Léa Toto | Dix heures moins dix

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l’auteur

« Je m’appelle Léa Toto, je suis née en mille neuf cent soixante sept à Madagascar. Aujourd’hui j’habite à Tours.

« J’anime l’atelier Théâtre/Écriture du Centre dramatique régional de Tours depuis 1997.

« C’est grâce à ça que petit à petit m’est venue l’idée d’aller plus loin.

« Le sous-titre du texte, Dix heures moins dix, pourrait être : Prequel du livre à venir.

« Autant que mon blog Jets/Projets/Trajets, c’est ma chaîne sur Dailymotion qui compte, ça s’appelle : lapiepaulette. Sur Twitter @totoleasuit.

J’ajoute qu’à titre personnel je suis heureux d’accueillir ici Léa, comme nous accueillerons bientôt un autre titre, Coeur de ville, sur publie.net. Outre le partage d’ateliers d’écriture et l’impressionnant travail qu’elle mène, auprès de publics très différents, au Centre dramatique de Tours, s’est greffé depuis quelques années un travail d’exploration web, texte, film, photos entièrement voué à l’écriture d’un archétype de la ville moyenne, mais croisant Joyce par exemple, qui l’a placée au coeur de notre communauté de l’écriture Internet. Ce texte en témoigne. FB.

le pitch

On a tous les outils théoriques, de Perec à Michel Lussault via Michel de Certeau, pour savoir qu’une écriture de la ville contraint à s’en saisir comme espace, voire géographie. Que ce qui en découle pour nos pratiques et notre relation au monde, ou à ce qui forge la communauté, tient à ce premier examen de la peau de la ville, son bitume et son ciment tels que dans nos déplacements incessants nous y fabriquons et notre temps et notre regard. Phrase compliquée pour lancer ce texte qui est, lui, d’une simplicité remarquable – sauf dans cette renverse essentielle : en chaque point, la ville attire la langue, la déploie, l’écartèle, l’interroge et nous la renvoie comme question. FB.


 

Tous les jours je vais au centre-ville. Je calcule mon départ en fonction de mon projet. Je dois me trouver à l’entrée de la rue Nationale à 10 (dix) [X] heures moins 10 (dix) [X]. C’est le rendez-vous obligatoire, l’engagement que j’ai choisi. Combien de temps me faut-il ?

De combien de temps je dispose ?

À quelle heure dois-je partir exactement pour être à 10 (dix) [X] heures moins 10 (dix) [X] à l’entrée de la rue Nationale. Dix heures moins vingt-cinq dernier carat. C’est la même préparation que pour un braquage.

Pour aller quelque part il faut un point de départ et un point d’arrivée.

J’ouvre la porte et avant de la refermer j’appelle l’ascenseur.

Il faut calculer le temps de trajet.

Je suis au quatrième.

Il faut une tenue appropriée aux circonstances.

Gagner du temps : une minute de papillon.

Se renseigner sur le temps météorologique.

Prendre ses clés après avoir tourné le verrou de la porte de manière à libérer la porte :

30 (trente) [XXX] secondes.

Se préparer :

Appuyer sur la poignée et tirer vers soi toujours tout ramener à soi :

20 (vingt) [XX] secondes

Et puis partir

À partir de maintenant partez un deux trois partez maintenant

À partir de maintenant partir

À partir de là

À partir de çà

À partir d’ici

Ça m’appartient

Ici et là c’est chez moi

À partir de maintenant je décide, je déclare, je péremptoire ta gueule à la récré

Dès à présent je présage je présume je dégage.

Dégage.

10 (dix) [X] secondes

Pousser la porte puis tirer la porte :

Temps mort.

Et 15 (quinze) [XV] minutes de pas, l’un devant l’autre, pour se diriger vers le but de la sortie.

Sur mon chemin il y a la mairie, le palais de justice, la rue qui mène à la gare avec des trains à grande vitesse qui viens je t’emmène très vite hors de la ville en une heure à la capitale. C’est Paris parce que j’habite en France à Tours. Quand il y a la rue Nationale on sait qu’on est au cœur de mon projet.

J’habite en France. Tous les jours je marche de chez moi au centre-ville. Tous les jours je regarde en l’air. Je regarde ce qu’il y a au-dessus de moi, autour de moi, les publicités, les lampadaires, les graffitis, une plume rien ne m’échappe. Je guette ce qui vient d’en haut, les balcons fleuris, les balcons rangés, tous les balcons où on étend son linge, je regarde.

Parfois, je croise un regard, parfois je découvre un visage. Je regarde les visages sans trop appuyer, sans chercher à croiser absolument des yeux. Je ne guette pas les corps qui tombent, les anges qui chutent. Je surprends la forme d’un nuage, un écureuil furtif, la forme de la cime d’un arbre sur un ciel bleu marine. Je regarde en l’air, je regarde de travers, je pars d’en haut, je reviens de loin.

Souvent, je regarde au fond des rues. Je découvre des perspectives avec fuite dans lesquelles s’écoulent des ciels gazeux, des ciels liquides, des toiles de ciel. Je regarde ce qui s’élève, ce qui s’arrache de l’attraction terrestre. Je ne regarde pas ce qui tombe, ce qui tombe s’écrase, je constate ce qui monte, je ne regarde pas droit devant moi, je ne fixe pas l’horizon, je n’aime pas l’horizon j’aime le vertical.

Depuis peu, j’ai pris conscience de l’importance de faire un geste quand on croise un autre être humain. J’habite dans une région qu’on appelle Région Centre dans le quart nord-ouest de la France. Toutes les indications météorologiques dans lesquelles sont indiquées le temps qu’il fera dans le centre de la France ne concernent pas la Région Centre. Le centre de la France ne se trouve pas en Région Centre. La dénomination ne recouvre pas systématiquement la réalité géographique par exemple un paradis fiscal n’est pas le Paradis.

J’habite en ville depuis 42 (quarante deux) [XLII] moins 7 (sept) [VII] je n’aime pas les soustractions les expulsions les retranchements les je pose un et je retiens deux. Avant d’arriver ici j’habitais à Orléans, avant d’habiter à Orléans, j’habitais à Messas. Avant d’arriver à Messas, j’habitais à Madagascar. Je ne me souviens plus du nom de la ville, je me souviens d’un arbre. Un gros. De la terre rouge vif, d’une grande ombre, d’une corde accrochée à l’arbre. C’est grand. Tout est grand. Je vois ça de haut, la terre la cour la maison mon frère on est petits et dans la cour la maison est loin. Je suis grande quand je me mets debout sur la balançoire. Je constate que des choses évoluent. Souvent ce sont les choses périphériques. Le centre du centre ne change pas. J’ai peur de ne jamais aller à New York, New York USA 8 (huit) [VIII] millions d’habitants.

Dans ma ville nous sommes 141 (cent quarante et un) [CXLI] mille sans l’agglomération. Combien j’en salue sur ma route ?

J’en ai parlé j’ai dit si j’avais décidé de saluer tous les habitants de ma ville et si chaque jour à partir de maintenant je commence à en saluer 10 (dix) [X] par jour combien de temps me faudra t-il pour pouvoir tous les saluer. Après quelques erreurs de calcul et l’application de la règle de 3 (trois) [III] par 2 (deux) [II] fois on m’a dit autour de 40 (quarante) [XL] ans. La tâche m’a paru démesurée. J’ai failli reculer. J’ai failli tergiverser. J’ai failli. J’ai rationalisé. J’ai réfléchi au circuit et j’ai opté pour l’artère principale rue Nationale, la rue du commerce international. J’ai tranché. Je ferai un geste à ceux que je croise tous les matins quand je remonte la rue Nationale vers le nord de 10 (dix) [X] heures moins 10 (dix) [X] à 10 (dix) [X] heures zéro+zéro.

Tête droite main le long du corps, j’exerce un léger balancier d’avant en arrière. L’œil droit reflète une forme d’indulgence, le gauche calcule. Tête haute. Je garde les yeux ouverts. J’amorce un léger sourire. Je jette un bref regard, esquisse un mouvement de lèvre. Et je recommence à chaque croisement d’humain. Je m’attaquerai aux arbres après. S’entraîner autant de temps non météorologique qu’il sera nécessaire pour effectuer la figure. Je balance je mets je marche je talonne je double j’attends je tourne j’accélère je double je croise je hoche (verbe transitif) je fais passer directement je régis mon complément sans intermédiaire par un passage direct de je à l’objet. Je lance une machine de guerre à 30 degrés. J’engage mon nom. J’intransitive j’exprime une action limitée au sujet et je ne passe sur aucun objet de voyage, j’écume.

Je veux pouvoir tracer une ligne grâce aux êtres présents sur mon chemin pour me blottir, me retrouver, prendre une place. Tirer une ligne pour faire passer le courant. Faire un geste. L’histoire de ce geste peut commencer maintenant. Ce n’est pas un recensement, ce n’est pas une mission officielle, c’est une mission que je me suis confiée à moi-même pour écrire ma quête pour contrer les sens uniques. Je suis assise sur une chaise dans une cuisine devant une table ronde les coudes posés sur la table. Mes mains sont jointes je suis face à une fenêtre mon regard frappe le ciel plusieurs fois comme un tapis.

Là-bas posé sur le mur du ciel 2 (deux) [II] grues l’une à ma droite l’autre à ma gauche quand je regarde en face de moi. Plus bas un drapeau français flotte au dessus d’immeubles qui n’ont rien à voir. Sur le toit on dit des maisons typiquement tourangelles, un pigeon. Au 4ème quatrième étage c’est le règne des oiseaux, du vol en groupe sonore et chorégraphique et les lumières du soleil superposent les formes des nuages. La nature aime le cliché. Moi aussi. Parfois, souvent les lignes blanches des avions dans le ciel. Parfois un bruit d’hélicoptère ou pour la caserne à côté ou pour déposer les organes des corps morts à l’hôpital. Parfois les bruits de moteurs des camions des poubelles. Parfois l’odeur forte de gasoil dans l’air clair de la matinée, odeur de pétrole, une plage et une marée noire. Total délire. À gauche 3 (trois) [III] ou 4 (quatre) [IV] tranches de grands immeubles blancs et roses. Le quartier de Maryse un bastion une place forte.

Je ne cherche pas des gens à qui parler à qui dire à qui demander des services à qui me renseigner à qui pomper l’air à qui vendre quelque chose à qui acheter quelque chose. Je ne cherche pas à connaître des gens. Je veux orienter mon chemin vers un geste. Partons du centre, partons de la place Jean Jaurès, partons de la gare. Tout le monde pourrait connaître la gare. Si je sors de la gare et qu’elle est dans mon dos, je suis juste en dessous de l’horloge de la gare, en face de moi ce qu’on appelle le nord de ma ville, à droite ce qu’on appelle l’est, à gauche ce qu’on appelle l’ouest, et derrière moi normalement on dirait le sud. Derrière moi, quand je sors de la gare, ce sont de grands ensembles d’immeubles regroupant souvent de la famille du sud et depuis la chute du mur de Berlin, de l’est, quand on a la gare dans le dos. Est ce que je vais chercher à saluer les étrangers dont ma ville s’occupe ?

Ma ville s’occupe déjà de tellement de choses.

J’habite en France ma rue est un boulevard nord-sud. Elle est en concurrence avec un autre boulevard est-ouest. Elle démarre dans une rue qui borde le jardin où on promène des enfants et s’avance direction sud sud-ouest par vent mollissant de force 4 (quatre) [IV] pour se jeter dans un bloc de bâtiment en carré accroché à l’allée des Érables.

Le boulevard concurrent aboutit dans une impasse qui abrite un centre de remise en forme par le sport. Lieu où l’on peut rencontrer plein d’autres êtres humains promenés là par eux même. Dans ma rue/boulevard je connais personnellement 6 (six) [VI] personnes, 4 (quatre) [IV] adultes et 2 (deux) [II] enfants que je peux saluer.

Bonjour François, salut Marion dis-je en les rencontrant dans ma rue alors qu’ils emmenaient leurs enfants au jardin et que moi-même j’en revenais.

Bonjour Rose répondirent-ils en coeur parce que je m’appelle Rose ainsi quand je croise des gens que je connais ils peuvent me dire bonjour Rose ça va ?

Ça va ça va et vous ?

C’est dingue on habite dans la même rue et on se voit jamais, il faut qu’on se voit quand même

Tu m’étonnes

On se voyait plus souvent quand on habitait Mâcon

C’est vrai

T’as des nouvelles de Thierry

Ça fait un moment

La dernière fois c’était en juin

Il allait bien.

La première rue de mon boulevard est une rue qui prend naissance dans ma boulevard/rue et tente une trouée vers l’ouest rue de Condorcet. Elle ne fait presque pas partie de mon plan mental sauf quand je suis en vélo et que je vais à mon magasin de proximité. Soit, je tourne à droite, je vais tout droit jusque devant le jardin, je tourne à gauche, je vais tout droit jusqu’à la place Rabelais et je tourne à gauche pour m’arrêter devant l’ex-ATAC nouveau Simply Market. C’est l’itinéraire le plus simple, celui que je ne prends jamais. Donc, tout de suite tout droit pour remonter le plus possible vers l’ouest, je tourne dans le sens interdit nord quand je débouche je suis au plus haut niveau de la rue Boisdenier qui s’éparpille en place Rabelais. Je passe devant un bureau de tabac bar journaux devant un coiffeur un bar, un bar et je tourne au sud. Comme j’arrive plus près de mon but, j’ai l’impression que ce chemin est le plus court.

La deuxième rue qui prend naissance dans ma rue/boulevard quand je vais vers le nord emmène à l’ouest et s’appelle rue du Général Faidherbe. À un moment j’ai connu des gens qui habitaient rue du Général-Faidherbe. Si je les croise je peux les saluer et même m’arrêter.

Bonjour Agnès, Nicolas pointdexclamation Qu’est ce que vous faites dans mon quartier interrogé-je.

Ben rien on se ballade

Qu’est ce que vous devenez

Toujours pareil

Petit pèlerinage

C’est ça

Sur les lieux du crime

Rires

Et toi qu’est ce que tu deviens

Toujours pareil aussi

La troisième rue qui coupe ma rue/ boulevard est à sens unique vers l’ouest pour les êtres humains qui l’empruntent en voiture, pas de sens unique pour le corps par contre des impasses mais ça n’a rien à voir avec le code de la route mais avec la construction est ouest.

Cette rue à sens unique qui strie ma rue/boulevard contient une maison dans laquelle je connais une famille composée de deux adultes et deux autres en voies de finition. Si je croise la femme-mère-amante-fille-sœur de cette famille, je peux la saluer, m’arrêter et prendre des nouvelles par procuration d’une trentaine de personnes.

Bonjour Céline dis-je en croisant Céline

Bonjour me répond-elle en me croisant

Ça va interroge t-elle

Bien, très bien même communique-je

J’ai un projet me dis-je à moi-même

Ah ben ça fait plaisir répond-elle

Et toi dis-je

On fait aller répond-elle

Ah dis-je

T’as des nouvelles d’Alix demande-je

Oui affirme t-elle

Si tu la vois salue-la supplie-je

D’accord accomplit-elle.

Je ne les croise jamais dans la rue Nationale ils sont tous regroupés au même endroit et après ils vont ailleurs mais jamais par la rue Nationale.

Temps gris mais tiède.

Mon boulevard c’est de là que je prends mon élan. À pied, je marche à pied, ce qui me laisse le temps de regarder. Parfois une porte d’entrée est ouverte sur un couloir, un escalier, un jardin, une profondeur, un abysse, un au dehors par lequel on accède par le dedans. À partir de là toute mon existence va se dérouler à l’extérieur et des fois (un, deux, trois) j’ai l’impression que c’est aussi à l’extérieur de moi. Je poursuis, je suis pour suivre rêves – chimères – illusions – fantasmes – élucubrations et je vous emmerde, routes chemins – rues – ruelles – jardins et je te tiens la main, je poursuis une course, ma course, la justice, mon propos, à propos je pourrai poursuivre la victime et l’assassin, je poursuis les criminels et les innocents.

Il y a encore plusieurs portes à pousser avant d’être jeté sur le pavé que je vais battre toute la journée. Le boulevard se jette dans une rue qui longe un jardin. Vue 3 (trois) [III] : L’entrée du jardin des Prébendes par la face nord. À l’est de la face nord une guinguette positionné nord sud direction ouest. Il faut venir de l’ouest et aller vers l’est pour commander à Delphine un café un thé un coca un cacolac un ice tea pêche un jus d’orange minute maid un pago Mangue.

Je coupe par le jardin et je crée pendant 20 (vingt) [XX] mètres mon propre parcours. Le mien pas celui dicté par les gars des espaces verts, c’est moi qui décide, si je veux que ça zigzague pendant 10 (dix) [X] mètres je le fais. Sauf que je ne le fais pas parce que je suis comme tout le monde, je cherche le chemin le plus court, le plus court chemin pour gagner du temps pour gagner de l’argent, un chemin discount. Ce chemin je l’inscris dans l’herbe, entre les arbres, avant de rejoindre le chemin officiel et sortir tête haute par le grand portail principal.

Maintenant la rue Boisdenier longe la fin du boulevard Marchant-Duplessis c’est ainsi qu’elle rencontre la barrière verte du jardin des Prébendes qui après rencontrera le pont de la rue Roger-Salengro puis la rue du Belvédère et après quelques raccourcis la rue Victor-Hugo qui bientôt tendra vers la place Jean Jaurès qui ouvrira sur la rue Nationale.

Et je trace dans le jardin des Prébendes, je le traverse en propriétaire. Je coupe à travers, je marche sur la pelouse. J’ai des bandes originales de parcours dans ma tête et des fois (quatre, cinq, six) ça me démange de faire des petits pas de danse et des fois (sept, huit, neuf) je le fais. Mais ça ne crée pas les sensations que je veux dans mon corps, je me restreins. J’avance je traverse je contourne je laisse de côté le kiosque j’attaque les derniers mètres. Fin du parc, début du grand portail de l’entrée principal. Quand je franchis ce portail, c’est le début du 2ème deuxième acte de mon parcours.

Hors du jardin, retour du goudron, avec un espace dédié aux voitures et un autre dédié aux piétons et ce qu’il faut d’outils vert et rouge pour réguler tout ça. Accrochés sur les balcons des maisons typiquement tourangelles les panneaux À vendre À louer À acheter. Je trouve qu’en France on est mauvais en immeuble. Trop ou pas assez. Trop ou pas assez grand. En France c’est le pavillon qui l’emporte ou le petit immeuble de 4 (quatre) [IV] étages. En France on n’aime pas les immeubles, on dit des cages à poules ou à lapins, en France on n’est pas des animaux qu’on met en cage on est des êtres humains libres. En France si c’est un immeuble c’est forcément une habitation à loyer modéré ou une résidence de haut standing. La façon dont on trie et range nos corps dans ma ville est organisée suivant des moyens financiers assez peu subtils pour l’instant et se reconnaît au choix du vocabulaire désignant l’habitation. Si on peut faire un acronyme comme HLM c’est que tu n’as pas beaucoup de moyens financiers et que tu auras sans doute besoin d’autres acronymes comme ANPE CAF DDASS sinon tu pourras utiliser des mots de vocabulaire anglais STANDING CASH BOW WINDOW.

Une façade d’immeuble, une fenêtre toujours ouverte. Un sens interdit croise une rue. Les voitures de faces stationnées de chaque coté du trottoir. Le restaurant chinois, rouge et festif toujours, l’odeur toujours. Il y aura au printemps le refleurissement d’une plante qui sent bon et qui cachera le feu du passage pour les piétons. Une façade vitrée de bar, une entrée de parking, l’artère principale.

La rue du Belvédère à peine commencée est déjà traversée par la rue Origet est finie par la perpendiculaire rue d’Entraigues. Au coin un coiffeur. Dans mon quartier il y a beaucoup de coiffeurs et beaucoup de pharmacies. La rue d’Entraigues est sur mon chemin un pont plutôt qu’1 (une) [I] rue. Elle permet d’accéder à la rue Sémard qui reçoit la fin de la rue Inkerman et se transforme en un moment de la rue Victor-Hugo dont je remonte le cours jusqu’à sa source la place Jean Jaurès.

La place Jean-Jaurès. Deux jets d’eau. En face l’un de l’autre mais aussi l’un en face du palais de justice l’autre en face de la mairie. Au milieu la rue Nationale. Dans la rue Nationale 50 (cinquante) [L] magasins sur chaque trottoir 3 (trois) [III] banques 1 (une) [I] poste 1 (une) [I] Librairie 1 (un) [I] pont.

Le pont. Dessous en perpendiculaire le fleuve. Sur le fleuve des îles. Des bancs de sable avec des arbres et des oiseaux. Les bords de Loire. Au bout du pont deux bâtiments en pierre encadrent le pont devenu un grand espace goudronné. La route. La perspective. La ligne de fuite. La quincaillerie. Le bar. 2 (deux) [II] derniers modèles de boutique du début du 20ème vingtième siècle. Quand tout était dans la même boutique. Au bout de la perspective l’école la pierre le tuffeau l’horloge. Tant qu’il y a des trottoirs des façades d’immeubles la pierre le tuffeau. Plus (moins) [-] de magasin. Plus (moins) [-] de feux. Une grande station-service. Plus (moins) [-] de trottoir. Des échangeurs. Fin de ma ville.

Il est 10 (dix) [X] heures moins 10 (dix) [X] minutes, je remonte la rue Nationale en direction de la Loire. 10 (dix) [X] minutes pour parcourir le trottoir de ma droite quand je viens du sud. Avec le sud dans mon dos avancer vers le nord en face remonter la face nord sur la droite parce que sur ce trottoir je suis déjà plus près de mon but. Avant j’ai regardé l’heure à la mairie 10 (dix) [X] heures moins 5 (cinq) [V] j’ai du retard. Il faudra que je m’entraîne encore. Il faudra que je réfléchisse à quel moment ai-je perdu 5 (cinq) [V] minutes ?

Il faudra que je parte plus tôt. Il faudra chronométrer le parcours. Je commence à réaliser que tout doit être soigneusement préparé. Tout ça est encore trop approximatif. Il faut que je m’entraîne. Au millimètre.



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1ère mise en ligne et dernière modification le 2 mai 2013.
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