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dictionnaire | inspiration

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inspiration


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Mon idée initiale : l’inspiration n’existe pas, il n’y aurait pas d’entrée inspiration dans ce dictionnaire. Aussi bien, c’est le rôle de l’atelier d’écriture, ou de l’accompagnement d’écriture, de travailler sur les stratégies d’idées, de projets, d’aller de l’intuition au développement, d’installer des méthodes et du temps de travail même lorsque l’encéphalogramme est plat,comme de savoir comment aider à laisser venir ou partir à la rencontre de ces épiphanies si chères à Joyce, si déterminantes (plus qu’en prose) dans la poésie, à savoir comment s’appuyer sur un incipit et l’ouvrir. Combien de fois élèves ou étudiants : — J’ai pas eu d’inspiration, monsieur. Ce n’est pas à ce niveau-là que ça se passe, écrire.

entrée proposée par FB

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L’inspiration est une excuse. Une excuse pour celui qui n’écrit pas au prétexte qu’il ne l’aurait pas, que cela lui ferait défaut, et par là même, qui se persuade qu’écrire ne dépendrait pas de lui, mais d’une force supérieure. Alors on s’assoit sur un rocher, on regarde la mer, et on attend qu’elle descende sur soi. L’inspiration, pas la mer. Écrire est une question de maîtrise technique, de confiance en soi, de conditions que l’on sait réunir pour s’y consacrer. Que des éléments sur lesquels on peut travailler. Et le talent ? Mais il n’a aucune importance, le talent. Moins que les gens qu’on croise, les livres qu’on lit, et l’assurance avec laquelle on assume ce qu’on fait. Moins que la nécessité que l’on ressent d’écrire. « Ah, j’étais inspiré », dira-t-on après une séance d’écriture. Non, tu as juste réuni les conditions d’un moment au clavier sans être dérangé, les conditions qui permettent au rythme de la phrase, longtemps travaillé, de te submerger. Alors, oui, les mots ont semblé couler seuls sur la page. Ce n’était pas l’inspiration : c’était toi et l’instant, en phase. Rien qui ne se maîtrise.

entrée proposée par Sébastien Bailly

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Émile-Auguste Chartier (1868-1951), philosophe dont Alain, son pseudonyme, ne doit pas faire oublier qu’il ne se débarrassa jamais de son antisémitisme, affirmait, avec raison, qu’attendre l’inspiration et la penser comme involontaire était « une opinion de paresseux ».

entrée proposée par Ugo Pandolfi

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S’y mettre. Ne rien attendre. Être au rendez-vous. L’inspiration, une improbable dictée des dieux ? Parier peut-être qu’elle existe, être joueuse — pas dupe. Si elle advenait et que vous fussiez loin. L’inspiration : un affleurement-surgissement de quelque chose, un délier qui est élan. Une amplitude.
Et commencer par déposer le fatras de soi. Trouver le neutre : un gris-tendre-gris-cendre. Respirer. Au commencement — serait le souffle— poser le souffle. Une profonde inspiration qui s’expire loin (l’expiration au moins trois fois plus importante que la prise d’air)… Il y aura probablement des moments d’apnée ou d’hyper ventilation, de presque mort c’est le risque, la mort s’embarque.

S’y mettre c’est aussi ne rien faire ; simplement respirer dedans. Respirer dans ce présent là. Etre là : comme pierre, arbre ou fleur arrêtée dans son mouvement, elle meurt avec toutes ses couleurs … Être là, comme faire, respirer dedans avec la force de la fossoyeuse et l’énergie calme du maçon…
Cet élan-inspiration ? Ne demandez pas : prenez. Qu’offrent-elle/il sinon cet accroît de présence et d’amplitude, comme une évidence, un pas de danse qui vole…

entrée proposée par Nathalie Holt

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Le mot inspiration se présente d’emblée pour moi, comme l’acte même de laisser entrer en soi l’air, puis de le rejeter « chargé » de quelque chose d’invisible mais impérieux, refoulant ce qui ne doit pas rester bloqué à l’intérieur trop longtemps. Toute sagesse un peu ancienne souligne l’importance de ces deux mouvements intimement liés et qui conditionnent un certain bien-être physique et mental. Je ne vois pas de différence quand je trace des mots sur une page. Le fait même de prendre conscience de ma propre respiration pendant que j’écris renforce mon adhésion à ce qui se visualise sous ma propre dictée, en partie préconsciente. Les corrections viendront dans la foulée, mais l’inspiration première est involontaire. Cela crée à chaque fois une impression de surprise, plus ou moins agréable. Pour « laisser venir » ce qui s’impose sans sommation, je me suis habituée à garder mon sang-froid. Je refuse de considérer les mots comme des projectiles, je ne veux pas en avoir peur, pas davantage craindre ceux qui proviennent d’autrui. Ce ne sont que des codes provisoires pour que l’échange soit possible dans un environnement partagé. C’est pourquoi j’ai plaisir à écrire lentement, posément, à laisser du silence entre les pensées, des temps de pause. J’aime rattraper mes phrases, une à une, par la peau du cou, grâce aux mots « inspirés » qui viennent à moi. Sans effort, sans forçage, laisser couler. Je laisse s’écrire ce qui se présente à moi à partir d’une idée, d’une émotion encore confuse, d’un mot ou de plusieurs mots. Les formulations des autres me fournissent très souvent des prétextes à textes. J’aime manier la langue française, en explorer les ressources. Dans une autre langue non maîtrisée, je serais extrêmement malheureuse, par manque de vocabulaire et de compréhension. C’est l’air de famille des « signifiants » qui me viennent de l’extérieur que je m’approprie volontiers. J’aime aussi relire, autant dire ravaler ce qui vient d’être écrit pour en sentir la fragance, l’agilité volatile, l’invisible pesanteur...

entrée proposée par Marie-Thérèse Peyrin


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1ère mise en ligne 24 avril 2021 et dernière modification le 20 mai 2021.
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