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dictionnaire | documentation

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documentation


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C’était à l’automne 1983 : sur l’éventaire d’un bouquiniste où je ne me serais pas arrêté sinon, là sur la table du trottoir, un de ces livres illustrés sur les Rolling Stones, mais ce qui me frappe c’est la couverture : j’avais cette photo en poster dans me petit casier d’interne, en terminale au lycée Camille-Guérin, Poitiers. Le livre est corné (il est dans un état presque de délabrement aujourd’hui, mais toujours près de ma table), je l’achète sur un coup de tête. Le soir, en feuilletant, une énorme masse de sensations très diffuses de l’adolescence, de la 5ème à la terminale donc, qui semble soudain émerger, inaccessible, mais comme un fond de moi-même totalement relégué. Puis, lisant les bios, je découvre que Keith Richards avait été enfant de choeur, que Brian Jones s’était rajeuni de deux ans, puis de quatre, enfin qu’on leur avait tous attribué quelques centimètres de taille en plus. Sans le savoir je venais d’amorcer plus de quinze ans de doc systématique : longtemps une sorte d’accompagnement pour les autres livres, dans ces milliers de photos, les meubles, les objets, les voitures, les rues. Puis le projet de livre, qu’en 1996 je soumets à Fayard et qui sera publié en 2002, avec un peu plus de 90 références alors sur mon étagère. Prise où ? Londres, librairie Helter Skelter — elle n’existe plus. New York, librairie du World Trade Center — elle n’existe plus. Puis tous les achats de hasard, les commandes suite à articles ou recensions etc. La documentation n’était pas entrée dans l’ère du web. Aujourd’hui, même si c’est l’accès à des bouquinistes spécialisés (bien plus que d’achats neufs, en fait, désormais), de fouillage d’articles (les bibliothèques ne sont pas vraiment à la pointe en terme d’accès, ce qu’on cherche n’y est jamais numérisé encore), je peux le faire dans le creux de nuit, sans bouger de ma table et de ma lampe. Pour le projet St Kilda, un ami universitaire à Glasgow m’avait fait des photocopies de raretés, l’asso St-Kilda permettait de commander à la bibliothèque d’Edimbourg des journaux (l’infirmière, le pasteur, un capitaine naufragé) soit publiés, soit archivés en tant que manuscrit : j’ai cette documentation là dans un coin du bureau depuis bientôt 15 ans, et le livre n’est pas fait. Qui, jamais, aurait écrit sans documentation ? Même pas Lautréamont, qui copie et recouvre des livres de maths, ou de sciences nats.

entrée proposée par FB

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La documentation, on est censé la retrouver là où on l’a prise, alors on l’indique en note de bas de page. Ou bien elle est disponible pour tout le monde d’un clic, Wikipedia par exemple, ou telle image de Google Earth à telle date (les mouvements des bateaux de guerre américains dans le détroit d’Ormuz chez Jean Rolin) et on indique, plutôt que le lien, la chaîne de recherche pour que vous puissiez la réeffectuer vous-même. Le roman, dans sa tâche d’illusion, incorporait la documentation préalable, en faisait représentation : ça vaut pour Madame Bovary et encore plus pour Salaâmbo. Pour nous, pas la peine : le livre l’incorpore en paratexte (liens, notes), ou peut s’en dispenser, puisqu’aussi bien on ira voir de soi-même, à mesure de la lecture, lieux, événements, images. Alors on lit de la documentation comme elle-même matière du lire imaginaire, c’est le mot américain non fiction. Ou bien on inclut sa fiction comme charriant elle-même la documentation brute, s’y mêlant, la retissant, appuyant son illusion de fiction sur la convocation brute, devenue texte du livre — refaite ou fictive ou pas — de ce qui est présenté comme documentation : W G Sebald a ouvert la voie, Emmanuelle Pireyre y a implanté sa propre caverne.

entrée proposée par FB

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Je ne peux pas écrire sans un minimum de documentation. Parfois il s’agit simplement de la recherche de sources connues que je revisite ; d’autres fois, cela devient exploration et enquête dans des territoires nouveaux. Comment ne pas se faire manger par la recherche documentaire au détriment de l’écriture ?

Le récit de l’enquête peut se suffire, mais la documentation pour être juste et vraie (ou volontairement fausse) où s’arrête-t-elle ?

entrée proposée par Danièle Godard-Livet


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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 avril 2021.
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