contribution auteur | Huguette Albernhe

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Des années d’enseignement et de recherche universitaires dans le domaine du langage et de la communication malgré le plaisir et les grandes satisfactions rencontrés, ont constitué une sorte de mur-frontière auquel je me heurtais sans même vraiment le mesurer. Toujours en contact étroit avec la littérature, je n’osais franchir le pas du travail d’écriture fictionnelle. Cette nouvelle expérience est pour moi la révélation d’un déblocage inespéré.

Ses contributions à l’atelier ville.

Propositions 1 _ 2 _ 3 _ 4 _ 5 _ 6 _ 7 _ 8 _ 9 _ 10

proposition n° 9

Fuite devant l’écriture de textes apocryphes...

Devant la proposition 9 je me suis trouvée dans l’incertitude et j’ai ressenti un certain malaise. L’écriture d’un texte apocryphe est pour moi un exercice trop contraignant. J’ai lu beaucoup des textes proposés mais je n’ai pu en choisir aucun. Je ne peux qu’évoquer, certes sans fournir de preuves, mes essais infructueux : arrêts sur certains mots, expressions, évocations, points de suspension, points d’interrogation, envie de rencontrer les auteurs. Et pourtant vient le sentiment d’une paralysie devant la tâche de développer, d’interroger chaque texte ; ce travail qui semble jubilatoire à certains, moi, il m’engourdit. Je ne me sens pas prête à mener ce jeu d’écriture dont la visée doit être à la fois bienveillante et intrusive.

Seuls mes élans subjectifs lors de la lecture des textes ont pour moi une existence. Il se peut que cette réaction de ma part provienne de mon goût pour la solitude et pour l’indépendance. Le texte apocryphe sincère engage un corps à corps auquel je ne suis pas prête pour le moment. Je ne veux pas m’introduire dans les feuilles de papier virtuel et m’y loger en les imitant, les prolongeant, les interrogeant. Je m’y aventure, je m’y risque, je m’y arrête volontiers, dans le silence de ma solitude.

proposition n° 8

En fait on ne savait rien de la vie du jeune Allemand. Pourtant après la guerre, une jeune femme fut tondue en place publique pour l’avoir fréquenté et en avoir été amoureuse. Ce qui fit dire aux parents de sa mère, tu vois on avait bien raison de t’avoir interdit de parler à cet homme à l’époque, sinon tu aurais subi le même sort que cette jeune femme ! C’était une vérité révoltante. Quelques années après, la jeune fille maltraitée avait appris que son amoureux allemand avait été fusillé tout juste à la fin de la guerre. Impression de gâchis, sentiment de révolte et d’injustice.

Cet homme allongé sur le lit ancien et qui joue avec un scarabée est un homme étrange. Physicien quantique, il travaille au Cern à Genève. Les chercheurs y sont triés sur le volet pour mener des recherches complexes. Souvent liés à des secrets défense ils affrontent des résultats qui les surprennent eux-mêmes. Ils prétendent qu’il n’existe pas dans la langue les mots adéquats pour dire les phénomènes qu’ils observent. Aussi, dans leur équipe, ils s’adjoignent des poètes, des linguistes et des romanciers plus ouverts à l’indicible, au singulier et au mystère. Aujourd’hui, il fait l’expérience étrange de communiquer avec un scarabée. Tout est passé par son regard orangé. Il se laisse emporter dans une réalité parallèle. Pieds tout à coup posés sur le sable du désert mauritanien aux côtés du scarabée à la taille devenue démesurée. Il n’est pas surpris. Habitué aux comportements insolites des particules, aux phénomènes quantiques observés, mais non encore complètement élucidés, il est devenu ouvert à tout type de réalité. Finalement il décide de se laisser guider par le scarabée, insecte de terrain, qui le conduira vers des lieux inconnus. Ils échangeront leurs perceptions multiples et s’interrogeront peut-être ensemble sur ce qui régit le comportement de toute particule.

Ce voisin d’en face de la maison familiale il y a un très grand nombre d’années, elle ne le connait pas et ne le connaîtra vraiment jamais. Moi j’en sais un peu plus, car en tant que journaliste régional j’avais couvert à l’époque l’événement tragique que je vais évoquer. À l’origine métayer dans une grande propriété viticole héraultaise, il assurait un énorme travail auprès d’un propriétaire aisé et plutôt généreux. Un ouvrier agricole vivait là avec sa famille également. Ce dernier avait un fils de vingt ans, simple d’esprit, calme et sociable. Tout le monde vivait en bonne entente jusqu’au jour il s’est muni d’un fusil de chasse et a tué la femme du métayer sans raison apparente. Très attaché à sa femme, sans enfants, il est toujours resté seul à la suite du drame en se repliant de plus en plus et en s’enfermant dans une solitude mélancolique. Il se contentait d’échanger quelques mots avec les voisins d’en face et leur fille plus exceptionnellement. Quand il est mort, sans héritiers, je me suis demandé ce que contenait sa maison. Je ressentais une sorte de curiosité un peu étrange à pénétrer ce refuge avant que les employés municipaux ne se chargent de le vider. Je connaissais un garde champêtre qui accepta de me laisser entrer dans cette maison avant tout enlèvement. Ce que je peux décrire aujourd’hui, je n’en ai parlé à personne jusqu’à ce jour, c’était comme une sorte de musée dédiée à sa femme aimée ; s’y trouvaient bien sûr des photos, mais ce qui me surprit le plus ce furent les vêtements, robe de mariée, manteaux, robes diverses, exposés sur des cintres accrochés sur les murs ou même sur les côtés d’un escalier. Sur une grande table, des chapeaux dans des boîtes cylindriques rose pâle faisaient une ronde mélancolique. Une table de toilette blanche surmontée d’un miroir au reflet à jamais perdu, exposait la cruche, le plat pour la toilette, des boîtes argentées contenant des poudres de différentes couleurs, des onguents jaunis, un flacon de parfum presque vide. Sur un guéridon, un menu de mariage attirait le regard. Au fil du temps, il était devenu pour les gens du village un triste bougre, un écorché que la vie avait malmené. Il vivait dans son monde fantasmatique et le protégeait de toute intrusion. On raconte qu’un sourire fixe et lointain animait son visage de mort.

proposition n° 7

Aborder l’expérience intime, singulière et secrète du travail d’écriture et de son contexte. Des témoignages captés auprès d’écrivains au sujet de leurs rituels laissent espérer naïvement de découvrir le fil magique de leur créativité. Seuls sont accessibles quelques repères : l’hétérogénéité des lieux, des temps consacrés, des accoutrements et des objets à proximité. Mais aussi les folies possibles, les incohérences et les transgressions. À chacun ses singularités, ses mises en scène extérieures et intérieures, à chacun sa fabrique, son athanor et son mystère. À chacun sa création aussi modeste soit-elle.

Mon lieu de travail d’écriture est un lieu d’enfermement et de libération, une sorte de cage douce ou rude à ses heures dont pas à pas je dois effacer les barreaux. Mais dans un premier temps leur visibilité doit être totale pour apprivoiser toute mon attention et mon imagination. Ces barreaux sont constitués de différents objets, outils, lumières qu’il me plait de retrouver, d’actes inhabituels aussi. Je prends appui sur des éléments avec lesquels j’ai des liens forts depuis l’enfance, un canotier de mon grand-père qui parade en haut d’une bibliothèque, une statue de plâtre représentant une fillette souriante en train de lire. Les rangées de livres placées derrière mon dos et celles face au regard offrent une présence stimulante, celle d’amis fidèles riches d’apports constamment renouvelés et approfondis. Des photos d’enfants très chers, une copie d’une statuette étrusque filiforme, un bol tibétain, un benjamina dont le frêle feuillage anime un coin de la pièce. Par la fenêtre sur le côté, la vue à quelques mètres d’un pin parasol et de la mer ouvre l’espace sur une perspective. Un miroir sorcière, un tissu africain bleu-marine et bleu indigo, un tableau de collines stylisées et de cerisiers en fleurs près d’Avignon, souvenir d’un ami peintre et d’une époque heureuse et bien lointaine. Lorsque je m’apprête à écrire et que je me dirige vers mon bureau, mon oloé, je n’entre pas dans la pièce de la même façon que si j’allais y faire mes comptes par obligation ! Je me laisse capter par l’espace, les outils d’écriture, carnets, stylos, ordinateur. Puis je réalise comme une chorégraphie pour les placer là où il faut. Je ne peux pas écrire en musique ; il me faut entendre le bruit du papier, du stylo, le frottement de la main gauche sur le bois, ou le tapotement des doigts sur les touches de l’ordinateur. Je respire plus lentement, et je me lance. J’ai l’impression de grandir sur mon fauteuil, alors que mon dos s’arrondit, de rassembler toute mon énergie pour l’aventure qui va suivre. J’oublie tout ce qui est arrivé les heures précédentes, les soucis éventuels, je me désocialise et je m’adonne à écrire, à me gratter le sommet de la tête, à rester en pyjama, à garder les cheveux en bataille ou bien suivant l’humeur à m’apprêter comme si un concert allait commencer. Prendre une grande feuille ou un carnet aujourd’hui, demain ce sera immédiatement l’ordinateur. Gymnastique des doigts, agilité de plus en plus grande, mots jetés sur le papier qui roulent comme des perles espérées maîtrisées ou bien au contraire mots incertains, malmenés et pourtant significatifs d’un trouble, d’une angoisse, de zones d’ombres. Certains jours le déroulement est différent. Je me libère de la fréquentation étroite des objets habituels et je fixe mon attention sur un fragment de poème, un tableau choisi au hasard dans un livre d’art puis je laisse errer mon esprit. Après cette rêverie guidée, j’entre en écriture comme si j’avais été allégée d’éléments intérieurs encombrants. Aventure, espace où écrire, lire, penser, rêver. En général le moment précis d’écriture est précédé d’un travail d’approche subtil et lent réparti sur plusieurs heures. Besoin de lire des passages d’auteurs fétiches inspirants pour me plonger dans un autre monde. Impression de lâcher des amarres de tous ordres ; souvent désir de me documenter jusqu’à satiété : textes, sons et images. Quand le trop plein est atteint, je sabre et il me reste généralement peu de mots, une photo, une référence. Mais un climat s’est créé, une atmosphère, une ambiance. Plus c’est étrange et plus le décollage s’instaure ; impression de dépliages successifs tant physiques, qu’émotionnels, ou liés aux sentiments et aux pensées. Je suis alors secouée de sortes de jubilations suivies de déceptions, de difficultés à trouver le mot, je fais des pauses silencieuses, je tente d’être au plus près de ce que je souhaite exprimer, raconter, élucider. Chaque fois des mots récurrents, des obsessions non encore explorées surgissent. C’est sûrement cela que l’écriture essaie d’atteindre. Oui, c’est dans ce lieu que je peux le mieux écrire ; mais les carnets nomades ne me quittent jamais et de n’importe où, il m’arrive de griffonner quelques phrases, quelques mots, qui deviendront plus tard comme une semence. Parfois aussi réveil soudain la nuit et usage d’un petit carnet près de l’oreiller pour inscrire une idée, un mot… Écrire aussi rapidement que possible pour permettre des associations surprenantes ; puis réécriture et lectures à haute voix pour mesurer le rythme des phrases et la musicalité des mots. D’une manière générale j’ai du mal à organiser, discipliner mon temps les jours sans écriture. Mais dès qu’elle a son espace, le temps s’ordonne, et un bien-être physique, mental et spirituel m’envahit ! Sentiment d’avoir quitté le monde pour y revenir différente, plus impliquée peut-être, mais toujours impatiente de retourner dans mes libertés.

proposition n° 6

Le petit gribouillis bleu outremer sur le mur blanc en face du canapé, trace d’un feutre espiègle brandi sans nul doute par le petit enfant qui est passé par là ce matin, attire son regard et l’embarque dans une rêverie sans limites. Les yeux à demi-fermés, elle suit la spirale hésitante qui se termine par un trait ascendant plus sûr. Elle le parcourt dans tous les sens et a l’impression d’être embarquée dans le périple du mythique train bleu. De gare en gare, elle repère la palette des bleus dans toutes les métamorphoses paysagères qui la transforment à son tour. Elle fixe son regard sur des surfaces, des objets, des arbres, des maisons, des poteaux télégraphiques, des éoliennes qui apparaissent et disparaissent. Elle y distingue toujours les variations du bleu, ses vibrations. Elle se souvient, enfant, de l’image dans une chambre d’hôtel d’un regard bleu, seul, sans le reste du visage, découpé et collé derrière la porte d’une armoire. À plusieurs reprises elle était retournée contempler ce regard. Depuis cette vision insolite, parbleu, palsambleu, ventrebleu, le bleu, les bleus devrais-je dire, elle les aime tous ! Le bleu de Prusse, le bleu outremer, le bleu azur, le bleu cobalt, le bleu horizon, le bleu givré, le bleu aigue-marine, le bleu roi, le bleu de minuit, le bleu sarcelle, le bleu gris de lin, le bleu ciel, le bleu saphir, le bleu indigo, le bleu nuit, le bleu céleste… Leur désignation est déjà tout un voyage poétique. Du ciel à la terre, dans tous les espaces ouverts et toutes les profondeurs, ils se concertent et se choisissent. Mêlée à cette couleur dans laquelle elle avance comme dans un labyrinthe, leur infinie variété la fascine. Robes bleues, manteaux bleus, ballons bleus, vélo bleu… et le ciel, la mer, les fleurs, les oiseaux… son regard bleu azur à lui à dix-neuf ans… C’est la couleur du changement, des transformations permanentes et des métamorphoses. Le bleu peut s’installer, se poser, envahir ou disparaître. Quand elle le perçoit, elle devient autre, elle devient ce bleu chaud ou froid suivant sa nuance. Ponge disait : « Tout dans un verre d’eau ! Toute ma vie dans un verre d’eau ! » Pour elle, toute sa vie est dans les bleus. Paysages, ciel, fleurs, regards, peintures, dessinent son univers mental permanent. Après un grand nombre d’années de silence, elle lui a demandé dans une lettre si ses yeux avaient la même intensité. Sa réponse fut l’envoi d’une photo cadrée sur eux. C’était bien lui. L’azur était toujours présent. C’est le bleu omniprésent, mais inatteignable. Elle se rapproche de la mer gris-bleu aujourd’hui. Un rocher surgit, une femme debout y appuie son bras gauche. Telle Andromède, sera-t-elle livrée à un monstre marin, peut-être le monstre marin aux écailles bleues que Virginia Woolf évoque dans La Mort de la Phalène. La rêverie peut-être trop intense suscite des démangeaisons sur dos et bras. Les griffures révèlent tout à coup les bleus du corps, en même temps que ceux de l’esprit et de l’âme plus mobiles. Jusque-là ils baignaient dans une intimité sphérique immergée dans un univers cosmique bleu, c’est ce qu’elle se raconte ! Là, ils sont plus vulnérables encore car ils sont comme réactivés. L’oreille présente, ouverte et réceptive, vibre alors à des sons cristallins, profonds et fluides qui dessinent des calligraphies sonores. Oui, c’est un blues qu’elle entend, une chanson de Billie Holiday « I’ll be seeing you ». Tout à coup perturbée par le bruit d’une casserole posée sans ménagement sur une plaque de cuisson, elle est arrachée à sa rêverie ! Le petit gribouillis ressurgit dans son effronterie, mais surtout dans son désir de simplement dire, moi aussi, petit enfant, j’écris. Mais le signe que j’ai écrit sur le mur blanc est mystérieux…

proposition n° 5

Oui, ce vélo bleu est important et je l’aurai… se disait la mère. Le combat pour la décision était bien âpre et l’issue incertaine ; le père pressentait le temps de sa fille lui échapper, les travaux partagés diminuer. Le dialogue avec les parents, les disputes, la mère les a oubliés. Il faisait chaud ce jour-là, elle n’écoutait pas et parcourait dans ses rêveries déjà routes et chemins vers une destination inconnue. Elle en ressentait toute la fraicheur sur ses joues et la caresse sur ses jambes nues… Nous, on n’a pas les moyens de te payer ce vélo, un Peugeot qui plus est… Il n’y a dans le village aucune fille avec un si beau vélo… Veux-tu te faire remarquer, et les Allemands que tu vas provoquer… C’est à la broderie et au tricot que tu devrais penser… La mère a un petit rictus au coin des lèvres. La fille la considère comme avec pitié. La fille, celle qui a retrouvé le vélo dans le grenier quelques années après, vient de passer le pont au-dessus de la voie ferrée désaffectée, car oui, sa mère l’avait obtenu son vélo bleu… elle regarde l’Étang, elle ressent comme du mépris tout à coup pour ses grands-parents si conformistes et attentifs au qu’en-dira-t-on. La mère aurait aimé aussi aller faire des études dans une petite ville voisine, mais voyons une fille n’en a pas vraiment besoin… Moi ta mère, tout va bien, je couds, je cuisine, je m’occupe de vous tous… De la rue une radio lance son journal du jour, des morts encore, de la cruauté. On sonne à la porte, le voisin d’en face vient emprunter un outil. Le père fatigué envoie sa fille ; elle y va en maugréant ; elle passe la main dans ses cheveux, attrape l’outil posé sur l’étagère, le donne sans sourire et remonte. Ce voisin, elle le connaît bien. Il regarde toujours ce qui se passe chez elle, entrées et sorties, le regard inquisiteur et mélancolique de celui qui s’ennuie et remplit sa vie de celle des autres, des bribes de ce qu’il en interprète. Le téléphone sonne. La mère, la grand-mère de la fille d’aujourd’hui qui n’est plus l’adolescente, mais une mère à son tour et une grand-mère, est la plus à l’aise pour répondre. Elle s’empare du combiné fraîchement installé, un des premiers du village comme la télévision plus tard, change son accent occitan en un accent qu’elle croit parisien, son statut change alors, le vélo est oublié pour quelques instants. La fille d’autrefois s’éclipse, affiche une mine plus décidée que jamais, marmonne dans sa chevelure que bientôt elle montera sur son vélo. C’est bleu qu’elle l’a imaginé, habituée à la couleur de l’étang, du ciel et de la mer, elle ressent les vibrations de cette couleur comme celles que lui font pressentir une locomotion plus aisée, un déplacement plus rapide, des découvertes infinies, une liberté enfin. De tous ces discours pour se procurer le vélo, ses parents n’avaient pas bien compris, rien peut-être, tous ces mots prononcés avec passion, conviction s’étaient envolés où ? Et pourtant elle était parvenue à l’avoir ce vélo libérateur. Quels mots avaient finalement convaincu les parents ? Oui, bien sûr la participation économique par une implication plus grande dans les travaux de la vigne, mais pas seulement. La fille d’autrefois, la mère de la grand-mère d’aujourd’hui, les avait tout de même émus par certains mots qu’ils ne prononçaient jamais, des mots qui étaient comme interdits, plaisir, liberté, découvertes… car ils percevaient peut-être la force qu’ils n’étaient pas arrivés à exprimer eux dans leur propre jeunesse, le désir de voir le monde un peu plus loin. Ces mots ont refait surface plusieurs années après dans des contextes variables. Mais ils avaient la même intensité, la transmission d’une énergie a pu opérer, le vélo en a été le symbole. Quand la fille plus tard, la fille de la mère rebelle, a retrouvé le vélo au grenier, les photos, les souvenirs de paroles prononcées par sa mère qu’elle-même lui avait rapportées, se sont égrenés dans sa tête, elle s’est senti vaciller, emportée par un élan qui venait de loin. Elle a fermé les yeux, entendu ces paroles anciennes qui revenaient dans ce lieu empli d’histoires d’enfance, d’adolescence. Presque tout a disparu aujourd’hui : mère, fille, vélo, mère, la fille est encore là en mère et même grand-mère. Il faut du silence maintenant. Que reste-t-il ? Des esprits errants, d’autres qui le seront bientôt peut-être, plus tard c’est inéluctable. Les interruptions sont nombreuses, les épisodes revenus à la mémoire finalement assez rares, mais le sentiment de quelque chose d’essentiel lui semble avoir été révélé… Est-ce que vous comprenez ? Dois-je expliquer davantage ? Ai-je choisi des mots trop banals, confus, faciles ? Les mains se détachent du guidon, elle ferme les yeux, elle compte jusqu’à dix, attention, elle risque de tomber, et peut-être de ne jamais plus se relever ! Je crie pour la sortir de ce jeu absurde, elle ne répond pas, elle poursuit, elle ouvre enfin les yeux, une lumière intense dans le regard. C’est elle qui a raison. Elle vient de faire une chute et a du mal à se relever. Un jeune Allemand est passé, sans hésitation est venue l’aider à se mettre debout. Le temps s’était arrêté, le social avait disparu, la guerre était abolie. Seuls deux jeunes gens ont croisé avec tendresse leur regard. Il l’a raccompagnée à sa maison. Les langues du village se sont enflammées, l’accueil familial froid après un merci contraint et sec. Il est reparti, elle ne l’a jamais revu. Mais la trace d’un geste simplement humain a fait les gorges chaudes pendant longtemps dans un village meurtri qui commençait à compter ses morts. Le jeune allemand avait envie de dire à la jeune fille combien il était heureux de parler avec elle, qu’il aimerait l’embrasser, tant elle lui rappelait celle qu’il aimait dans son pays, que le poids de la guerre le blessait de plus en plus, qu’il ne comprenait pas tous ces massacres… Pourquoi nous prive-t-on de notre jeunesse ? Tout se mélange, se superpose, vire dans un temps sphérique. Ce vélo bleu la hante, ne trouvez-vous pas, la mère puis la fille puis aujourd’hui la grand-mère. Quand la mélancolie s’empare d’elle, elle enfourche le vélo bleu et disparaît dans des contrées invisibles.

proposition n° 4

Une bicyclette bleue vient de passer dans la rue principale du village de Loupian, se dirige vers la route de la Gare, tourne au premier chemin à droite, dépasse le cimetière. Le regard plonge alors sur l’étang, les parcs à huîtres et la montagne de Sète. Elle atteint quelques instants après un point culminant, un petit pont de fer qui offre au regard d’embrasser à 360 degrés l’étang, les vignes, le village et la garrigue. Le pont à moitié ombragé par un arbuste sauvage, l’azérolier producteur de pommettes acidulées au moment des vendanges, enjambe la voie ferrée désaffectée, en contrebas. Celle-ci cohabite depuis longtemps avec les herbes folles caressantes, pourtant elle semble lancer un appel au secours : « Redonnez-moi vie et promesses de voyages ». Un peu plus loin il reste encore une départementale bordée de hauts platanes au tronc large et à l’écorce cartographique. Mais ils ne sont plus très éloignés de l’autoroute qui n’existait pas autrefois et qui a établi une sorte de partage de territoires absurde.

Le vélo retrouvé dans le grenier avait appartenu à sa mère puis à elle-même. C’était un vélo Peugeot bleu, à trois vitesses. L’image tant d’années après en est intacte et précise. Muni d’un large guidon, d’un porte-bagages bien arrimé, d’un phare efficace et d’une sonnette au son de crécelle, il permettait de changer de plateau par déplacement de la chaîne. Ainsi on pouvait adapter ses efforts au profil de la route. La chaîne sautait à ses heures, la crevaison rompait le rythme, la pompe venait en secours, la selle de cuir par sa dureté indiquait l’heure du retour. Cela avait été difficile pour sa mère d’obtenir ce vélo. Cette liberté tout à coup d’aller et venir, de s’éloigner rapidement de la maison, et puis cette présence des Allemands dans le village qui n’inspirait pas confiance. Montrer ses jambes… mais elle a fini par obtenir gain de cause et son vélo est devenu une partie d’elle-même, un symbole de liberté. Elle avait beaucoup ri en évoquant avec sa fille bien plus tard, les réactions en particulier médicales lorsque les premières femmes avaient adopté ce « cheval de fer » traité d’objet stimulant du plaisir et favorisant une sexualité dangereuse !

Elle a compris l’importance à son tour de la découverte, de la récupération et de l’appropriation, dans le grenier familial de cet objet de locomotion qui n’allait plus la quitter pendant les années de son adolescence, le vélo bleu de sa mère. Il allait favoriser la même chose pour elle : le goût de la liberté et de l’aventure. Réparé, amélioré, il est redevenu le support de nouvelles expériences, de découvertes. Cheval fougueux, compagnon d’explorations au sortir de l’enfance. Prises de risque. Yeux fermés, comptage des secondes pour un parcours sur une départementale entre de hauts platanes. Victoires, extases puis accident léger. Remise en course. Mains détachées du guidon, yeux toujours clos sans tricher jusqu’à dix ou douze. Succès. Envol du corps et de l’esprit. Expériences ultimes, puis plus calmement, cueillettes en tous genres : fleurs, herbes aromatiques, mûres et pommettes sauvages selon la saison, vendanges. Territoires à explorer, à risquer, à apprivoiser. Puis un autre jeu-défi, le grand cercle à parcourir en vélo en diminuant le diamètre à chaque tour. Chute retardée en des temps variables, mais inéluctable. Pas de photo retrouvée d’elle sur le vélo. Seules plusieurs photos où sa mère figure souriante et conquérante sur son vélo ou debout à côté de lui témoignent. Elle ne se représente donc qu’au travers des attitudes d’une autre et elle se rend compte qu’elle les épouse mentalement aujourd’hui sans peine, spontanément. Revenue dans ces gestes, comme si elle les réanimait, abolissait le temps. Et elle prend conscience que pour elle vraiment le linéaire n’a pas de sens, elle ne peut ressentir le temps que sphérique. Elle voudrait comme un archéologue s’armer de fins pinceaux, de fines brosses pour mettre à jour sous de multiples couches du temps passé, des reconstructions de la mémoire, et donner vie dans un autre contexte tout en respectant chacun d’eux, à ces objets, leurs utilisations, leur parcours, leurs adeptes… Alors elle essaie de se repérer dans ces lieux qui dans certaines zones ont changé, mais elle finit par s’y retrouver, elle voit et elle entend ce qu’elle voyait et entendait et que probablement sa mère avait vu et entendu.

Elle voudrait que l’écriture, le choix des mots, le rythme, les sons roulent, s’élancent et s’envolent comme une bicyclette ; l’écriture prend des risques, connaît des accidents, des chutes et en même temps tente toujours l’aventure. L’écriture est un voyage dont on revient différent si on a pris des risques, si on a essayé de se dépasser, de se bousculer, de se mettre à l’épreuve. Elle voudrait aujourd’hui trouver une écriture de mots iodés comme les senteurs de l’air certains jours au bord de l’étang ou même sur les coteaux tout proches, elle voudrait retrouver les senteurs des vendanges, le bouquet sucré de grappes de raisins mûrs écrasés par une masse dans la comporte de bois. Elle voudrait faire entendre les murmures, les ronflements et parfois les hennissements du cheval de labour gris et blanc qui tirait la charrette chargée des comportes de raisins, elle voudrait faire ressentir la sensualité des plongeons en terre cuite enfouis dans la terre à l’ombre des souches de vigne qui gardaient l’eau fraîche. Elle voudrait faire percevoir les sonorités et les rythmes occitans des voix, celle de son grand-père, des chansons et des rires.

Le vélo bleu roule toujours dans sa tête. Roule, tourne, virevolte, puis s’élance vers une sorte d’infini.

proposition n° 3

Persée fils de Zeus et de Danaé, personne ne l’a jamais mis en doute, après beaucoup d’aventures, a réussi grâce à ses sandales ailées, son casque et son glaive offerts par Hermès, et grâce à son intelligence, à décapiter la Gorgone à la tête auréolée de serpents en utilisant son bouclier comme d’un miroir, car s’il l’avait regardée directement, il aurait été transformé en pierre. Lors de ses nombreux voyages par les airs, il a un jour traversé l’Égypte, survolé l’Éthiopie et vécu une aventure inoubliable.
Mais trois versions se disputent, seul le dernier élément de la quatrième s’impose.

La première, celle d’Ovide : Persée pose un regard vers le sol sur ce qu’il prend d’abord pour une statue de femme enchaînée à un rocher. Mais il se ravise en percevant sa belle chevelure flottant subitement au vent naissant ; il descend vers elle, saisi par sa beauté, il ne la laissera pas devenir la proie prochaine d’un monstre marin. Timide vierge, elle n’ose le regarder ni lui parler, elle fond en larmes. L’oracle d’Ammon l’oblige à expier le crime de sa mère Cassiopée, d’avoir prononcé des paroles vaniteuses et insolentes, en prétendant que sa fille est plus belle que les Néréides, nymphes de mer de grande beauté. Ces dernières ont obtenu la vengeance de Poséidon qui a envoyé le monstre marin Ceto pour dévorer les habitants de la côte. L’oracle d’Ammon a conseillé au roi de sacrifier sa fille pour apaiser la colère de Poséidon. Près d’elle son père Céphée et sa mère sont terrifiés, en pleurs, mais impuissants devant le monstre horrible. Persée armé de tout son courage et pour la mériter s’engage à tuer le monstre pour la sauver et devenir son époux. Cassiopée et Céphée acceptent soulagés. Le combat va commencer. Persée s’envole prêt à combattre le monstre au dos plein d’écailles et à la longue queue. Le monstre leurré par l’ombre réfléchie du héros combat cette image. Persée attaque le monstre par-derrière et le transperce de son glaive à plusieurs reprises. Le monstre blessé rugit. Le monstre est anéanti. Andromède se jette dans les bras de ses parents et réclame un mariage immédiat. Mais elle avait été promise à un autre, Phinée, son oncle, qui arrive avec une troupe de soldats. Un combat avec Persée éclate. Seul contre tous il est obligé d’avoir recours à la tête de la Gorgone pour pétrifier ses ennemis. Le mariage a lieu. Naîtront sept enfants — six fils et une fille.

Dans la deuxième version, quelques éléments divergent. Persée, muni d’un miroir et d’une cape offerts par Athéna pour le rendre invisible et chaussé de ses sandales ailées, découvre en plein vol, alors qu’il s’apprête à atterrir pour identifier un rocher aux formes bien féminines, l’état calamiteux de ses sandales offertes par Hermès ; il atteint le sol, mais ne regarde que ses pieds. Les lanières sont en lambeaux, la semelle en partie déchiquetée, les ailes tailladées, écornées et bientôt inopérantes. Ce qu’il risque donc est de ne plus pouvoir repartir par les airs et de ne plus avoir les mêmes possibilités aériennes de domination au combat. Or le monstre s’annonce. La jeune fille est belle, mais les risques sont trop grands. Prendra-t-il le temps au moins de défaire les chaînes ou s’enfuira-t-il en toute hâte ?

Dans la troisième version, Persée n’a pas jugé bon de reprendre ses sandales avachies, hors d’usage, mais à la place son beau cheval Pégase. D’ailleurs cela lui donnera plus d’allure. Il emporte aussi un miroir et une cape offerts par Athéna. Ces accessoires peuvent servir. En vol, il est séduit par la jeune-fille enchaînée, en un seul regard. Il s’élance alors avec l’assurance de celui qui ne doute jamais de lui. Mais Andromède n’est pas la vierge timide et effarouchée à laquelle il s’attend. Lassée de son milieu familial replié sur lui-même et conformiste, frustrée des rares rencontres possibles sur cette côte, hostile au choix imposé d’un fiancé, elle ose tenter une aventure avec un monstre marin ! Elle se dit que si elle sait l’amadouer il pourrait lui faire découvrir l’intérieur des océans et des mondes nouveaux. C’est en fait elle-même qui a imaginé cette exposition sur le rivage, attachée comme une victime et avec tous les atouts d’une nudité parfaite et d’une chevelure rousse éblouissante. Mais que viennent faire ce cheval ailé et son cavalier à l’air si sûr de lui. Il bouscule ses plans et sa mise en scène. Maintenant, il lui faut se débarrasser de lui et conquérir le monstre. Elle sait qu’elle en a les clés.

Dans la quatrième version, après avoir parcouru les océans avec Ceto facilement conquis et eu de nombreux amants, Andromède meurt et atteint ce qu’elle a toujours espéré au plus profond d’elle-même. Athéna le réalise en la transformant en constellation. Ainsi elle flottera pour l’éternité dans ce ciel étoilé d’un bleu si profond qui, tel un grand manteau de mémoire, entoure la terre et l’emporte vers l’infini.

proposition n° 2

Italo C. traverse une forêt silencieuse et dense située près d’une ville invisible des morts, Euphrasie peut-être. Il lève la tête juste après un croisement de chemins et opte pour la direction du sud. Une construction mi-acier-mi-bois, en forme de tétraèdre, perchée, fixée, amarrée dans la frondaison mouvante et dense d’un orme tricentenaire saisit son regard. Il bondit et atteint ce qui se révèle comme une sorte de cabinet de curiosités gigantesque qui regorge d’objets hétéroclites, mais aussi de senteurs, de sons de boîtes à musique et d’images ou photographies associées ou pas. Une armure en miniature, un portrait de Roland Barthes avec des extraits des Fragments d’un Discours amoureux et de La Chambre claire, des Fleurs bleues et une photo de Raymond Queneau, des parfums de femmes aimées, des insectes, des nids d’araignées…, et trois rangées de fioles en verre contenant les sables présentés par une collectionneuse rencontrée lors d’une exposition. Fasciné au plus haut point par ces couleurs et ces textures multiples de roches érodées sélectionnées à travers le monde entier, détachées de tout leur environnement qui lui avaient fait percevoir et ressentir une sorte d’essentiel. Il aperçoit alors flottant au-dessus de sa tête l’ouvrage, Collection de sable, dans lequel il évoquait « le sable des mots écrits » au cours de sa vie. Une banderole l’entoure et il dit à haute voix : « Écrire c’est broyer, éroder le monde ». Troublé, il s’approche d’une rivière et aperçoit une femme qui ressemble à Virginia W. Elle marche dans l’eau, droite, digne, sans canne. Elle glisse sur l’eau, écoute autour d’elle. Fait un signe d’adieu à Vita, au chien Fuchs, à Mrs Dalloway. Elle avance, les poches bien remplies de lourds cailloux qui déforment son manteau long et gris. Sa silhouette d’habitude si fine est flanquée de rondeurs inhabituelles sur les hanches. Elle semble prête à un enfantement refoulé depuis toujours. Elle enfonce la jambe gauche, puis la droite comme si elle descendait un escalier. Une musique de Schubert s’élève, un quatuor. Il perçoit son rêve d’eau, toujours de l’eau et des cailloux, qui ne se sont pas encore transformés en sable. Il voit leur marche solitaire puis leur rencontre, l’un avec dans ses mains du sable et l’autre avec de l’eau dans la bouche. Ils traversent ensemble la rivière, un sourire intérieur sur les lèvres. Charon surgit et leur demande pour obole le sable des mots et l’eau des mots. L’aboiement d’un chien le réveille. Il a des grains de sable collés à ses doigts.

proposition n° 1

La bicyclette extraite du grenier. Bleue, lourde et ancienne des années 40. Réparée, améliorée, devenue support de l’errance et de la liberté. Cheval fougueux, compagnon d’explorations au sortir de l’enfance. Prises de risque. Yeux fermés, comptage des secondes pour un parcours sur une départementale entre de hauts platanes au tronc large et à l’écorce cartographique. Victoires, extases puis accident léger. Remise en course. Mains détachées du guidon, yeux toujours clos sans tricher jusqu’à dix ou douze. Succès. Envol du corps et de l’esprit. Expériences ultimes, puis plus calmement, cueillettes en tous genres : fleurs, herbes aromatiques, mûres et pommettes sauvages et rouges selon la saison. Territoires à explorer, à risquer, à apprivoiser. Station rituelle sur un léger pont de fer. La visibilité embrasse 360 degrés. Étang, vignes, collines, village. En dessous, la voie ferrée désaffectée depuis longtemps cohabite avec les herbes folles et semble lancer un appel au secours : « Redonnez-moi vie et promesses de voyages ! ». Puis un autre jeu-défi, le grand cercle à parcourir en vélo en diminuant le diamètre à chaque tour. Chute retardée en des temps variables, mais inéluctable.

Les bleus du corps, ceux de l’esprit et de l’âme plus mobiles baignent dans une intimité sphérique immergée dans l’univers cosmique bleu et plein de lumières. La transparence de la paroi qui semble les séparer, en dilue toutes les nuances. Confrontés au bleu mouvant de la mer et à celui infini du ciel ils inventent un chemin étrange. Plongée sans résistances, tremblements, dilution, recomposition, tourbillons puis élévation sans limites. L’oreille ouverte et réceptive vibre alors à des sons cristallins, profonds et fluides qui écrivent des calligraphies sonores.

Sur la vieille tapisserie jaunâtre et déchirée par endroits, dans une vieille chambre, surgit un scarabée noir. Ses yeux de couleur orangée fixent le regard d’un homme allongé sur un grand lit ancien. Ce dernier ferme les yeux. Le désert mauritanien se dessine. Le scarabée devient très gros. Des traces de pattes révèlent sur le sable des signes énigmatiques. Il faudra les déchiffrer. L’homme s’assied, ne sait plus où il se trouve vraiment. Il lance un fil armé à son extrémité par une goutte de colle transparente. Après plusieurs reprises, la cible est atteinte, le scarabée flotte dans l’air, et on ne sait qui va conduire l’autre, dans quel univers.



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1ère mise en ligne 20 décembre 2018 et dernière modification le 22 février 2019.
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