contribution auteur | Anne Reverseau

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proposition n° 3

Quatre légendes se rattachent et nous attachent au train :

Selon la première, en augmentant depuis un siècle et demi la vitesse des déplacements, le rail a aboli les distances, désenclavé les régions les plus reculées et uniformisé les villes et les pays.

Selon la deuxième, le train offre un délicieux bureau mobile, un chez soi qui n’est pas chez soi, un troisième lieu, lieu commun et provisoire, un lieu loué et anonyme qui permet toutes les aventures de l’esprit et de la chair.

Selon la troisième, le train est le symbole de la modernité faisant irruption dans l’histoire à grand fracas de locomotives fumantes, une modernité dont il faut craindre qu’un jour elle ne nous émeuve plus, une nouveauté qui reste en s’effaçant.

Mais le train est encore vrai départ, exotisme, ailleurs, une aventure dont on est blasés, dont on se lasse, certes, mais que l’on redemande.

proposition n° 2


 Le jour où j’ai enfin réussi à souffler mes bougies tout seul – jour dont je n’ai aucun souvenir mais que l’on m’a raconté.
 Le jour où des amis m’ont offert plusieurs tickets de loterie et où je n’ai absolument rien gagné.
 Un anniversaire en bord de mer, un jour de vent fort, où nous avions simplement mangé des huîtres et marché longuement sur la plage.
 Le jour où j’étais si fier d’avoir réuni plusieurs de mes amis que j’avais du mal à voir régulièrement que j’oubliais que c’était mon anniversaire.
 Ou bien encore, un anniversaire bâclé, où il s’agissait surtout pour nous de mettre fin au cérémonial pour filer à une soirée qui s’annonçait nettement plus intéressante que celle que nous avions organisée.
 J’oubliais le jour de ma naissance, le point de départ de tous les anniversaires en même temps que l’anniversaire absolu.

Liste de mes premiers de l’an :
 Celui où nous étions coincés dans un train, quelque part en Europe centrale, au cours d’un voyage qui commençait à mal tourner.
 Celui où j’avais à tout prix voulu sortir et danser et où nous avons passé une très mauvaise soirée.
 Celui où nous étions trop peu nombreux pour un repas prévu pour 20 personnes, et qui nous avait paru de ce fait insipide.
 Celui au lendemain duquel j’étais sorti, le matin, faire une grande marche dans la neige avec tous les fêtards qui avaient bien voulu me suivre.
 Celui qui avait bien commencé mais qui s’était terminé dans le vomi et les confettis.
 Un autre, quelques années plus tard, qui avait bien commencé aussi, mais s’était soldé, à minuit dix ou minuit vingt par une rupture.
 Une saint sylvestre fort réussie qui avait été assombrie, dès le premier janvier par un coup de fil annonçant la tentative de suicide d’un proche.
 Celui où nous étions jeunes, insouciants, habillés tous presque pareil, arborant des barbes soignées et des jupes de goût, et au cours duquel j’ai eu le vif sentiment de faire partie de quelque chose, d’appartenir à un collectif.
 Une fête de fin d’année familiale dont chacun attendait beaucoup et un repas au cours duquel s’accumulaient petit à petit toutes les déceptions.
 Un premier de l’an qui swinguait, où les sourires figés sur les visages des filles ont été le meilleur antidote à la morosité.
 Un premier de l’an pendant la guerre, qui du coup, n’en était pas un, puisque nous avions alors perdu conscience du calendrier.
 Une fin d’année en couple et en voyage, très loin de chez nous, où nous sommes restés hésitants, jusqu’au bout, ne sachant pas s’il fallait festoyer à heure locale ou non.
 Un réveillon où nous avons tant veillé que nous nous séparâmes, heureux, le 2 janvier au matin.
 Un réveillon où je suis resté, seul, très silencieux, à écouter les bruits de fête de la rue et de chacun des appartements voisins.

proposition n° 1

Une voiture arrêtée au bord d’une petite route la nuit. Les phares sont éteints. La lampe intérieure est allumée. Un homme est seul, la tête dans ses bras, penché sur le volant. Il pleure.

Une grande bibliothèque. Des rayonnages et des rayonnages de livres, au milieu desquels une centaine de personnes est assise, tête baissée, chacun sur son pupitre, sous sa petite lampe individuelle. Le silence règne.

Un village italien en éperon. Des maisons qui semblent faites de la falaise même. Un chemin pour descendre vers la mer difficile à trouver. Des couleurs vives et des formes biscornues. Les rues étroites sont fraîches. Elles serpentent et mènent vers une placette ombragée. Bruit du vent.



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1ère mise en ligne 25 décembre 2018 et dernière modification le 1er janvier 2019.
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