les 173 chroniques des Débats rassemblées par Christophe Bident
Le 11 mai 1944, à propos de L’Air et les songes de Bachelard :
Le 18 mai 1944, à propos du Dédalus de Joyce :
Le 25 mai 1944, sur le cubisme et le surréalisme :
Le 1er juin 1944, à propos du je littéraire :
Le 8 juin 1944, à propos de la lecture de Charles Cros par les surréalistes
Le 15 juin 1944, à propos de Naissance de Rome par Georges Dumézil :
Le 22 juin 1944, sur William Blake :
Le 29 juin 1944, il cite Maine de Biran :
Le 8 juillet 1944, à propos de Paul Claudel :
Le 13 juillet 1944, sur l’opposition récit et roman :
Le 20 juillet 1944, à propos de Léon Bloy :
Le 27 juillet 1944, Poèmes, et sont cités Henri Thomas, Verlaine, Rmbaud, Desnos :
Le 3 août 1944, à propos de la sincérité :
Le 10 août 1944, Maurice Blanchot écrit à propos de Fils de personne, de Montherlant, livre que manifestement il juge petit. Le 17 août 1944, c’est le texte incroyable et magnifique L’expérience magique d’Henri Michaux repris avec les deux autres interventions sur Michaux dans le petit livre rouge farrago.
Ainsi, d’avril 1941 et le 17 août 1944, avant que cesse le Journal des débats, Maurice Blanchot publie 173 chroniques hebdomadaires.
Faux pas rassemblait 55 de ces chroniques, Christophe Bident rassemble chez Gallimard l’ensemble des autres textes.
Si j’ai cité ces phrases plus haut, c’est pour une évidence, après deux jours de lecture continue : jamais une de ces chroniques sans un point de traverse totale, où on se retrouve en prise sans intermédiaire avec la littérature, ses auteurs, son obscurité, ses enjeux, et c’est violent.
De grands textes, sur Balzac, sur Chateaubriand, sur Bachelard, sur le romantisme, le surréalisme. C’est l’atelier de Blanchot. Celui au cours duquel il passe de la première version de Thomas l’obscur à la seconde.
A lire ces 12 dernières chroniques, de mai à août 44, du débarquement de Normandie à la Libération de Paris, on se dit chaque fois qu’au détour d’une ligne passera quelque chose, se lire à double sens une allusion, qu’un tremblement affectera l’imperturbable : et non. Par quelle aberration obstinée de soi-même ? Il marche dans un couloir, les bras sur la tête.
La littérature est-elle donc à ce point séparée du monde ? Blanchot donnera des bribes de réponse, tout au bout, dans Le Pas au delà, ou L’Entretien infini. Pendant 40 ans il s’en punira, et nous devons à chaque chronique, même si la récompense littéraire que nous y trouvons peut nous en dispenser, garder le continent ultérieur en tête.
Des chroniques qui émergent une fois par semaine dans le Journal des débats, et qui est, où est Blanchot dans la totalité du temps restant ? Des figures comme Elsa Triolet, Eluard ou Marguerite Duras avec son premier livre traversent aussi ces chroniques.
Mais j’ai sans cesse pensé au Très Haut, et à Aminadab : le narrateur de ces deux livres, voilà peut-être à quoi il emploie son temps d’homme invisible, dans la ville abandonnée à la catastrophe ultime : publier chaque semaine une chronique qui annule et la ville et le désastre.
Il n’y a pas à avoir peur de se risquer dans les 600 pages rassemblées par Christophe Bident, qui nous laisse nous en débrouiller : pas de commentaire, que la date, et un index. Le Goethe qui revient dans les pages de Blanchot est l’incarnation intouchable et hautaine de cette littérature qui n’aura pas à rendre compte dans le jeu mesquin de ceux qui dénaturent l’éthique et le destin des hommes. Rien là qui permette d’introduire les débats et contradictions liés aux pamphlets de Céline, hors les textes de la première année, qui se laissent aller à diminuer Romain Rolland ou hausser Drieu la Rochelle : Blanchot laisse cela derrière lui, il en a payé le prix, et Bident n’en rajoute pas, nous laisse avec ce mouvement, par quoi la littérature seule décide de son chemin, et où elle doit s’ancrer pour l’armer.
Ces Chroniques sont en pile chez votre libraire : les familiers de l’œuvre de Blanchot disposeront du livre à mettre chronologiquement à gauche de tous les autres. Pour ceux qui arrivent en vue de ce continent, ce n’est pas la bonne façon de l’aborder : le centre de gravité reste le binôme L’espace littéraire et Le livre à venir, commencez par là, pour que tout le reste se dispose en bonne place. Et, si c’est d’approcher la littérature en amont de Blanchot, l’autre binôme : Faux pas et La part du feu. La façon dont les 55 textes de Faux pas nient et relève les 120 autres chroniques : mais justement, sans les annuler.
Et puis, si vous partez dans le feuilleton des Chroniques, mettez sur la table de chevet, lisez parallèlement, Aminadab ou Le très haut, accessibles dans la collection L’Imaginaire de Gallimard. L’un ne peut aller sans l’autre : c’est de notre histoire qu’il est question. Et se souvenir que Blanchot a trouvé sa rédemption : le dernier texte, publié aux jours mêmes que les nazis sortent de Paris, c’est l’accomplissement du texte sur Michaux, et ses monstres. On ne vous aura jamais autant parlé de fantastique (Hoffmann, Walpole, Poe, Nerval, Forneret) que dans ces 600 pages : le fantastique justement qui permet à Aminadab et à Le très haut de venir face à la catastrophe des hommes (Christophe Bident ne sera sans doute pas d’accord…).
– photos du haut : variations Photoshop sur visage de Blanchot jeune, photographie de départ en circulation sur Internet.
– site blanchot.fr
– rappel : biographie Maurice Blanchot, partenaire invisible par Christophe Bident, Champ Vallon, 1998.
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 14 octobre 2007
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