regardez l’éducation artistique, en tout cas, pour la liquidation globale en 5 mois des ateliers d’écriture on le sait, que c’est exactement le contraire.
Cultural decline is a more difficult failing to assess — and address. Traditionally a province of the right, it speaks to the nostalgia of some French for the more rigorous, hierarchical society of the 19th and early 20th centuries. Paradoxically, that starchy era inspired much of France’s subsequent cultural vitality. "A lot of French artists were created in opposition to the education system," says Christophe Boïcos, a Paris art lecturer and gallery owner. "Romantics, Impressionists, Modernists — they were rebels against the academic standards of their day. But those standards were quite high and contributed to the impressive quality of the artists who rebelled against them."
Quality, of course, is in the eye of the beholder — as is the very meaning of culture. The term originally referred to the growing of things, as in agriculture. Eventually it came to embrace the cultivation of art, music, poetry and other "high-culture" pursuits of a high-minded élite. In modern times, anthropologists and sociologists have broadened the term to embrace the "low-culture" enthusiasms of the masses, as well as caste systems, burial customs and other behavior.
Comment, un article américain sans foie gras ? Il nous manque le foie gras ! Qu’on nous donne du foie gras ! Patience, patience .... Et vous le saviez, qu’on avait eu un ministre du rock’n roll ?
Cultural subsidies in France are ubiquitous. Producers of just about any nonpornographic movie can get an advance from the government against box-office receipts (most loans are never fully repaid). Proceeds from an 11% tax on cinema tickets are plowed back into subsidies. Canal Plus, the country’s leading pay-TV channel, must spend 20% of its revenues buying rights to French movies. By law, 40% of shows on TV and music on radio must be French. Separate quotas govern prime-time hours to ensure that French programming is not relegated to the middle of the night. The government provides special tax breaks for freelance workers in the performing arts. Painters and sculptors can get subsidized studio space. The state also runs a shadow program out of the Foreign Ministry that goes far beyond the cultural efforts of other major countries. France sends planeloads of artists, performers and their works abroad, and it subsidizes 148 cultural groups, 26 research centers and 176 archaeological digs overseas.
With all those advantages, why don’t French cultural offerings fare better abroad ? One problem is that many of them are in French, now merely the world’s 12th most widely spoken language (Chinese is first, English second). Worse still, the major organs of cultural criticism and publicity — the global buzz machine — are increasingly based in the U.S. and Britain. "In the ’40s and ’50s, everybody knew France was the center of the art scene, and you had to come here to get noticed," says Quemin. "Now you have to go to New York."
On ne tire pas sur les ambulances. On ne s’apesantit pas, non, sur le fait que le français est devenue la 12ème langue la plus parlée. On vous le dit humblement, d’ailleurs, maintenant que l’anglais s’est fait dépasser par le chinois sur Internet. Langues régionales, même combat !
Other critics warn that protecting cultural industries narrows their appeal. With a domestic market sheltered by quotas and a language barrier, French producers can thrive without selling overseas. Only about 1 in 5 French films gets exported to the U.S., 1 in 3 to Germany. "If France were the only nation that could decide what is art and what is not, then French artists would do very well," says Quemin. "But we’re not the only player, so our artists have to learn to look outside."
Bon, serait temps de revenir à la littérature et montrer qu’on en parle intelligemment. Allez, Emaz, Bergounioux, Dupin, Juliet et tous les copains (je prends que des garçons, parce que c’est comme un déménagement) : la littérature d’aujourd’hui doit être transportable et voyageuse. Si ce qu’on écrit ça déconne c’est pour ça : c’est de la littérature qui ne se transporte pas. Most critically revered French novelists write spare, elegant fiction that doesn’t travel well..., c’est dit. Bon, en fait, c’était peut-être pas nous, ceux de l’élégance... Ô mémoire de Tarkos.
Conversely, foreign fiction — especially topical, realistic novels — sells well in France. Such story-driven Anglo-Saxon authors as William Boyd, John le Carré and Ian McEwan are over-represented on French best-seller lists, while Americans such as Paul Auster and Douglas Kennedy are considered adopted sons. "This is a place where literature is still taken seriously," says Kennedy, whose The Woman in the Fifth was a recent best seller in French translation. "But if you look at American fiction, it deals with the American condition, one way or another. French novelists produce interesting stuff, but what they are not doing is looking at France."
Les romanciers français, c’est pas qu’ils ne font pas des trucs intéressants, mais ce qu’ils ne font pas c’est de parler de la France... Si c’est dit par un auteur de best-seller, et qui connaît le 5ème arrondissement de Paris, en plus. Et que Paul Auster c’est mon fils adoptif...
Comment faire de la France un géant culturel à nouveau ? Voyez comme on nous aime… Ils feraient bien une sorte de parc culturel, comme nous autres on faisait des Kanak à l’expo coloniale de 1937…
Sarkozy sent a chill through the French intelligentsia last summer by calling for the "democratization" of culture. Many took this to mean that cultural policy should be based on market forces, not on professional judgments about quality. With more important adversaries to confront — notably the pampered civil-service unions — Sarkozy is unlikely to pick a fight over cultural subsidies, which remain vastly popular.
But the government may well try to foster private participation by tinkering with the tax system. "In the U.S. you can donate a painting to a museum and take a full deduction," says art expert Boïcos. "Here it’s limited. Here the government makes the important decisions. But if the private sector got more involved and cultural institutions got more autonomy, France could undergo a major artistic revival." Sarkozy’s appointment of Christine Albanel as Culture Minister looks like a vote for individual initiative : as director of Versailles, she has cultivated private donations and partnerships with businesses. The Louvre has gone one step further by effectively licensing its name to offshoots in Atlanta and Abu Dhabi.
On a au moins compris que le privé et l’argent c’était la seule voie : on a mis le temps, mais à force que Sarkozy nous l’explique. Et pas d’ambiguïté, pour qui ne saurait pas, sur la raison du choix de l’actuelle ministre de la culture. Seulement voilà : on comprend pour l’argent, on n’y arrive pas pour les idées qui vont avec…
Mais on nous laisse une chance remarquez bien : sur 60 millions, y en a peut-être un quelque part dont le cerveau fonctionne ? Y a juste un problème rédhibitoire : une pensée qui serait intéressante, elle aurait du succès. Mais si elle a du succès, il n’y aura plus personne pour y croire. Pas demain qu’ils émergeront (émargeront) chez nous, les Bill Jobs et Steve Gates.
Même l’ami Guy, embarqué et manipulé : pourtant un qui y bosse sérieusement, à tisser les fils, lire To my american readers.
Vous êtes encore là ? Les lecteurs américains, on ne sait pas trop. On va vous dire quand même qu’il y a quelques restes qui remuent. On va même vous citer 2 livres, entre les chanteurs et les films : le livre (déjà oublié) à la gloire de Sarkozy (me souviens de cette phrase transnotée du maître : Les Bretons sont des cons, une fois que je l’ai ouvert au Relay Montparnasse), et combien de fois depuis le début de l’article il cite Sarkozy ? Et le copain Olivier qui se trouve embauché là-dedans, pour montrer qu’on s’y connaît, qu’on est ouvert et objectif.
Mais, sérieusement, après le foie gras, vous n’auriez rien sur la banlieue ? On vous paye à écrire sur la France et vous n’avez rien trouvé à dire sur la banlieue ? Y a pas d’Américains à Pantin ?
Autre varation : les coléreux, les aigris, les multi-ethniques, ils font encore de la culture. Voire même : ils prétendent que ce qu’ils racontent, sous prétexte d’être coléreux, aigri et multi-ethnique, ça appartient à la culture des sus-nommés Sartre, Malraux, Camus… Remarque parallèle, dans ce cas-là c’est parce qu’on parle d’autre chose que de la France. Bien sûr, j’en connais, et plein, et qui nous font honneur, des écrits, films, photographies avec Afghanistan ou Hongrie. Mais je n’avais jamais pensé que c’était à cause de ça.
Bien sûr parler des vignerons. Ah, les vignerons. La France et le vin. Saurons-nous assez comprendre que faute d’être vigneron… Et Guy Walter à nouveau dans le copier-coller : vraiment, Guy, vous parliez pinard, à ce moment-là de votre coup de téléphone ? Que le renouveau puisse venir des marges est une illusion. Ecrivains de la marge, vous ne réfléchissez pas assez au vin !
Thus will the world discover the eternal youth of France, a nation whose long quest for glory has honed a fine appreciation for the art of borrowing. And when the more conventional minds of the French cultural establishment — along with their self-occupied counterparts abroad — stop fretting about decline and start applauding the ferment on the fringes, France will reclaim its reputation as a cultural power, a land where every new season brings a harvest of genius.
This land is your land… « Que la France puisse à nouveau se prévaloir d’une réputation culturelle si puissante, un pays où chaque saison neuve apporte sa moisson de génie…
» On n’en demandait pas tant !
Nous nous souviendrons en tout cas, et à jamais, du nom plumitif (des fois qu’un jour il ait le prix Nobel) :
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1ère mise en ligne et dernière modification le 26 novembre 2007
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