le roman d’Annick Nay

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Des bords de Loire aux bords de Seine, Annick Nay vit actuellement à Paris. A toujours aimé écrire au gré des saisons et de ses pérégrinations. Ciseler, modeler, sculpter le vif de l’écrit. Partager l’écriture…

20. juste pour voir plus loin.


Nous avons traversé un été, puis un automne… Une traversée de 4 mois … Vingt étapes mémorables … Une voie, des traces, un tissu serré d’échanges.
Et l’hiver se profile.

Nous avons partagé nos interrogations, nos écritures, des textes, des lectures, des commentaires, des films, des vidéos, des musiques, des photos, des performances …

Nous avons suivi le fil des étapes à cloche pied ou en continu et le fil des saisons qui s’écoulent. Le temps nous a manqué ou bien stimulé, imprévisible dans ses effets.

Nous regardons maintenant le temps qui vient, celui de l’hiver, qui laissera place à celui du printemps, et puis le temps de l’été viendra …

Nous observons ce moment particulier où la fin de saison s’étire, s’effiloche, s’étiole, où le changement passe d’imperceptible à quelque chose de palpable. Ce moment délicat où nous sommes tout à la fois dans la nostalgie de ce qui nous quitte, dans la nostalgie de toutes les autres fois où nous avons éprouvé ce petit pincement au cœur, nous signifiant une fin qui prend son temps. Et en même temps, nous savons que nous retrouverons cette sensation de presque rien, ce picotement de l’épiderme, de nos sens, de nos pensées, les prémisses d’un renouveau.

A nouveau mise en mouvement, enrichie de ce qui fût.

A nouveau, développement de l’acuité du regard sur notre propre travail.

Explorer nos écritures inconnues. Rythmer l’écriture dans une régularité. Elaguer sans états d’âmes. S’attabler à sa table d’écriture coûte que coûte quotidiennement. Ne pas céder au doute, ni à l’agitation du monde.

Quitter. Retrouver. Une 5ème saison, qui n’a pas de nom, la saison qui se glisse entre les saisons, la saison qui élargit les perspectives, ouvre les possibles… Et emprunter des chemins singuliers, des chemins qui se renouvellent. Il n’est pas de répit pour les voyageurs.

Se sentir au diapason de cette saison, de ce moment-là. Pause. Calme. Rythme apaisé.

Être dans une observation affutée, une attention soutenue.

Être à l’unisson avec les paysages, les lieux, le moment présent. Flâner autant qu’il est possible. Se désencombrer pour accueillir ce qui viendra.

Difficile parfois de voir décliner une saison quand la perception de celle qui va suivre semble encore floue.

Difficiles transitions sauf si nous prenons un temps, le temps du Nagori, le lent regret de la décroissance d’un flux, d’une énergie stimulante, de ce qui fût face à la perspective de ce qui vient, car inéluctablement, les saisons s’écoulent et s’écouleront.

Être en affinité avec ce qui fait transition, entre le regret de ce qui nous quitte et la perspective joyeuse de retrouver à nouveau des choses qui nous sont chères.

Retrouver la gravité de nos attachements, la qualité des liens qui nous enrichissent de possibilités, les toujours-là, les absents, les éphémères, les nouveaux...

Agrandir nos registres, gravité du danseur, tempo du musicien, délicatesse de l’aquarelliste, construction de l’architecte, lignes de force du dessin classique, précision du calligraphe … toutes pratiques artistiques faisant écho et nidifiant nos propres pratiques.

Des échanges les uns avec les autres, des conversations interrompues puis renouées, mille tissages de ci, de là, sur les chemins de l’écriture. Des liens féconds. Gratitude.

Donner vie à nos textes, toujours un peu plus. Et se recroiser. Et ré échanger …
Nourrir le souffle de l’écriture en continu.

A bientôt

 

11. Mains comme mémoires


proposition de départ

Bonjour les mains. Se frotter les yeux, prendre conscience du jour et de l’heure.
Mains diligentes. Café, douche, se vêtir et la journée peut vraiment commencer. Pourtant le dos résiste un peu, tyrannique. Respirer.
Marcher. Croiser les uns et les autres. Poignées de main parfois, ou juste un signe de tête, une ébauche de sourire.
Mains indiscrètes, douces, rêches, chaudes, froides, fines, épaisses, vigoureuses, molles, livrent un peu de l’autre et de soi.
Mains portraits, soignées, négligées, grimées, tatouées, tachées. Dit un peu plus de l’autre et de soi.
Mains humbles. Couper, détailler, trancher, accommoder, laver, plier, empiler, ranger, tâches au quotidien, répétées à l’infini
Mains habiles. Quand le geste se fait chorégraphie. Mains maladroites, persévérer.

Regarder ses pieds. Embarras. Regarde-t-on ses mains ?
Penser comme un pied. Et comme ses mains ?

Mains au repos. Pause, attention détournée, calme peut-être.
Main qui caresse, main qui gifle : la même ?

L’intruse : distance tu garderas. Deux mains.
Mains qui relient ou implorent

Nos mains. Se retrouver, vraiment. Et ne pas se résoudre à l’impossible séparation, sans retour. Mains vers les étoiles

Nos mains en offrande, paumes ouvertes, dans l’impuissance. Qui écoutera la plainte ? l’irrésolu perpétuel ?

Nos mains, désespérées, les mots absents, inégalités face à face. Sans retour en arrière. Réparation impossible. Temps présent.

Mains tenant crayons et couleurs, décident des traces, de la mise en abyme d’une vie, d’une création, de l’Histoire, de ses errements, d’une possible reconstruction.
Mains comme autobiographie
Mains comme mémoires


 1, Mains de Louise Bourgeois The welcoming hands Bronze-Jardin des Tuileries 2012

 2, Barthélémy Toguo, Le Souffle des offrandes, 2010

Aquarelle sur papier marouflé sur toile, 107 x 89 cm © Courtesy Galerie Lelong & Co. Paris, Bandjoun Station, Cameroun

6. chat n’a pas de nom


« Vingt ans plus tôt, Umberto Ecco s’était fait voler ses comics de Superman par d’autres universitaires lors d’un colloque de sémiologie. » Emmanuelle Pireyre

Nommer, comment ? Distinguer les uns des autres. On ne dit pas les gens, la foule, les blancs, les jaunes, les noirs, les rouges , les lointains, les proches , les honnêtes et les malhonnêtes , les vieux, les jeunes, les parisiens et tous les autres, les bordelais et tous les autres, ( la liste est longue, au hasard, les charentais, les landais, les creusois, les gens du sud, les gens du nord, de l’est, de l’ouest et j’en passe, quelques nuageux aussi) , les soignants, les malades, les bien portants, les bien votants, les calmes, les violents, mais le voisin du dessus, le caissier du Franprix, l’épicier italien, la dame du bus de 8h32, le souriant, la grincheuse , le taiseux, la bavarde… DESANONYMISER...

L’anonymat, tranche d’âge, petit ou grand, blond ou brun, catégorie socio professionnelle, rien ne se dit.

Dire sans rien dire, l’autre, tout ce que n’est pas celui qui prends parole.
Nommer, donner vie à une histoire, un lien, un contexte, un passé, un présent et un devenir.
Ici et là
Clotilde, Marguerite, Suzanne, Jean-Edouard, mes aïeux.
Marie Isabelle, seule amie de lycée après tant de déménagements. Et on doit dire Marie-Isabelle et Bruno, indissociables.
Loïc, accident de moto mortel.
Philippe, capitaine au long cours et inventeur.
Christian, soutien indéfectible.
Gunther et Bernard, opportunistes ?
Françoise, Catherine, Nathalie, le 1er cercle pour les questions existentielles.
Evelyne, Brigitte, déceptions.
Et puis tous les autres, non les moindre …

Cartographie mouvante et vivante, jamais exhaustive. Un instantané, un moment, qui dit peu de la nature des liens, de leurs constructions, ni de leurs évolutions. Mais nous sommes habités par ses liens même si leurs traces sont mouvantes.

Et puis les personnages, piochés ici et là, nommés dans certains de mes textes.
Evelyne, inverser le réel pour en faire un personnage aux antipodes de la réalité.
Eliane, le souvenir d’une amie très chère, aujourd’hui disparue, une énigme persistante, peut ouvrir tous les questionnements.
Annette, une grande amie disparue, même statut qu’Eliane mais dans une chronologie différente, peut ouvrir toutes les questions de cultures et de migrations.
Marie Louise, proche d’Eliane, une énigme aussi, un sujet d’inspiration, une singularité.
Clotilde, Marguerite mes grand-mères qui me servent souvent d’avatar dans mon écriture.
Hélène, haute complexité …
Brigitte, prisonnière d’un rôle construit sans fondation, être « number one » (mais de quoi ?) Un petit côté Windsor, cultiver son rang social lui prend tout son temps et lui enlève toute autonomie.

Et puis Hanna, qui cristallise Hannah Arendt, Alexandra David-Neel, Ella Maillard, Agota Kristof, des destins, des courages, des écrits qui font sens et liens.
Sens et liens varient parfois au fil du temps mais les mailles du tamis font leur travail.

Saisir un prénom pour ce qu’il peut évoquer : un comportement, une situation, une époque, un souvenir, un excès, un manque….
S’appeler Barbara à la ville ou à la campagne ne produit pas le même effet …

Le prénom dont on ne se rappelle jamais, honteusement.

Se rappeler aussi du pouvoir du nom qui signe l’appartenance au genre humain. « Personne ne savait rien de lui, il ne savait pas parler, il n’avait pas de nom » Primo Levi.

5. Ôh mon bôÔô mirÔir


1

Matin chagrin. Matin soleil. Robe jaune ou vert anis, comment savoir, chic. Plutôt inhabituel. Un sourcil plus haut que l’autre Une pupille plus ouverte que l’autre. Interrogation ? Surprise ? C’est quoi cette silhouette qui se mire dans le miroir de l’entrée, en pied ? Le regard fusille la silhouette qui derechef change de tenue.

2

Reflets. Marcher d’un pas alerte, liberté d’une petite promenade. Le reflet persiste, dérangeant, dans les vitrines. Reflet du matin, reflet de la promenade, sensation bizarre, est-ce bien la même ? Trahison. Vite, achever la ballade.

3

Comment faire ? Mais comment faire ? Ces chaussures ravissantes, cuir fin et doux, parfaites alliées de cette robe, non vraiment, aucunes autres ne pourraient faire autant alliance avec l’élégante robe jaune ou vert anis. C’est fatiguant ces gammes de couleurs qui n’ont rien à voir avec ma boite de pastels (48 coloris quand même) pour cette soirée, si élégante, si parisienne, soc chic diraient les magazines à la mode. Mes pieds, mes deux pieds couinent leur douleur dans ces chaussures mesquines. Nu pied ? Oui, c’est mode aussi.

4

L’été. Chaleur, sans surprise. Profiter des matins frais, de cette mise en mouvement du corps tranquille, sereinement. Puis insidieusement, la température monte. Difficile d’échapper à son oppression. Tu cherches la parade. Une longue robe en lin, lin réputé pour son adaptation aux températures hautes. Le lin frais sur la peau est très agréable. Tu vaques, ici et là, à tes occupations. Puis fin de journée. Tu passes devant ton miroir, ton plus fidèle ennemi. Pas mal ta serpillère !

5

L’automne, ma saison préférée. Souvent un peu de brume, les couleurs ne se dévoilent que peu à peu. Buée sur les vitres, buée sur les miroirs. Un état de tranquille insouciance, le regard tourné vers l’intérieur. Et puis se balader à la campagne autorise les tenues de bric et de broc, les tenues fidèles, portées aux saisons précédentes mais si peu. Plaisir de retrouver les vêtements intergénérationnels, légués d’une génération à l’autre. Endosser pour une promenade la veste d’un aïeul. Voyager dans le temps. Voyager dans l’intimité de nos liens.

6

L’hiver. Grand froid, sans surprise. Alors petit sous pull, pull normal, gros pull et puis doudoune, collant, chaussettes, gants, voir bonnet, authentique bonnet, vieux reste mais couleurs chatoyantes, d’un spectacle chevaux et Tibet, Zingaro himself. « C’est qui le machin, là » dit le miroir, ô, mon meilleur et fidèle ennemi.

7

Des fois c’est aussi le printemps. Donc les tee shirts d’hiver sont trop chauds. Ceux d’été, hors saison. Les couleurs d’hiver. Les couleurs d’été. Les couleurs de printemps ne sont pas prévues. Découper, ré assembler, mais quelques cours de couture nécessaires. Et bien, il n’en est pas question. Toutes les figures féminines tutélaires de ma famille se dressent. Ça suffit la couture pour les filles ! T’as entendu le miroir ? Pof, dans ton nez !

8

Des fois la vie est difficile, surtout pour les filles. Quoique ce n’est pas vraiment certain. Mais le laisser croire peut comporter certains avantages. Je cherche lesquels. Mon idiot de miroir n’en n’a aucune idée. Son compte sera réglé à la prochaine brocante.

9

Se mirer au fil de l’onde, une poésie bien connue. La mettre en pratique est assez compliquée. L’onde n’est pas toujours très claire. Et puis il faut se pencher un peu, voir beaucoup, pour un résultat assez fugace. Je n’aurai pas dû si rapidement conclure cette vente à la brocante.

10

A qui se fier dorénavant, me disais-je, avec sagacité. Les réponses ne se précipitent pas vraiment. Puis je regarder les autres si je ne peux sur moi-même porter mon propre regard ? Allo, monsieur Lacan ? Ça fera mille francs.

Quelques réminiscences.

Irving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne.

Daniel Arasse, Détails.

Et l’entrée en scène d’un acteur, qui donne tout de suite le ton, ou d’un pianiste, juste dans le silence qui précède la mélodie, quand il pose ses mains sur les touches.

Et puis finalement, envie d’écrire un texte léger.

4. Fenêtre(s) ouverte(s)


version douce

Une belle journée semble s’annoncer, tout à la fois limpide, soyeuse, claire. Réveil matinal, légère fraicheur, sensation agréable, immobile, regard porté au loin. Par la fenêtre, apprécier le paysage. Au premier plan, un modeste jardin, herbes folles ici et là, quelques fleurs, quelques plantes aromatiques, une surface modeste, un imaginaire majuscule. Il y fait bon s’asseoir et y prendre du temps, déguster un café glacé, pensées flottantes, en roue libre. Un peu plus loin, la brume n’est pas tout à fait dissipée, des rangs de vigne se laissent découvrir progressivement. Patiemment, le regard suit ce lent dévoilement, non pas d’un paysage inconnu, mais d’un paysage fidèle aux souvenirs. Quelques bruissements furtifs, ailes d’oiseaux, ou bien chauves- souris, leurs balades nocturnes achevées. La maison se réveille elle aussi. Quelques craquements familiers, le bois ancien des meubles et des escaliers semble “ travailler ” comme souvent entendu dire par les artisans, exprimant à la fois une familiarité avec la matière et la patience de la pratique, un lent savoir-faire que le temps bonifie. Mais aussi, travailler, comme ce mot semble désagréable à ce moment-là. Mesurer la distorsion entre ce léger moment de grâce matinal et l’univers polysémique du mot, qui devient souvent honni pour tout ce qu’il est possible d’y endurer, dans ces organisations inhumaines, dans ces univers sans limite, et néanmoins graal pour marquer son territoire social dans notre société néo libérale déclinante sans âme, où nous vivons aujourd’hui. Ce matin-là, ce mot travail apparait totalement inapproprié, dans ce lieu, et dans ce moment. C’est seulement le moment où le temps se dilate, où se déploient pensées, idées, projets… Et si la main trace quelques lignes sur le papier, ce n’est que laisser-aller, gribouillages, essais, fortuits, rien de définitif.

L’automne, la saison des demie- teintes, de l’entre-deux, entre chaleur estivale qui fuit et prémisses du froid qui ne demandera bientôt qu’à prendre beaucoup plus d’ampleur. La lumière s’adoucit, les contrastes se font plus délicats. Se sentir au diapason de cette saison, de ce moment-là. Les cheveux roux, négligemment attachés, mettent en valeur le camaïeu de verts du manteau de laine, la longue silhouette, dos tourné, un camaïeu qui rappelle les mousses abondantes des troncs d’arbres en contrebas. Être à l’unisson avec le paysage, les lieux, le moment présent. Flâner autant qu’il est possible. Se désencombrer. Vider ses poches mais pas seulement. Aérer son esprit. Apprécier juste le fait d’être là. La silhouette demeure sans mouvement. Il est parfois difficile de voir décliner une saison quand la perception de celle qui va suivre semble encore bien floue. Difficiles transitions sauf si nous prenons un temps, le temps appelé Nagori, le lent regret de la décroissance de ce qui fût face à la perspective de ce qui vient, car inéluctablement, les saisons s’écoulent, s’écouleront. Pensée magique, notre immobilité pourrait- elle, juste pour un temps, suspendre ce lent mouvement de déclin ?

L’hiver, hiberner. La perspective de l’hiver ne séduit pas vraiment, les journées sont trop courtes. Pourtant le repli imposé, le regard tourné vers l’intérieur peut favoriser un riche travail de re densification de nous-même. Qu’avons-nous fait de tous les hivers passés ? Que pouvons -nous faire dans l’hiver présent ? Peu de choses nouvelles sans doute, plutôt creuser des sillons dont le tracé est déjà là.

Le printemps, le mouvement nous revient. Tous les frémissements possibles de la vie s’expriment. Le printemps d’une vie, où beaucoup, mais vraiment beaucoup d’explorations semblent possibles. Puis les choses, progressivement, deviendront plus mesurées. Nous regretterons nos insouciances, nous apprécierons notre maturité.

Et l’été, à nouveau. Peu de goût pour les couleurs trop vives, les contrastes intenses, et encore moins pour les températures caniculaires qui donnent le sentiment d’être anéanti. Le corps souffre, la lenteur s’impose. Un sentiment de creux, de vide envahit le corps et l’esprit. Lutter contre l’apathie qui gagne du terrain, sournoisement. Changer de paysage, aller là où les eaux sont fraiches et vives ; l’air iodé et stimulant.

Être en affinité avec tout ce qui fait transition, entre le regret de ce qui nous quitte et la perspective joyeuse de retrouver des choses qui nous sont chères. Retrouver la gravité de ce à quoi nous sommes attachés, la qualité des liens qui nous rend si humains, les toujours-là, les absents, les éphémères, les nouveaux... Des rituels, des lieux familiers, des échanges les uns avec les autres, des conversations interrompues renouées, mille tissages de liens … Être là, bien là dans l’instant présent. La longue silhouette se détourne de la fenêtre.

Les saisons …

Les âges de la vie …

Être là aujourd’hui.

version dure

Moment de pause, moment de répit, quelques instants volés au rythme effarant du “ toujours plus ”de cette société néo libérale actuelle, affirmée et ré affirmée sans cesse. Plus de quoi, c’est la question. L’esprit agité par mille questionnements, la silhouette immobile devant la fenêtre ouverte, espère un peu de calme pour éloigner ce qui la submerge en ce moment. Revenir sur le cours du temps passé, les évènements, les joies, les peines, les regrets, les espoirs, les déceptions … Suivre le fil des saisons passées et regarder celle qui vient, automne, hiver, printemps, été. Et surtout observer ce moment particulier où la fin de saison s’effiloche, où le changement passe d’imperceptible à quelque chose de présent. Ce moment délicat où nous sommes tout à la fois dans la nostalgie de ce qui nous quitte dans la saison présente, dans la nostalgie de toutes les autres fois où nous avons éprouvé ce petit pincement au cœur et en même temps, nous savons que nous retrouverons très vraisemblablement cette sensation de presque rien, ce picotement de l’épiderme et de nos pensées. Le doute s’insinue un peu. Vraisemblablement. Mais pas certitude.

En vrac :

Une chambre à soi de Virginia Woolf m’a traversé l’esprit.

Les romans de George Sand également.

Nagori de Ryoko Sekiguchi très inspirant ( et contemporain).

Printemps, été, automne, hiver … et printemps, film de KIM KI-DU , 2003, film coréen.

Version dure : écrite à toute allure.

3. sans destin


sans destin, version longue

Une ville, c’est quoi au juste ? Mauvaise humeur matinale. Un ramassis de destins un peu concentrés ? Et puis quelques architectures, des rues quelconques, des rues commerçantes, quelques lieux historiques, des cafés, des magasins, des souvenirs, des écoles, des lycées, des musées, et puis des souvenirs, des lieux plus souvent fréquentés que d’autres … Le regard posé sur la ville nous lie entièrement à elle. Lieux d’arrivée, lieux de départ, une gare. Toujours excentrée, priorité aux circulations de véhicules, aux flux incessants. Une gare c’est souvent moche, sale, bruyant, triste, un lieu nécessaire, qui se voudrait sans affect. Être en avance (s’y morfondre), être à l’heure (respirer), être en retard (galérer). Regarder sur le quai du train attendu ses comparses, les habitués, les occasionnels, les perdus, les revus (alors qu’on n’y croyait plus), les chagrins (nous reverrons-nous ?). Ne jamais habiter à proximité d’une gare. Être en chagrin d’un lieu, d’un moment. Il y eut pourtant des départs et des retours, des aller-retours, transhumance hebdomadaire, ou plus occasionnelle, des départs aventureux mais avec billet de retour, des départs sans billet de retour. Mettre toute la distance possible entre ce lieu de départ et celui de destination. Des bagages ou pas. Légèreté du bagage, légèreté de l’esprit ou bien destin morcelé … Voyages courts, juste des uns et des autres posés côte à côte … Voyages longs, une sociabilité s’organise, le voyage pourrait devenir plus intéressant. La ville de destination s’approche, des caténaires, des dépôts de matériels, des trains attendant leur prochaine mise en voie, défilent, puis, la foule sur le quai d’arrivée. Tout se joue à ce moment précis, voyageur avec ou sans bagage, a-t-il une destination précise dans cette ville d’arrivée ? L’insécurité de ne savoir où aller se lit dans le regard, il devient la proie de la ville- piège, la ville-rêvée s’estompe, la ville-réelle se montre sans fard, des solitudes accolées le plus souvent. Combien viennent pour s’y installer et repartent rapidement, ou bien, souhaitaient ne faire qu’un court passage, et en fait passeront là une grande partie de leur vie, encombrés de mille obligations. Villes sur les rives d’un fleuve, ville de bords de mer, ville de montagne, villes perdues, villes connues, quitter quoi, retrouver qui, construire quoi ? Ainsi les pensées d’Hanna défilaient, défilaient continûment, sans respiration, sans pause. Tout le monde a un port d’attache, la ville de son enfance, la ville de ses études, la ville de sa famille, la ville de son premier travail, la ville de son premier amour, la ville témoin du nouvel élan pris par la vie… Ou bien, avoir imaginé ce nouvel élan, à ce moment- là, mais aujourd’hui qu’en savoir vraiment ? Quitter la ville. Oui mais laquelle quitter ? Et quitter pour quelle destination ? Un alpage difficile à atteindre, comme ses femmes exploratrices, qui, leurs nombreux voyages terminés, choisissent des lieux difficiles à atteindre, nécessitant de gravir un col, de grimper un chemin de montagne particulièrement raide et l’hiver venu, la neige bloquant les accès, n’avoir qu’un feu dans la cheminée pour seule compagnie. Intimité de soi à soi, propice à la création ou à la remémoration, le regard tourné vers l’intérieur. Quitter une ville étouffante pour des ailleurs à explorer. C’est la mise en mouvement l’important. Tant de destins à la géographie confite, aux ressassements sur place. Hanna se rappela soudain, elle habitait Genève à cette époque, avoir vu arriver chez elle, 2 adolescents, en mobylette, le fils d’une amie et son copain. Ils avaient décidé de parcourir le vaste monde et venaient lui demander l’hospitalité pour quelques nuits. Quatorze ou quinze ans, pas plus, et pas peu fiers de leur périple.

sans destin, version brève

Des villes, ne rien savoir vraiment. Des lieux, des flux, arriver, partir, revenir, découvrir des agencements. Développer l’acuité du regard, discerner les empilements, ville-rêvée ; ville-piège ; ville-réelle ; ville-promesse ; ville-mutante… Et Hanna, en filigrane, se déplace dans le feuilletage urbain. Surtout ne pas se laisser happer. Sa silhouette se raidie plus ou moins sous les tensions, son questionnement incessant, sa quête.

J1, 27 juin. Je n’arrive pas à me décoller du texte du bruit de l’œuf dur sur le comptoir quand on a faim, ni des films en N&B sur la grande dépression aux USA : des vigiles et leurs battes de base-ball pourchassant tout ceux attirés par la possibilité d’un travail, d’une vie meilleure Bien loin des villes touristiques J2 Ambiance, puis personnage et aller retours. Pensées traversées par Alexandra David Neal, Ella Maillard, Agota Kristof …

J3 J’hésite à dvlper plus, focus possibles (Angers / Paris ; Paris / Nice ; Blois/Paris)

#Roman = 1 page = 45 lignes

#Nouvelle = 5 lignes

2. l’oubli (version 2)


Quelquefois des images reviennent, comme des photographies énigmatiques, d’un vieil album, qui aurait ressurgi de nulle part, puis aurait été feuilleté page à page, ni tout à fait là, ni tout à fait ailleurs. Des images défilent les unes après les autres, mais sans hiérarchie, comme semées là au gré de hasards ou d’évènements passés, dont le sens échappe, en noir & blanc, plus ou moins floues, plus ou moins nettes. Qui était le photographe, qui est le projectionniste ? Juste des clichés qui apparaissent … et se succèdent … Les regarder sans intention particulière, un défilement… Presque le tournis…. Des scènes, des silhouettes, des bribes de mémoires évanescentes, à distance. Comme l’explorateur découvre un paysage qu’il n’a encore jamais vu, être happée. Mais néanmoins demeurer absent à soi, absent à l’environnement, vide de présence. Ne pas y être, observer de l’extérieur. Rien ne semble rattacher ces traces visuelles à quelque chose de précis. Vont-elles disparaître ? Souhaite-t-on les voir disparaître ? Et vite, troublée, fermer les yeux. N’y change rien, les traces demeurent, fermement présentes. Toujours des scènes aux personnages ambigus : témoins anodins, superflus, hébétés, comprendre quoi ? Des voisins, des personnes de la famille, des proches ayant des liens particuliers ? Ne rien savoir, ou plutôt n’en rien savoir. Comme s’il existait des liens à la fois familiers et exotiques, des proximités et des distances, des énigmes et des connivences, des implicites indécryptables. Mais surtout une parole absente. Interloqué, gorge serrée, la parole fait défaut. Juste des silhouettes dans un décor qui pourrait être théâtral, et se faire oublier. Plus tard, des images reviendront, feront irruption à nouveau. Insomnies des petits matins. Sans légende, sans dialogue, brut, brutales aussi. Ne rien savoir. A nouveau.

L’oubli est impossible pour les ignorants.

En lisant les échanges du groupe sur FB, je m’aperçois m’être complètement trompée sur la consigne du texte 2. Donc je ré écris cette fois en veillant à bien rester extérieure à la narration.

Me dit aussi que j’étais autrefois incapable de corriger un texte que j’avais écrit aussi rapidement. La pratique, le compagnonnage des ateliers de FB y est sûrement pour qq chose !

2. l’oubli (version 1)


Quelquefois des images me reviennent, comme des photographies énigmatiques, un vieil album, qui aurait ressurgi de nulle part, puis feuilleté page à page, ni tout à fait là, ni tout à fait ailleurs. Les images défilent les unes après les autres, mais sans hiérarchie, comme semées là au gré de hasards ou d’évènements passés, dont le sens échappe, en noir & blanc, plus ou moins floues, plus ou moins nettes. J’ignore qui était le photographe, qui est le projectionniste, juste des clichés qui apparaissent … et se succèdent … Je les regarde sans intention particulière, les images défilent… Presque le tournis… Y suis-je ou pas ? Ce n’est pas la question. Des scènes, des silhouettes, des bribes de mémoires évanescentes, à distance. Comme l’explorateur découvre un paysage qu’il n’a encore jamais vu, être happée. Mais néanmoins demeurer absente à soi, absente à l’environnement, vide de présence. Je n’y suis pas. Rien ne semble me rattacher à ces traces visuelles, pourtant je voudrai qu’elles disparaissent. Et vite, troublée, fermer les yeux. N’y change rien, les traces demeurent, fermement présentes. Toujours des scènes dont je semble être un témoin anodin, superflu, hébété, je ne comprends rien. Des voisins, des personnes de la famille, des proches ayant des liens particuliers ? Je ne sais rien, ou plutôt je n’en sais rien. Comme s’il existait des liens à la fois familiers et exotiques, des proximités et des distances, des énigmes et des connivences, des implicites indécryptables. Mais surtout une parole absente. Alors, interloquée je suis, la gorge serrée, la parole me fait défaut. Être juste une silhouette dans un décor qui pourrait être théâtral, et se faire oublier. Plus tard, ces images reviendront, feront irruption à nouveau. Insomnies des petits matins. Sans légende, sans dialogue, brut, brutales aussi. Ne rien savoir. A nouveau.

L’oubli est impossible pour les ignorants.

J1 très tardivement, 268 mots, 24 lignes Juste démêler un truc tordu ?

2h51, 298 mots, 26 lignes, quelques retouches ici et là.

J2 le texte me confronte

J3 je garde le « rythme » à 3 temps, précise, affine, corrige. Revenir successivement sur le texte : place du narrateur, ma place et l’écriture Texte court 33 lignes

1. le colloque


Il y avait eu cette longue période de confinement qui nous avait tenu, bien malgré nous, dans nos intérieurs, nos murs clos, nos pensées évanouies, nos lassitudes de tant de monotonie et d’absurdités. Nos visages face au miroir de la salle de bain nous renvoyaient des contours mous, un regard absent, un sentiment de naufrage, sans bouée, sans horizon, n’avoir pied nul part. Quand Evelyne eu cette idée de colloque. Oui, un colloque. Fait sérieux et surtout permet de colloquer tranquillement, un temps de suspension nécessaire pour reprendre vie. Ce cadre-là fixé, il fallait envisager un contenu acceptable mais suffisamment rebutant pour ne pas susciter d’enthousiasme déplacé, et suffisamment abscons pour ne pas avoir à répondre à des questions pour lesquelles nous n’avions aucune réponse. Il suffisait de choisir 2 ou 3 invités prestigieux et bien chenus, évitant ainsi toute ambiguïté, à la pensée redoutablement complexe justifiant amplement les quelques jours que nous avions décidé de nous octroyer au vert, au calme, et sans murs clos. RESPIRER. Evelyne n’avait pas son pareil pour impulser des lignes directrices fédératrices. Un grand savoir-faire pour regarder un quotidien et ses aléas et en retirer des observations, une hauteur de vue qui quelquefois nous renvoyait à nos propres mesquineries. Voir en grand, ou voir de haut, ça s’apprend. Voir petit, quelque chose n’a pas fonctionné dans les apprentissages. Enfin, c’est ce que pensait Eliane coincée entre ses désirs artistiques et son mari tyrannique. Ce n’est qu’après son divorce que nous avons compris cette étrange capacité des humains à scinder leur vie en territoires disjoints, hermétiques, et souvent infranchissables. Pour Eliane, il y avait une vie sociale de fille de…, d’épouse de…, de mère de…, un vrai rôle de composition, de plus en plus composé au fil du temps, et un espace tout à fait personnel, réservé à elle-même, énigmatique. C’est dans cet espace là que nous la retrouvions au colloque. Il y avait aussi Marie-Louise, rieuse, joyeuse en apparence mais sous ses tailleurs élégants et raffinés, un vrai samouraï. C’était elle le boss, c’était elle qui décidait. Heureusement sa vie amoureuse lui prenait beaucoup de temps, laissant un peu de place pour autre chose que la guerre économique qu’elle menait avec panache. Mais surtout nous adorions les récits de ses aventures sentimentales, entre conquêtes, aventures et déceptions, mais toujours sur un mode vif et enjoué. RIRE. Clotilde prenait des notes. Un projet qui s’étirait au fil du temps. Une expo, une installation, des textes, tous ces échanges méritaient d’être mis en valeur, se disait-elle. Un grand projet artistique toujours en cours. Il y avait LE projet artistique de Clotilde et il y avait LE colloque, modeste. Nous encouragions sans faille chacun de ces essais, nous suggérions ici ou là, ajoutant de la confusion à la confusion, mais toujours pour un mieux, pensions-nous. Pensée magique ou mantra ? Compositions et recompositions artistiques, en évolution constante, nous nous en percevions à la fois héroïnes et muses tout à la fois, le jeu consistant à en accentuer les reliefs. Une œuvre qui peinait quelque peu à trouver forme, mais le sentiment d’être héroïnes de quelque chose galvanisait notre quotidien présent et tranchait net la grisaille du confinement passé. C’est peu à peu que nous nous rendîmes compte que la rupture supposée n’était pas aussi nette que nous l’avions imaginée. Mais là nous étions dans l’euphorie de pouvoir prendre les rênes sur le cours du temps des quelques jours à venir. Hélène et Brigitte n’avaient pas encore confirmé leurs présences. La mémoire d’Annette et de la Blachère nous avait orienté vers l’Ardèche. Le tracé des routes pour s’y rendre était pour nous la métaphore de nos états intérieurs. PARTIR.

Codicille
Thème : Hésitations : autobus, caisse de supérette, 1 m.de distance, flux sur trottoirs, femmes d’aujourd’hui puis lecture d’un post d’anniversaire sur FB très inspirant.

Ecriture
Pas sûre d’avoir compris « fatiguer l’écriture ». Evoque pour moi une forme de maturation, un point d’équilibre comme dans un tableau.
J1 après midi
L’écriture : 1er jet : 381 mots, 30 lignes (« camper » la narration)
2eme phase : 490 mots, 38 lignes (préciser, détailler)
3eme phase : 610 mots, au futur ou au présent ?
Entre chaque phase, j’écoute la radio, une émission sur FC « Qu’est-ce qui se cache dans le néant ? » avec Françoise Dastur et vaque à d’autres occupations. Mais reste mobilisée sur la trame de ce texte
J2 après midi
Relecture sans complaisance ; qq suppressions (600 mots)
Vérifier : le texte se suffit–il à lui-même tout en laissant des possibilités ?
Style de l’écriture ??
Lecture par un tiers, échanges
J3 après midi
Relecture, suppressions, ajouts 732 mots/64 lignes

 



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1ère mise en ligne 24 juin 2008 et dernière modification le 9 novembre 2020.
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