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peindre


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La littérature est présente en amont de la prise d’écriture, mais j’ai besoin aussi d’un écart : les autres arts ne sont pas une métaphore, mais ce travail même qui approche et distancie en même temps. Je ne le vis pas selon des hiérarchies : l’architecture et la musique sont au même lieu intérieur, des volumes et de la composition des formes. Peinture et sculpture aussi. C’est probablement différent pour photographie et film, qui requièrent d’autre façon le réel et la narration, ce sont des proximités intenses, mais qui n’interviennent pas dans cet appel à se rapprocher de l’écriture encore impossible, et se distancer aussi par cette marche dans une provisoire suspension de langage. C’est pour cela que venir auprès d’une architecture, comprendre la grammaire d’une musique sont non pas seulement des préparations à l’écriture, mais l’accroissement intime de cette complexité qui l’accueillera. Ainsi la peinture : je reste figé devant peindre, un mouvement, et le temps, et le vacarme extérieur si c’est musée, cessent et restent les géométries (probablement bien avant les couleurs, de par ma disposition intérieure et mes capacités visuelles), et une très lente progression vers — non pas le geste, la technique des peintres m’est étrangère — mais le chemin mental qui a mené à ce peindre, tout aussi bien que sa cessation pragmatique, qui a produit la toile (je prends ce mot pour simplifier). C’est presque plutôt cette cessation pragmatique du mental, dans la réalisation du peindre, qui me rapproche des quelques solides amis plasticiens avec qui la route s’est tissée. On n’ajoute pas à la culture, on rompt avec l’idée dominante de la culture à consommer, ou commenter. On a tranché, c’est devenu ce qu’on voit. Cette cessation, et ce sentiment de pragmatiquement trancher, c’est pour moi la première métaphore de ce que je ressens dans l’écrire, qui permet l’immobilisation provisoire nécessaire à la phrase, et ce pourquoi j’ai tant besoin, avant tous les autres, de celles et ceux qui ouvrent le peindre. Dire que l’écriture est ce peindre, non : on a la description, on a le paysage, on a la ville, on a les figures, on a les images, et la mise en cinétique de tout cela. Mais dans la posture mentale qu’est tout ceci, c’est bien le peindre qui m’est le plus proche, et ça inclut le corps, l’artisanat, la préparation des pigments et pinceaux (ou couteau, ou doigts, ou fer à repasser sur la cire) — alors j’écris. Et pour cela que j’ai un tel manque si privé de confrontation au peindre, tandis que les livres m’apportent la photographie jusqu’à ma table.

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1ère mise en ligne et dernière modification le 6 avril 2021.
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