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2020.01.10 | le tour de mon jour en 80 photos

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La seule question, en fait, c’est que si tu as l’appareil autour du cou, tu feras des photos avec. La question subsidiaire, c’est que tu aurais aussi pu filmer chaque fois quelques secondes et faire ta journée en film au lieu d’images fixes. La certitude c’est que dans les deux cas c’est bien que tu te remettes à l’exercice.

Notes en cours de route, sur la photographie :

 1, ce n’est pas ma journée, d’ailleurs banale, qui en soi signifie — trois rendez-vous de boulot, juste un peu différente cause grève des métros, mais si ce qu’on ce qu’on documentait c’était la possibilité même de photographie ?

 2, qu’un récit lié à déroulement chronologique puisse valoir même en l’absence des éléments qui le motivent, c’est-à-dire les tâches privées ou professionnelles qui me font effectuer ces trajets, et que le récit vaudra donc autant par ce qu’il ne dit pas : je ne réponds pas à la question posée et ne m’en excuse pas, c’est juste une interrogation sur le récit photographique en tant que tel.

 3, si la ville se distingue de l’idée de la ville, ou bien si la ville en tant que telle est d’abord l’idée qu’on s’en fait, est-ce que l’arbitraire et le lacunaire de tels trajets incrémentiels est image de la ville ? (j’emploie intentionnellement le mot image, ici déplié en série indivisible de 80 images)

 4, les photographes disent toujours qu’ils photographient la lumière : moi je cadre une configuration de signes et d’intensité intérieure (provoquée par, ou la provoquant) — est-ce que cela me sépare de la photographie ?

 5, la suite des réflexions sur photographie et récit directement dans la légende des images.

Et post-scriptum : je n’avais aucune idée, entreprenant cette page blog le lendemain un peu avant 8h, que j’en aurais pour jusqu’au début d’aprem pour la finir. Merci au commentateur Facebook qui m’a gentiment averti : et si ça se chevauche ?!

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06:20. Toutes mes histoires commencent toujours avec laisser la voiture à la gare de Saint-Pierre des Corps.


06:25. Cette image-ci, parce que je la retrouverai au soir, la boucle bouclée.


06:27. C’est le passage sous voie, à cette heure-là désert. Mais c’est toujours important pour moi de me débrouiller à ce que les lieux soient débarrassés de la sueur humaine : garder l’empreinte des gestes, des pas, la possibilité des fantômes.


06:30. Combien de fois j’ai fait cette même image, au moins au téléphone. La géométrie des choses matérielles fixes dans la lumière variable est toujours un miroir.


06:40. En ces temps d’horaires incertains, on se ménage des marges. Donc zonage salle d’attente, toujours la même, et souvent la même place quand elle n’est pas contrainte par trop de promiscuités. Regarder les réseaux (y en aura peu d’ici le train retour).


06:54. Du train lui-même je ne parlerai pas, parce que j’ai surtout dormi, pour des raisons que je n’ai pas à mentionner ici, et puis dehors il faisait noir : c’est à partir de mars que le train redevient dispositif optique. Bizarrement, alors que normalement le 6:54 est double rame et bondé, on était simple rame et quasi vide — les gens s’organisent, on a besoin d’indifférence.


08:04. À l’arrivée j’avais oublié que je devais me tenir prêt à photographier : ils me l’ont rappelé mais c’était trop tard.


08:14. Je ne triche pas : c’est juste que quelqu’un (qui repartait en sens inverse par le train suivant, et avait vu sur Facebook que j’étais dans celui-ci) m’avait fait la surprise sur le quai ! Est-ce que vous voyez les deux yeux qui dépassent ? Quand on regarde pour de vrai, on ne voit que ça. Quand c’est l’appareil, c’est juste un petit bout d’image. La dame a vu que je la photographiais, mais je crois que ça l’avait plutôt fait sourire.


08:24. Intérieur Montparnasse, ils se croient encore Noël. Quand je reviendrai tout à l’heure ce sera déjà la nuit aussi.


08:26. Pourtant c’est intéressant, l’idée que des rouges et des bleus se soient ajoutés à l’inusable gris brutaliste, ici si fascinant (j’ai vu autrefois se construire ces espaces). Et l’absence de foule dans la poche en bas, où normalement ça grouille, puisque métro clos.


08:30. Ce Monoprix sordide de la rue du Départ (ou de l’Arrivée, je ne me souviens jamais : je n’utilise jamais la rue de l’autre côté du centre commercial) n’a pas de vitrine, mais ouvre sur la rue par cet enfoncement de service : quand je passe, chaque fois je regarde, jamais je ne m’arrête (question photographique aussi ? je ne sais pas).


08:36. Comme il n’y a pas de métro, tout le monde marche, ça donne un côté assez joyeux, artificiel, pas désagréable. Quand je passe en face du luxueux hôtel manufacture d’Albin-Michel, j’ai toujours des sentiments mélangés.


08:38. Je n’aurais pas pensé que le cimetière soit ouvert dès avant 9h, bien avant les commerces, donc. J’enrage un instant : je n’ai jamais été salué Baudelaire à cette heure-là, et dans cette heure mouillée de l’hiver. On verra par la suite que je n’ai pas à le regretter. En tout cas, même si je ne vais pas loin, pas possible s’arrêter.


08:50. Qu’on ait gravé dans la pierre (quand, XIXe ?) les mots Ateliers de l’école, des Arts et Métiers aux écoles d’art (et pas seulement Cergy, qui n’est d’ailleurs pas de pierre), ici Raspail école d’archi, voilà qui m’émouvra toujours (ah, conjuguer émouvoir au futur, alors que c’est toujours un présent).


08:58. C’est là que je viens, et je suis à l’heure. Je ne m’attendais certes pas à ce que l’entrée ressemble à ça. Bizarrement, tout à l’heure chez Hermès on parlera aussi trames de fer et portes de prison, ça me frappe maintenant. Mais l’accueil est au troisième étage, et à Paris l’espace est cher.


09:10. On s’installe là pour parler avec un café : pas de salle des profs, un plateau open space.


09:12. Il y a un petit personnage dehors, dans les échafaudages de la fondation Cartier. On cause emploi du temps, évals, masters.


09:25. Visite. Première fois que je vois le cimetière Montparnasse en vue du dessus. Pour eux, à Camondo, des arbres, une permanence. Maupassant doit être là, juste en bas. Une idée étrange est venue, peu à peu s’impose, elle me poursuivra tout au long du jour.


09:50. Camondo, centre de doc. Quand je découvre l’espace, je demande à ce que l’atelier d’écriture ce soit là. Rempiler c’est une chose (ça me manque, l’échange direct étudiant.e.s), mais cette sorte de truc qui vous prend au ventre, où vous entendez déjà des textes, des voix, tu te dis que non, t’es pas guéri. En plus, tout de suite ils disent oui, le courant passe.


09:55. Camondo, sous-sol, l’atelier maquettes. Je trouve dans mon LightRoom 3 images de ces gros-plans machine : il m’avait semblé en faire beaucoup plus. Comprendre que lorsque monte l’intensité, le nombre de photos mentales excède le nombre de celles où effectivement tu déclenches, mais sur l’instant tu n’en as pas conscience. En littérature je sais travailler le détail, en photographie non.


10:25. Je l’attends 18’ et il sera bondé, d’autre part je n’ai pas de ticket (les stations de métro pour en acheter sont fermées, et depuis des mois, avec le « sans contact », je n’ai plus jamais de liquide sur moi), mais le 68 me fera descendre tout Raspail jusqu’au Louvre — bizarre de se retrouver au Louvre sans les lycées pro, et 20’ de marche « beaux quartiers » (le titre d’Aragon), sous l’appart de Keith Richards mais Keith n’y est pas, sais pas depuis combien d’années je ne m’étais pas trouvé à me prendre la rue Saint-Honoré.


11:00. Les beaux quartiers ont aussi une vie de trottoir, pas trop compris mais je dois marcher. Toute la journée j’aurai promené mon ordi dans le sac à dos, et je n’en serai jamais servi (mais l’angoisse où j’aurais été si je ne l’avais pas emporté).


11:01. Luxe fantaisie piété. L’idée que la papèterie, voire même l’histoire typographique et onomastique de la ville ne soit plus qu’un loisir de bourge.


11:08. Ce qui ici m’est comme un pays lointain. L’histoire compliquée de ce que ce bronze représente. Salut mental à Jean Gattegno, les visites à son appart en mansarde rue Castiglione.


11:10. Travail manuel et beaux quartiers : l’objet manufacturé camion est mieux rempli et plus riche que ce qui s’exhibe dans les vitrines. J’ai photographié les gars en casque et gilets oranges occupés à trouer la chaussée pour des affaires de câble, mais cette photo est plus intéressante, alors même qu’elle vaut par le contraste avec ce qu’on n’y voit pas.


11:10 bis. Le même camion.


11:10 ter. Le même chantier.


11:15. Les bourges aiment qu’on travaille pour eux déguisés. Ou bien ils s’en fichent eux aussi, et c’est juste ces chaînes hôtelières qui veulent signifier à ceux qu’ils exploitent leur condition de valet, en les grimant avec ridicule ?


11:20. Toujours une curiosité à ce qui me sépare des champs imposés par seule nécessité intérieure. Mais ce sont encore les signes de la ville. Pas de trouille : si la rencontre ne se fait pas, il suffit de repartir, j’ai appris, sans trouble.


11:25. Le fric est un monde étrange, qui m’indiffère parce que nos esthétiques sont plus simples, plus directes et plus fortes. Et moins besoin d’en exhiber les signes : dans la foule, on s’évanouit. Cela ne concerne pas les gens que je vais rencontrer.


11:30. Ponctuel sans même l’avoir fait exprès (trop d’aléas), mais ponctuel à la minute près (je n’en fais pas fierté, c’est souvent le contraire), disons ponctuel par chance, mais eux de leur côté la réunion précédente n’est pas finie. Quand on vous amène au 3ème étage, on commence par vous faire remplir une clause de confidentialité d’au moins 5 pages en double exemplaire, j’ai beaucoup hésité et puis finalement j’ai signé, c’est tellement hors de nos intersections de réel. Donc passons jusqu’à 12:56, une grosse heure de boulot plus tard. Bien aimé le regard de ces quatre personnes avec moi dans la salle : quand un boulot vous plaît, quelque chose de l’être s’apaise, ou s’élargit. Pas possible de ne pas faire le lien avec les stations de métro fermées, il n’y a pas d’imperméabilité des mondes, plutôt des ruptures d’échelle ? C’est une des raisons qui me font accepter le singulier voyage.


13:10. Le réel reprend brutalement ses droits. J’ai un gros coup de barre après la densité des 2 rendez-vous. Je m’écarte à la radiale pour trouver un plat du jour, puis plus beaucoup de souvenir, je m’enfermerai dans le téléphone pour un peu de réseau et de mails (mais peu), ça je m’en souviens parce que je me vois sortir de mon sac la batterie externe de recharge. Un truc bizarre : je vois mon copain le GH5 posé devant moi sur la table du bistrot et je me mets en garde : tu ne vois pas que tu l’oublies ? Mais j’ai décidé de le garder à dispo toute la journée, je m’y tiens.


14:05. Dans mon affinité pour les camions, il y a leur parfaite adéquation à la notion de cadre photographique, mon interrogation sur la notion de frontalité (la photographie ne m’intéresse que frontale, et c’est pour cela ma passion souterraine pour le 360 : le front remplacé par le crâne), encore qu’ici la médiation par souvenir des jouets de l’enfance. Noter que j’ai une bonne dizaine d’autres photographies de mon trajet en remontant la rue Saint-Honoré, mais que je ne les utiliserai pas : est-ce qu’une photographie non publiée est aussi une photographie ?


14:10. On sait parfaitement que ces vitrines (Walter Benjamin en a bien constitué l’histoire, et là on est parfaitement dans un chapitre non écrit de son Enfance berlinoise) sont faites pour vous accrocher l’oeil intérieur, façon Ponge, Trassard et d’autres — on accepte quand même : qu’est-ce que note alors la photographie, les objets eux-mêmes, ou le fait qu’ils vous évoquent nostalgie ?


14:15. Le passage Choiseul n’est pas directement sur ma route, mais presque. C’est une idée benjaminienne aussi : finalement, réapprendre à marcher la ville n’est pas si négatif, sinon aujourd’hui j’aurais seulement pris le métro. Dans ce local en suspension au-dessus du passage, autrefois occupé par une entreprise numérique (allez, 2007 ? c’était encore l’époque Bookcamp) je suis venu, et aucune idée de ce que c’est devenu... Je cherche à la Fing, mais la Fing a déménagé.


14:17. Le syndrome Benjamin inverse : plus rien, mais rien, dans ce vieux et magnifique passage Choiseul, que de la mal bouffe. Tu viens pour te remémorer que c’est le carrelage, le fer et les vitres de Mort à crédit mais Mort à crédit ici est mort autant que Lucette Almanzor, qui vient de nous quitter. Alors je pense qu’à quelques étages au-dessus de moi, sous des mansardes, sont des dessins de Louise Bourgeois : ah oui, c’est bien ce mec-là que j’aurais eu envie de voir à cet instant, mais dans de tels aléas tu n’as pas le droit de charger ta journée en rendez-vous plaisir, tu ajoutes quelques autres prénoms, le Pierre, le Fabrice, et donc le Bernard et tu te dis que ta vie va de travers, tu n’as pas réouvert ce que tu te promettais, c’est pas bien. Ton asocialité de murs capitonnés est habitée, mais tu les laisses dehors alors que tu aurais toi-même besoin.


14:19. Telles sont donc tes pensées en continuant le passage Choiseul, puisque de toute façon là tu as 10’ de retard, t’es dans les choux, et finalement est-ce que c’est pire, cette condition qui t’est faite de ne pas habiter le présent de la ville, tu ne dois pas être le seul dans ce cas-là.


14:35. Cette pollution toujours d’une ville de plus en plus militarisée, ce qui t’avait tant surpris à Tel Aviv se banalise ici-même, et ces types sous leur arsenal l’air naïf qu’ils ont parfois : ils ne seraient jamais venus se ballader ici sinon.


15:45. Je mets quand même son visage parce que c’était un beau moment : elle vit à Rome, née à Rome mais toujours attachée à l’Éthiopie qu’ont quittée il y a longtemps son père et sa mère, elle fait une thèse sur littérature et numérique, on parle pendant une bonne heure et demie à l’étage du Père Tranquille –– elle dit en même temps qu’elle préfère les livres à l’Internet, moi je ne les oppose pas vraiment, mais pour ce qui est du plaisir à écrire et lire je crois que j’ai glissé définitivement, finalement c’est peut-être cela qui ne se résout pas à la technique et est si difficile à exprimer.


16:25. Je pense aux accidents de vélo de deux proches, à quelques jours d’écart, à cause du bazar actuel, il doit y en avoir eu des centaines comme ça. Pas possible s’éloigner des itinéraires marchables, en autres circonstances je me serais une fois de plus servi de ma carte magique d’accès aux musées pour un petit coup de Beaubourg ou Orsay mais ça se prépare, pas envie de la ville marchande, pas envie des terrasses à paroles (même si toi tu te tais, la ville-parole insupporte). Remonter à Montparnasse en redescendant Palais-Royal puis le 95, ou traverser par Cité et rejoindre la rue de Rennes ? Je découvre en passant devant que les grilles métro sont levées, la 4 a repris le service pour les heures de pointe à venir, résultat la rame métro est quasi vide et à peine 12 minutes plus tard je suis Montparnasse sans rien avoir à y faire.


16:27. L’avantage des gares étant qu’elles t’accueillent à n’importe quelle heure que tu choisisses, et c’est déjà comme si elle se préparait à sa nuit perpétuelle.


16:29. En bas je crois que c’est ou c’était un genre de boîte de nuit. Je passe un coup de fil d’une bonne dizaine de minutes : mon cousin Jean-Claude est non-voyant, c’est un des seuls avec qui je fais exception et je suis de la team pour le bouquin qu’il écrit, on fait le point.


16:31. Toujours trouvé pathétique le mot culture dans ce gourbi sur le parvis de Montparnasse, je crois pour des billets tarifs réduits sur invendus spectacles du jour même. C’est comme s’ils nous vendaient au rabais nous tou.te.s à la fois.


16:32. L’approche même de la gare, définitivement Montparnasse monde est un voyage.


16:32 bis. J’aime saluer Jacques Villeglé à chaque affiche décollée. J’espère qu’il va bien.


16:32 ter. C’est tellement rare que je revienne à pied à la gare que j’avais oublié ces noms de ville, tradition des gares originelles de la mi XIXe siècle : mais, habitant Tours (agglo) je n’irais et n’irai jamais à Chatellerault depuis ici ?


16:35. Escalator pour le hall départ. C’est aussi les 2 images superposées que j’ai mis en haut de page. Toujours associé à ces fatigues des retours, d’où que tu reviennes, de quel transit, ou les séances hebdo Cergy 5 ans durant.


16:39. J’essaye de m’engouffrer dans le Tours 17h27 mais ils ont mis les portiques d’entrée. Tentative sur téléphone mais ça bugge : le train est déjà en surbook. Le personnel d’accueil est inflexible mais super aimable, on plaisante, ma résa est sur le 18h31, remplacé par un TGV à étage, places non attribuées il y a donc juste à attendre.


17:05. Pour bien planqué qu’il soit, j’ai accès au salon Grand Voyageur (c’est pas un privilège, juste le fait de claquer plein de blé en billets), c’est confortable, prises de courant et machine à café, mais c’est hyper bondé.


17:07. À la rigueur j’aurais pu me jouquer sur un des bancs de travail et faire de l’ordi mais non, pas la tête à ça alors allons marcher.


17:09. Là aussi c’est bondé, mais c’est beaucoup plus sympa. Le problème avec le salon Grand Voyageur c’est comment ces types ne se sentent pas pisser de leur supposée importance. Pourquoi si peu de places où s’asseoir désormais : dans les récentes réfections de la gare, le nombre de boutiques (nulles, pour les deux tiers, rien du fonctionnel comme à Saint-Lazare ou Gare du Nord, même plus le Celio où depuis 15 ans je m’achetais une fois par an un pantalon et mes tee-shirts) a quadruplé, et le nombre de places assises a été rétréci d’un même facteur : est-ce qu’on pourrait avoir sa photo, au type qui a calculé cet algorithme-là ?


17:11. Quand tu n’as rien à faire dans une gare, le jeu des escalators et des demi-étages peut faire de jolis effets.


17:15. Pour la première fois, je rentre dans le nouvel espace Fnac, mais ces murs-là te répugnent.


17:16. Même s’ils essayent de te faire envie avec des images, ça te répugne.


17:18. Ça par contre c’est bien, les grosses lettres F N A C en volume à l’envers sur fonds de ville nuit, et la vieille tour malade (ou réhabilitée, ou en chemin pour ?).


17:20. Comme ça nous émerveillait, le rayon informatique des Fnac, sans parler de l’époque « Fnac Digitale ». Mon iPad mini, au bout de 5 ans, le bouton ne marche plus (mais il y a une possibilité de bouton virtuel, donc je m’en sers quand même tous les jours et sur scène. L’iPad Pro c’est sûr que je m’en servirais, mais il me faudrait aussi un clavier et ainsi de suite, donc non merci. La phase actuelle du numérique, c’est que ça se passe ailleurs que dans le désir de matos. Un anonyme a ouvert celui-ci en fonction FaceTime.


17:25. Je vais ressortir, bien convaincu que je n’ai rien à dépenser ici, quand la perspective de l’heure entière à attendre me fait basculer. C’est à cause du Échenoz. Il me vient cette phrase bizarre dans la tête : — S’il ne voulait pas que je l’achète, il n’avait qu’à me l’envoyer... Et c’est donc ce que je fais, 18 balles, donc 8 pour la Fnac, 2 pour la fab, 3 pour l’éditeur, 1€60 pour Jean, c’est à peu près ça ? En se séparant du monde de l’édition, tout ça devient bien plus abstrait.


17:27. En attendant à la caisse, tu te dis qu’ici c’est forcément tout ce que tu achèteras, un câble perdu, un chargeur oublié, une carte SD nase à remplacer, mais certainement pas plus, mais cette jeune femme devant toi elle en a pour 657€90, sans que tu puisses savoir ce qu’elle a payé ce prix-là, et elle vérifie avec l’employé toute une liasse de bons d’achat qu’elle déchire à mesure d’un gros bloc à 10, 20 et 50 euros chacun. Comme ça dure, tu as le temps de voir. Des pans entiers de la vie des gens te resteront mystère.


17:29. La sécurité dans les gares est un métier d’errants permanents en labyrinthe clos. J’imagine que dans leur centre de vigie et écrans on doit pouvoir établir (ou prévoir, ou rationnaliser ?) cette déambulation permanente, et assurée, mais totalement indifférente à ce que tu es, malgré le Echenoz que tu tiens à la main, autrement percinieux que ce qu’ils surveillent.


17:31. Debout ou cul par terre, tout le monde attend comme il peut. Une heure avant le 18:31, mais j’ai mon Echenoz.


17:35. Ça ne m’a jamais été indifférent, la façon dont les gens tiennent leurs mains.


17:36. Vélo tout-terrain en pleine gare : peut-être organiser des courses ?


18:25. J’ai pu m’asseoir sur un rebord, et lire 50’ le Echenoz. À 18h20, on nous annonce que le train de 18h31 aura 10’ de retard. À 18h35, on nous annonce que le train de 18h31 aura 15’ de retard. À 18h45, on nous annonce que le train de 18h31 aura 25’ de retard. On partira avec 1h de retard, mais difficile, dans la station debout à 900 ou 1000 personnes ensemble (2 rames à étage le train dessert Massy, Vendôme, Saint-Pierre des Corps, Chatellerault et Poitiers), de se concentrer sur les phrases à ressort d’Echenoz.


19:05. On nous annonce le quai, même si les trains sont bloqués « à l’entrée de la sortie » (répété plusieurs fois) en raison d’un problème d’aiguillage. Places non attribuées, les premiers arrivés seront les premiers servis mais ça se passe sans heurt, on n’est pas des sauvages, on veut juste rentrer chez nous et on n’aurait pas eu des raisons de boulot pour venir qu’on ne serait pas venu.


19:15. User l’attente comme elle vous use.


20:40. Toi tu es rendu chez toi. Mais il y a encore des correspondances pour d’autres, juste encore 1 heure à se les battre. Et les voyageurs pour Port-Boulet ou Saumur ont gagné une nuit à l’hôtel aux frais de la SNCF, est-il annoncé.


20:43. Je vous l’avais dit : on finirait par où on a commencé.


20:43 bis. Je mets celle-ci au cas où, si vous croyez que je vais compter pour vérifier si on est à 80 ou pas, eh ben non. Merci quand même de la visite et du partage, on recommencera !

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 11 janvier 2020
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